Oldric.
Le septième jour, le ciel était d'un bleu impeccable, aussi clair que ses iris, sans la moindre bouffée nuageuse en vue. J'espère que les briques du Grand Théâtron fondront au soleil, songea Oldric. Sur le sable, les combattants sentiraient la chaleur à travers les semelles de leurs sandales.
On lui apporta une esclave qui l'aida à entrer dans son bain. Les rayons solaires miroitaient à la surface de l'eau, brisés par l'ombre des colonnades. La serve lui lava les cheveux, les huila, les tressa, et bientôt le monomaque n'exsuda que la fragrance du savon et de l'eau parfumée.
Tandis qu'il enfilait une cuirasse et qu'un deuxième serf se chargeait d'ajuster sa jupe de cuir plissée, des licteurs bavardaient gaiement en discutant des combats de la journée. Personne ne faisait allusion à Bammon. Son apprenti serra les dents.
L'on avait repeint le Grand Théâtron en teintes multicolores pour l'occasion : noir, indigo, vert, blanc, jaune et orange, rouge qui contrastaient avec la nuance des sables en contrebas. Une paire de massifs guerriers de bronze s'affrontaient désormais au sommet d'une tribune. L'un d'eux maniait une épée, l'autre une lance ; le sculpteur les avait représentés au moment où ils se tuaient mutuellement, lames et corps formant une arche au-dessus des propylées.
Quand les badauds aperçurent sa silhouette qui émergeait du tunnel, des vivats s'élevèrent, puis se propagèrent à l'ensemble de l'arène.
C'est étrange, ils m'applaudissent, comme ils applaudissaient Céros.
De chaque côté, les nobles siégeaient accoutrés de robes flottantes bigarrées, groupées autour des Oracles, seuls autorisés à porter de l'or. Certaines femmes étaient voilées, d'autres avaient lustré leurs chevelures et semblaient affectionner les tuniques mauves, lilas, rose rayé de beige. Les commandants de légion, intégralement vêtus de bleu et or, remplissaient l'exèdre jouxtant celle du prince héritier, chacun d'eux accompagné de ses esclaves et de ses serviteurs. Les Égéens de basse naissance se pressaient sur les gradins supérieurs, loin du carnage. Sur les bancs les plus élevés, s'entassait le reste du petit peuple.
Du haut de l'exèdre, un jeune seigneur assis près de Damianos se mit debout et leva les bras.
— Au nom de Kratheus, premier du nom, fils de Théodon et fils de Dios. Voici les monomaques, debout sur le sable de Sa Majesté, prêts à apaiser la fureur du dieu Zagreus. Grâce à leur sacrifice, aucun des enfants de l'empire ne mourra par l'épée ou par la peste. Gloire soit rendue à Dios. Gloire soit rendue à son fils dans les cieux, Neptolemos ! Gloire soit rendue à son fils sur la terre, Kratheus !
Dix mille gorges rugirent en réponse, ensuite vingt mille ; enfin, toutes. Ils ne scandaient pas la formule d'usage, trop longue. En vérité, ils criaient « L'ours ! ». Ils tapèrent des pieds, se claquèrent le ventre et hurlèrent : « l'Ours, l'Ours, l'Ours » jusqu'à ce que l'arène tout entière semblât trembler. Oldric laissa le bruit déferler sur lui.
Je ne suis pas un ours, brûlait-il de rétorquer, je ne suis pas une bête sauvage. J'avais un père, une mère, une femme. J'avais un fils.
Un énorme tambour marqua le début de l'affrontement. La populace retint son souffle. Le champion se tint droit, ses muscles se contractant au rythme des battements, l'essence de son humanité se drainant par les pores, coup après coup.
Boum.
Le souvenir de Fadr s'effrita.
Boum.
L'image de Modr partit en fumée.
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Une Voix dans le vent
RomanceC'est l'histoire d'Amarys, surnommée Rys, une jeune chrétienne du royaume de Shulam devenue esclave de l'Empire d'Égée. Après avoir perdu sa famille, elle se retrouve servante de la princesse Julia Valerian, nièce de l'Empereur. Une relation complex...