84. La paix des bourreaux

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Rys.






Pour la quatrième fois cette semaine, Julia ordonna à Amarys de se préparer pour se rendre sur la tombe d'Ostorios, située à l'extérieur des murs de la cité. Le voyage durerait, par conséquent Amarys s'assura d'emporter suffisamment de provisions. Vivres, couvertures au cas où la température se rafraîchirait, et du vin destiné à apaiser les nerfs de sa maîtresse lors du retour.

Depuis le décès de son époux, des cauchemars tourmentaient Julia. Malgré les offrandes faites aux dieux du foyer ainsi qu'à Ops, rien ne parvenait à la calmer. Nanna confia à sa congénère qu'avant de mourir, le maître avait ouvert les yeux, regardé sa femme, et lui avait murmuré ces mots :

- Je sais.

La princesse semblait effrayée de visiter seule la sépulture et avait donc invité Olympias à l'accompagner aujourd'hui. Kallian fut son accompagnateur une fois, cependant sa mine ronchonne n'avait été d'aucune utilité. Il fallait quelqu'un capable de la distraire de ses pensées. Et Olympias couvait constamment un ragot à partager.

Quatre serfs portaient la litière à tentures. La veuve contemplait les rues bondées pendant que son cortège les traversait en direction des propylées. Rys chevauchait un mulet à côté des princesses, d'autres domestiques ayant pris de l'avance en vue d'installer le nécessaire du déjeuner.

Olympias examina sa cousine. Vêtue d'une robe noire, le teint cendré, la tignasse brossée de manière quelconque, dame Maximilian paraissait affaiblie et vulnérable.

- Tu as perdu du poids depuis la dernière fois, constata la brune. Et tu t'es coupée de la plupart de tes amis. Shiva s'inquiète énormément à ton sujet.

Rys frissonna. Si sa maîtresse n'avait pas rencontré la vipère, probablement le bébé aurait survécu.

Julia darda un regard inquiet à sa parente.

- Tu la vois souvent ?

- Tous les jours. J'assiste à ses banquets. Tu lui manques.

- Ha oui ? Que dit-elle exactement ?

- Précisément ? Que devrait-elle dire ?

Olympias fronça les sourcils.

- Liviclès n'est pas du genre à colporter des commérages, si c'est ce que tu insinues. Tu devrais le savoir, toi qui es plus proche d'elle que je ne l'ai jamais été.

Le timbre s'impregnait d'une pointe de jalousie.

- Je n'ai guère envie de la voir. Je ne peux penser à rien d'autre qu'à mon amour.

Des saules pleureurs bordaient la nécropole, leurs feuillages vibrant au rythme des soupirs du vent. Rys surprit un oiseau planer dans le ciel. Elle rêva de pouvoir s'envoler loin, très loin... Loin de cet aspic qui la terrifiait, loin de Kallian, loin de cette cité empreinte de désolation.

- Shiva me trouverait sûrement stupide de respecter ma période de veuvage, dit Julia d'un ton morne. Informe-la que je me porte à merveille.

- Avise-la toi-même, proposa la cousine. Tu lui dois bien ça.

Julia lui lança une œillade à moitié paniquée.

- Qu'est-ce que tu sous-entends ? Pourquoi devrais-je quelque chose à Shiva ?

- Bah, elle t'a présentée à Ostorios.

Un silence cassant répondit à la déclaration.

Rys déplorait qu'Olympias ait été conviée. Elle tenta de se changer les idées, sans succès. Les souvenirs d'Ostorios ne cessaient de lui revenir en mémoire, alors qu'elle avait cru que sa mort mettrait fin à l'épouvante.
Au contraire. Maintenant, la serve craignait pour sa maîtresse, car l'on aurait juré que la veuve charriait un spectre en permanence.

Une Voix dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant