Partie 3.8.

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Elle avait paniqué.

Après deux semaines à devoir subir la présence de Giuliana, Justine avait rapidement su ce qu'elle voulait. Ou plutôt ce qu'elle ne voulait pas.
Ne pas sortir avec sa prof de danse. Elle avait compris dès le deuxième jour de sa colocation improvisée avec elle que Giuliana ne voulait que la draguer. Les phrases à double sens, les proximités inattendues, la recherche constante d'attention... En soit, Justine n'avait rien contre ça. Elle aimait bien quand les femmes étaient entreprenantes, mais là, aucune envie. Rien.
Le visage d'Hortense lui revenait à chaque fois.

Finalement, la blonde avait terminé les quatre derniers jours d'attente chez Elsa. Tant pis, elle s'était toujours dit de ne jamais aller chez une fille avec qui elle avait eu une aventure d'une nuit, mais elle ne pouvait plus supporter la présence de Giuliana.

Ces deux semaines lui avaient permis de réfléchir. Ce que lui avait dit Hortense ce soir là sur le trottoir l'avait marquée. Pourquoi n'avait-elle pas pensé un seul instant à l'inverse ? Pourquoi elle avait cru que la batteuse avait eu une vie parfaite pendant ces trois ans ?

Toute la culpabilité qu'elle avait laissé en arrière pendant trois ans l'avait rattrapée. Deux semaines entières à se morfondre, à rattraper la honte. Justine comprenait ce que les crises d'angoisse faisaient à Hortense désormais.

Mardi dernier, lors d'une soirée avec Antoine et Florence, Justine avait abordé le sujet. Après trois ans de silence à avoir complètement ignoré l'existence d'Hortense, elle avait rouvert le dossier. Elle avait exprimé sa peur, ses hontes, sa colère et le mal qui la rongeaient.
Sans oublier ses sentiments... Ceux qui n'étaient pas partis depuis trois ans. Ceux qui l'empêchaient de voir une femme autrement que comme moins belle qu'Hortense. Ceux qui l'avaient arrêtée à chaque fois qu'elle s'apprêtait à ramener une fille à la maison. Ceux qui la faisaient contempler la lune en espérant avoir une quelconque nouvelle.

«C'est terrible de savoir que je suis toujours amoureuse d'elle alors qu'on ne s'est pas parlées pendant trois ans.» avait-elle pensé.

Antoine et Florence avaient apprécié qu'elle accepte de s'ouvrir. Le brouillard qui entourait le cœur de Justine n'était pas infranchissable. Certains arrivaient à l'atteindre et à en entendre les battements. Quand Antoine avait demandé si Justine pensait pouvoir se remettre en couple avec son ex, la blonde avait été catégorique.

«Non.»

Ce refus avait indigné Florence. Comment cela se faisait-il qu'elle soit autant investie, par ailleurs ? Justine n'avait pas vraiment eu le temps de creuser. La juriste s'était trop énervée. La graphiste avait rétorqué que lire une nouvelle fois un livre ne changeait pas la fin.

«Et si le livre avait un tome deux, bordel ?»

La réponse de la brune avait frappé Justine. Un tome deux ? Une suite ? Ce n'était pas recommencer à zéro. C'était reprendre là où les deux amantes s'étaient arrêtées. Reprendre à la dernière éclipse, prier pour que la suivante soit éternelle.

Étonnamment, Hortense avait accepté de venir. Alors que Justine n'avait rien à lui proposer. Pas même un thé ou un café.

La blonde entra en première dans son appartement. Quand ses doigts tapèrent l'interrupteur, elle fut surprise de voir que la lumière n'était pas au rendez-vous. Elle essaya plusieurs fois avant qu'Hortense ne tente d'allumer la lumière de la cage d'escalier.

Il n'y avait plus de courant. Tout l'immeuble était plongé dans le noir. Justine aurait pensé que cela rebute la batteuse et qu'elle retourne dans son appartement. Mais, au contraire, celle-ci rentra chez la graphiste, comme si c'était chez elle.

Elle partit vers la cuisine et essaya un interrupteur avant de rire. Il n'y avait vraiment plus la moindre petite goutte de jus dans cette immeuble. Sûrement dû au bricolage catastrophique de Madame Cagnau. Justine suivit sa voisine dans la cuisine. Elle s'adossa contre le frigo, faisant face à Hortense, assise sur le plan de travail.

Dehors, les lampadaires s'étaient éteints. Seules les étoiles brillaient. Mais Justine arrivait à distinguer, droit devant elle, deux petits yeux gris.

Plongées dans le noir, elles s'observaient sans prononcer le moindre mot. Justine savait parfaitement où trouver les lèvres d'Hortense dans la pénombre. Elle ne savait pas si elle fixait ses yeux ou l'emplacement de ses lèvres. Et elle ne savait pas non plus ce que regardaient ses yeux gris. Même un tournesol aurait pu éclairer la pièce. Mais un soleil et une lune dans une petite cuisine exiguë brillaient suffisamment.

Pourquoi avoir besoin de lumière ? Elles connaissaient le corps de l'autre par cœur. Justine saurait identifier chacun des tatouages d'Hortense sans problème. Elle saurait plonger sa main dans ses cheveux de la meilleure façon pour obtenir un regard envieux. Elle saurait quoi lui dire pour faire rougir ses joues et obtenir un baiser.

Quand la blonde ouvrit la bouche pour prononcer quelque chose (elle ne savait même pas quoi), Hortense descendit du plan de travail. Justine ravala ses paroles fantômes. Elles n'avaient pas échangé un mot depuis qu'elles étaient entrées dans l'appartement.
Combien de temps s'était écoulé depuis ? Quelques secondes ? Peut-être des années.
Des années entières étaient passées devant elle. Les cheveux d'Hortense avaient poussé. Elle avait grandi, aussi. Ses yeux avaient moins bien vécu. Ils étaient tout rouges, accompagnés de légères cernes, qui devaient être plus lourdes à l'époque.

«Sunsets. We wander through a foreign town.»

L'électricité était revenue. La radio du voisin du dessous s'était remise à jouer Sunsetz de Cigarettes After Sex. Justine aimerait bien voir la tête de ce fameux voisin un jour, il écoutait de bonnes musiques.

Malgré le retour du courant, aucune des deux femmes ne voulut poser la main sur l'interrupteur. Ce moment était trop intime, trop privé pour permettre à la lumière d'entrer. C'était une redécouverte de deux amantes qui, malgré leur relation compliquée, portaient un amour tout particulier à l'autre. Les balades dans la ville en pleine nuit, les discussions à un kebab portugais ou les engueulades sur un trottoir menaient à cela.

«Strangely, there's nobody else around.»

Hortense s'approcha pas à pas vers Justine, plantée comme un piquet. Elle détestait se sentir faible comme ça. Elle n'arrivait pas à détacher son dos du frigo. C'était la peur qu'elle ressentait au plus profond d'elle. Qu'est-ce qu'Hortense allait faire ou dire ? La graphiste était terrifiée de la réponse.

«So you open your dress and show me your tits.»

Le contact entre leurs mains était inattendu. Une flamme passa quand l'index de Justine effleura celui d'Hortense. Le soleil s'était rallumé. Le monde brillait à nouveau. La lune brillait à nouveau. La blonde décolla son dos du frigo et s'avança vers la batteuse. Elles ne quittaient pas le visage de l'autre. La lune était de leur côté. Un rayon de lumière lunaire passait par la fenêtre, éclairant une partie de leur face. Le gris des yeux d'Hortense resplendissait. La lumière de la lune était la lumière qu'il lui fallait pour briller.

«On the swing set at the old playground.»

Une voiture passa dans la rue. Le bruit des pneus sur le bitume ne sortait pas Justine de sa rêverie. La lune était juste là, devant elle, à portée de main. Pourquoi devait-elle s'embêter à détourner le regard ?

Leurs visages étaient si proches. Quelques centimètres d'écart pour des années de bonheur. Justine en mourrait d'envie, mais elle ne pouvait pas embrasser Hortense sans avoir prononcer des excuses.

«And when you go away, I still see you.»

La batteuse se blottit silencieusement dans les bras de son ex petite amie. Justine ne manqua pas l'occasion. Elle la serra tendrement contre elle. Elle posa une main sur son crâne et se mit à jouer avec quelques mèches tandis que l'autre caressait doucement son dos.

La graphiste finit par s'asseoir lentement sur le sol, gardant Hortense dans ses bras. La fille aux cheveux noirs et rouges suivit le mouvement. Assises par terre contre le frigo, lovées l'une contre l'autre, elles écoutaient la suite des paroles.

Space Song [HortyUnderscore X Baghera Jones Fanfiction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant