Partie 2.13

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Hortense hésitait à toquer. Son poing était lourd comme du plomb. L'idée de toquer à la porte de Justine la terrifiait. La batteuse savait qu'elle n'était pas sortie de chez elle. Elle n'avait pas réussi à trouver le sommeil et avait écouté le silence toute la nuit. Le quotidien de la lune, en somme.

Ses yeux se baissèrent sur ses deux valises. Tout le reste de ses affaires restait dans l'appartement. Elle continuerait de le louer jusqu'à ce qu'elle revienne. Ou jusqu'à ce qu'elle décide qu'il y était temps d'emporter sa batterie ailleurs. Quand elle était venue ici, il avait fallu un camion entier. Désormais, deux valises suffisaient pour partir.

«Non, Justine sait que je l'attends en bas. Elle doit sûrement être descendue.»

Horty descendit les trois étages seule. Les valises tapaient contre chaque marche. Si tout l'immeuble voulait être au courant de son départ, c'était fait. Quand elle arriva au rez-de-chaussée, son cœur se serra.

Personne n'attendait dehors. Pas de cheveux blonds, pas de yeux verts, pas de longs bras tatoués. Elle aurait même aimé voir un nuage de fumée de cigarettes.

Pèlerine fit un signe depuis la voiture qui allait les amener à la gare. Au cas où Hortense se perdrait, ne savait-on jamais. La fille aux cheveux noirs et rouges se dirigea vers la voiture, la boule au ventre. Plus elle s'éloignait de Justine, plus elle avait l'impression de faire une erreur. 

«Horty, t'es prête pour notre nouvelle aventure ? demanda Perrine en baissant la vitre.

-O-ouais. Carrément. Je vais mettre mes valises dans le coffre.»

Hortense essayait de gagner du temps pour laisser à Justine le temps de descendre. Pour qu'elles se disent un dernier au revoir. 

Ses mains ouvrirent avec difficulté le coffre. 

Elle plongeait dans une mer d'angoisse et de peur. Comment s'en sortir ? Hortense se laissait couler. Elle avait signé. Le boulet à sa cheville ne la ferait pas flotter. Elle plongerait dans les fonds marins, sans issue. L'obscurité, voilà ce qui lui était destinée. Plus on plongeait profond dans l'océan, moins les rayonnements du soleil étaient perceptibles. Au delà des abysses, seul le noir régnait. La lumière n'existait plus.

Elle glissa ses valises dans le coffre. Ses yeux ne savaient plus sur quoi se concentrer.

Dans un effort herculéen, elle parvint à se glisser dans la voiture. Pèlerine lui sourit doucement.

«Ça va ?

-O-ouais. Ca va super.»

Hortense voulait éviter toute discussion sur son état. Elle fouilla dans son sac et sortit ses écouteurs. La voiture démarrait. Personne ne sortait de l'immeuble. 

Les maisons défilaient. Horty s'éloignait lentement de son appartement. Elle enfonça ses écouteurs dans ses oreilles et détourna le regard. La première musique se lança.

«My baby, my baby.»

I bet on losing dogs de Mitski se lança. Impossible de ne pas penser à Justine. Elle adorait cette chanteuse.

En repensant à la blonde, impossible de ne pas penser à tout ce qui venait avec. Impossible d'oublier ces rires, ces sourires, ces paroles d'amour. Horty plongea son visage dans ses mains. Il pleuvait à nouveau. Un véritable orage s'abattait sur elle.

«You're my baby, say it to me.»

Impossible d'oublier cette voix, ces cheveux, ces yeux. Ces yeux pétillants, narquois, tendres, amoureux. Un hoquet s'échappa des lèvres de la batteuse. Elle se frotta doucement la bouche en espérant que ses amis dans la voiture ne l'ait pas entendue.

«Baby, my baby.»

Impossible d'oublier tout cet amour, toute cette tendresse, toute cette chaleur. Hortense avait l'impression que les baisers, les câlins, les caresses que Justine lui avaient accordés étaient gravés dans sa peau. Des marques indélébiles, qui ne partiraient jamais, sous l'eau ou les flammes. Des marques qu'aucune autre personne ne parviendrait à couvrir. Le soleil l'avait brûlée.

«Tell your baby that I'm your baby.»

Ces baisers ardents, brûlants, étaient inoubliables. Cet amour que seule Hortense avait reçu était inoubliable. Ces matins à se contempler, à parler de tout et de rien, d'écouter des sujets complètement futiles, disparaissaient au fur et à mesure que la voiture roulait vers la gare.

«I bet on losing dogs.»

Ses sanglots emplissaient la voiture. Impossible de se calmer. Perrine posa une main rassurante sur le dos d'Hortense.

Ce n'était pas cette main qu'elle voulait toucher. Ce n'était pas ces yeux qu'elle voulait sur elle.

Ce matin, Justine n'était pas venue.

Ce matin, le soleil ne s'était pas levé.

Space Song [HortyUnderscore X Baghera Jones Fanfiction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant