Prologue.

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«Aber ich will dein Fahrradsattel sein!»

Justine se stoppa d'une traite en entendant cette phrase. Qui avait autant de mauvais goût pour chanter du Pisse à la fête de la musique ? Personne n'aimait le rock allemand. Encore moins Justine. De toute sa vie de graphiste, elle n'avait jamais autant détesté un style de musique. La musique allemande était utilisée dans beaucoup trop de spots de pubs en Suisse.

La foule devant la scène en délire l'empêchait de voir le groupe qui chantait Fahrradsattel. La voix de l'homme qui se détruisait les cordes vocales pour chanter lui rappelait vaguement quelque chose. La blonde commença à s'avancer dans la foule, n'hésitant pas à donner des coups de coude pour se rapprocher de la scène.

«Jus-tine, tu viens ? grogna la femme que suivait la blonde.

-Tu sais quoi Marla, on devrait remettre ça à un autre jour, nan ? J'ai pas très envie là, marmonna Justine en se frayant un chemin parmi les fans déchaînés.

-T'es sérieuse ? Tu arrêtes pas de me draguer dans le bar et maintenant, tu veux plus ?»

La blonde souffla un «oui, oui» complètement désintéressé avant que Marla ne peste et s'en aille.

«Du willst eine Jahreskarte ! Du willst einen Ring am Finger !»

Elle ne s'excusait même pas de pousser les gens de la foule. De toute manière, à part des grognements, des rires et des gens qui n'arrivaient même pas à parler allemand correctement, Justine n'entendait rien.
Les personnes autour d'elle dansaient, se bousculaient, riaient ensemble, sautaient en rythme avec la musique.

«Eine Gummihand in deiner Festgekettet und für immer !»

Enfin, Justine arriva devant la scène. Les enceintes avaient le volume si fort qu'elle pouvait presque croire que ses oreilles saignaient. Mais aucun de ses sens n'était plus perturbé que la vue.
Le chanteur. Justine le connaissait bien.
Krono. Ou Pierre-Yves, pour les intimes. Mais comme il disait auparavant : «Krono, c'est plus classe.»
Et la bassiste, bien sûr que la graphiste savait qui elle était. C'était Perrine. Actuellement, elle portait son nom de scène : Pèlerine.

«Aber ich will dein Fahrradsattel sein!»

S'ils étaient là, ELLE était forcément là. Les Maybe Dead Cats ne se seraient jamais séparés. Justine devait en avoir le cœur net. Elle devait la trouver.
La scène n'était pas protégée par des barrières. Il y avait juste un vigile qui gardait les escaliers.

«Merde.» pesta la graphiste.

Ce garde devait partir. Poussée par un instinct trop curieux, et un peu méchant, Justine arracha le verre de bière d'une main au hasard et le versa en entier sur la tête de la personne à côté. La blonde redonna immédiatement le gobelet à son propriétaire avant de se cacher dans la foule.

«Aber ich will dein Fahrradsattel sein!» hurla une dernière fois Krono.

Une dispute éclata immédiatement. La graphiste décampa vite vers le vigile. Il lui suffit de pointer du doigt la dispute (qui s'était transformée en véritable baston) pour que le vigile fonce séparer les deux personnes.
Justine grimpa les marches des escaliers quatre à quatre avant d'arriver dans les coulisses derrière la scène.

«Merci les gars, c'était les Maybe Dead Cats ! A plus !» cria Pierre-Yves dans le micro en saluant le public.

Le groupe entra dans les coulisses. De la transpiration coulait sur leurs fronts à cause des projecteurs. Le prix de la célébrité, appelait ça Justine. Au début, sûrement à cause de l'obscurité dans la petite pièce exiguë, les trois musiciens ne remarquèrent pas la blonde.
Pèlerine fut la première à la voir, en voulant ranger sa basse dans son étui. Krono l'aperçut tout de suite en voyant la réaction de la bassiste.

«Salut, grogna Justine en croisant les bras.

-J-j-justine... bégaya Krono.

-Pfff, pourquoi tu parles de Justine ?»

C'était le troisième membre du groupe qui venait de parler. Baguettes en main, elle foudroyait Krono du regard. Visiblement, le prénom de Justine ne lui rappelait pas de bons souvenirs.

Pour Justine, c'était toute cette personne qui ne lui rappelait pas de bons souvenirs. Même si trois ans avaient passé, la graphiste la reconnaissait parfaitement.

Elle avait les mêmes cheveux noirs et rouges en bataille. Ceux dans lesquels Justine avait passé ses mains tant de fois. Ceux que Justine avait teint.

Le même tatouage de chat champignon sur le bras, avec son espèce d'araignée chromée sur l'autre (Justine n'avait jamais réussi à déterminer ce qu'était ce deuxième tatouage). Ceux qu'elle avait montré fièrement à Justine pour montrer qu'elle était une "vraie" rockeuse.

Ses yeux gris laissaient paraître la tempête qui avait lieu dans son crâne. Il ne manquait plus que la pluie, dès qu'elle allait remarquer Justine. Ces yeux où Justine avait trouvé la sérénité auparavant ne laissaient place qu'à une tornade grise et froide.

Elle la remarqua enfin. Un véritable choc. Ses baguettes de batterie lui tombèrent des mains.

«Justine ? appela-t-elle, comme si elle voulait se tromper.

-Salut Hortense.» souffla Justine en croisant les bras.

Son ton laissait transparaître toute la rancœur et la colère qu'elle avait envers ce groupe. Surtout envers elle.

Les deux amies se fixaient sans détourner le regard. Hortense avait trop peur pour le faire et Justine ne voulait certainement pas la quitter des yeux.

Les deux amies se regardaient.
La batteuse et la graphiste s'analysaient.
La lune et le soleil se contemplaient.
Les amantes s'admiraient.

Space Song [HortyUnderscore X Baghera Jones Fanfiction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant