Chapitre 3.

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Le corps de mon interlocuteur se pétrifie. Au delà de son épaule, je peux voir que la jeune femme à la peau dorée discute toujours avec le soldat aux sourcils froncés. Elle me fixe, tout sourire. En l'espace de quelques secondes, la mèche prend. Plusieurs soldats se réunissent pour nous scruter avec attention et essaient de nous identifier. Le pirate fait volteface et déclare :

– Alors il n'y a plus de temps à perdre. Venez avec moi.

Le capitaine Whitley se tourne dans la direction opposée aux soldats, n'attendant même pas une réponse de ma part. Il se voûte et tente de se noyer dans la foule agitée. Je prise d'une envie irrépressible de lui dire qu'il fait tâche dans ce paysage, mais je m'abstiens, ne préférant pas le contrarier davantage. N'ayant pas d'autres choix possibles, je lui emboîte le pas. Je jette un rapide coup d'œil aux soldats qui ont enfin pris la décision d'intervenir, nous laissant un léger temps d'avance. La situation commence à s'envenimer. Chacune de mes prochaines décisions est cruciale pour ma survie. Voyant les hommes en bleu arriver plus vite qu'ils ne le devraient, une vague de panique se propage dans mon dos, je crie.

– Avancez plus vite !

Grâce au chaos autour de moi, ma requête passe inaperçue, et je n'attire la curiosité de personne. Les spectateurs hurlent à plein poumons sur le pirate qui va être pendu d'une seconde à l'autre.

– Je fais ce que je peux ! Et puis c'est à cause de vous que nous sommes dans cette situation embarrassante ! Quelle idée de venir ici !

J'ignore sa remarque et me mord la lèvre inférieure pour m'empêcher de sourire. Si vous saviez capitaine. Il est difficile de se frayer un chemin parmi tous ces corps mais nous avançons avec rapidité et discrétion. Assez vite, nous nous retrouvons en dehors de la foule, essouflés. Nous recommençons tous deux à courir, à l'unisson, sans même nous consulter. La place sur laquelle nous débouchons est beaucoup trop ouverte à mon corps. Les nerfs en ébullition, je rattrape la distance qui me sépare du pirate. Le capitaine Whitley a une très belle foulée. Dans sa course, son capuchon tombe et dévoile entièrement son visage.

Curieuse, je jette un dernier coup d'œil à nos adversaires. Ils traversent la foule tout comme nous l'avons fait quelques secondes auparavant. Certains se font emporter et d'autres peinent à avancer. Nous avons une petite d'avance que nous devons perdre sous aucun prétexte. Mon regard se pose sur l'échafaud, le corps de monsieur Smith se balance au bout de la corde. Trop concentrée à ne pas être la prochaine pendue, je n'ai pas entendu les cris d'allégresse, célébrant la mort du pirate. Je me laisse guider par le capitaine Whitley qui enchaîne les virages dans les ruelles sombres. Si c'est un guet-apens et que tout son équipage me tombe dessus, je suis morte. Mon poux s'accélère. Les rayons du soleil tapent beaucoup moins fort sur ces rues étroites, laissant une douce fraîcheur régner sur les lieux.

– Où allons-nous ?! demande-je à bout de souffle.

Le pirate court comme si sa vie en dépendait, et c'est peut-être le cas. S'il venait à se faire attraper par L'Ordre des Vents, il sera le prochain pendu et son exécution se fera aux aurores. Le capitaine Whitley est une tête à abattre, pour L'Ordre des Vents ou pour tous les Errants, comme moi. Un échos lointain me parvient, annonçant la présence de deux fugitifs. On ne cite pas le nom du Withley, signifiant que personne ne nous a identifiés. Les officiers de L'Ordre pensent que nous sommes des pirates classiques, voulant jouer aux trouble-fête durant l'exécution de l'un de leurs pairs. À quelques venelles de nous, les ordres des officiers s'élèvent dans les airs. Tous les soldats disponibles sont envoyés à notre poursuite.

Nous avons encore l'avantage mais ce n'est qu'une question de temps avant que les soldats débarquent avec les cavaliers. Dès lors, nous serons dans une très mauvaise posture.

– Sur L'Équinoxe.

Sans prévenir, le capitaine Whitley se stoppe dans sa course, devenant aussi statique qu'une statue de marbre. Prise au dépourvue, je n'ai pas le temps de freiner et finis par me heurter contre son corps aussi dur qu'un roc. Il reste complètement immobile et indifférent, mon manque d'anticipation ne l'affecte pas.

– Espèce d-

– Là !

Il me coupe et ne relève pas que j'étais sur le point de l'insulter. Sa concentration est à son paroxysme, calculant chacun de ses prochains coups. Cet homme n'a pas l'air d'être contrôlé par ses émotions, c'est un être de raison, un dirigeant. Ses pas se font pressants vers un passage effacé que je n'aurai jamais pu repérer d'où je me trouvais. Le pirate pointe un minuscule encadrement à peine capable de nous couvrir, demeurant presque invisible dans l'obscurité de ses ruelles lugubres. Il plie ses grandes jambes et s'accroupit en m'invitant en un regard à faire de même. Le concert de semelles des soldats qui s'écrasent contre le sol pavé de pierres brunes retentit dangereusement. Je me jette dans notre cachette de fortune, espérant au plus profond de mon âme que nous ne nous ferons pas détecter. Quelques secondes plus tard, tout un troupeau de soldats nous passe devant, sans nous remarquer. Le cœur battant, je reprends ma respiration.

– Astucieux. On dirait que vous avez fait ça toute votre vie.

– Connaître tous les petits passages des plus grandes villes m'a tiré de bien des ennuis.

Nous sommes à l'étroit dans cette cachette mais je fais un grand effort pour ne pas perdre patience. Ce n'est le temps que de quelques minutes pour que la situation se calme. La pouyssière tombe comme les feuilles d'automne après avoir été soulevée par les pas menaçants des soldats. Une odeur rance et suffocante flotte dans l'air, signe de l'humidité stagnante et du manque d'aération. À travers l'obscurité, je sens le regard du pirate sur moi. Lourd. Étouffant. Inquisiteur. Ses pupilles bleus me fixent avec intensité. Ses cheveux noirs retombent le long de son visage. Je déglutis et me mord l'intérieur de la joue. Je n'aime pas ça.

– J'ai l'impression de vous avoir déjà vu. Sommes-nous déjà croisés ?

Mon cœur s'emballe de plus belle. Je ne laisse paraître aucune émotion et feins l'indifférence. Ça devait arriver. Quand nous avons établi le plan, nous avons pris en considération cette possibilité. Il n'a rien d'affolant, je dois garder mon calme et nier les faits. Et c'est ce que je fais en lui offrant mon plus beau sourire niais. Il ne doit pas se méfier de moi et doit garder en tête que je ne suis qu'une pauvre petite receleuse.

– Je sais qui vous êtes. Tout le monde le sait. En revanche, je doute que l'on se soit déjà rencontré auparavant.

Son sourcil s'arque, il est sceptique. Si l'on s'était déjà rencontré, je me serais souvenue de ces yeux-là toute ma vie. Il tourne la tête en direction de la grande route et me lance :

– Qu'importe. Nous allons aller sur L'Équinoxe. Il mouille sur une crique non loin d'ici. Il va falloir être rapide et discret. Êtes-vous prête ?

C'était tout à fait logique qu'il n'ait pas amarré son bateau à quais, au port principal. Il est en territoire ennemi, il n'est même pas censé fouler ces terres. J'hoche la tête et je me laisse guider une nouvelle fois par ce pirate. Il m'emmène tout droit vers son précieux navire. Intérieurement, je jubile. Il vient de commettre sa première erreur.

𝐋𝐄 𝐌𝐎𝐍𝐃𝐄 𝐄𝐓 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐄𝐍𝐂𝐎𝐑𝐄 [𝑒𝑛 𝑟𝑒́𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑡𝑢𝑟𝑒]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant