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Troublée par ce semblant de révélation, je ne sais plus où me positionner. Ma curiosité est piquée à vif et je meurs d'envie d'en savoir plus même si j'ai conscience qu'il ne précisera pas.
Nos verres déjà vides, je fais signe au tavernier pour qu'il nous remette une tournée de bière. Un monsieur assez petit et épais avec le crâne dégarni. Ce dernier me lance quelques œillades qu'il pense discrètes. Des grosses gouttes de sueur roulent le long de son front. Il lustre frénétiquement un verre qui paraît sec. Ses grosses mains tremblent. L'homme finit par me tourner le dos et se tasse sur lui même, les épaules voûtées.
Je fronce les sourcils face à son comportement étrange. J'ai beau être alcoolisée, je suis certaine qu'il m'a vu l'appeler. J'hausse les épaules en signe de désinvolture. Je suis en compagnie du roi des pirates et Nox a tendance à faire cet effet aux civils. Je balaie la foule du regard. Tout à coup, ma vision semble plus limpide. Je vois tout.
Il y a un homme au fond de la salle, accoudé à une table haute qui ne cesse de m'observer. Ses vêtements sont larges et sales. Dans ce décor festif, l'homme fait tâche. Il essaie de se fondre dans la masse. Je réalise enfin ce qu'il se passe une fois que je remarque sa coupe de cheveux. Ses cheveux bruns sont rasés à blanc, coupe caractéristique des soldats de L'Ordre des Vents. J'ai la sensation de me heurter à un mur en plein visage. Ils sont plusieurs. Cinq soldats dissimulés en civil au quatre coins de la taverne. Ils nous ont infiltrés. Tout l'alcool que j'ai ingurgité remonte d'un coup. Prise d'un léger vertige, je me retiens à l'avant-bras de Nox. Inquiet, il glisse sa main sur ma hanche et m'aide à rester droite. Il me demande à plusieurs reprises si je vais bien. Je réussis à articuler quelques mots :
– Ils sont ici.
– Qui ça ? Dit-il en repoussant une de mes mèches de cheveux derrière mon oreille.
– L'Ordre Nox, L'Ordre des Vents est là.
Dès lors, les premiers coups de feu retentissent. Ils sont assourdissants et viennent briser l'ambiance chaleureuse de la taverne. Certaines balles viennent se loger dans le corps de plusieurs pirates mais la plupart des projectiles finissent dans les murs. Tout bascule dans le chaos. Les civils qui étaient venus passer du bon temps cèdent à la panique et courent dans le but de fuir. Étant à découvert, ils se font abattre comme des animaux. L'Ordre a ouvert le feu malgré les innocents. Ils veulent tous nous voir morts. Les pirates ainsi que mes filles répondent à cette attaque par la défensive. Les tables encore collantes d'alcool finissent à la verticale pour créer un bouclier de convenance. Les senteurs de tabac laissent place à celle de la poudre.
Nox sort un premier pistolet puis un second. Les bras tendus, il tire sur tous les soldats tentant de pénétrer l'établissement. Nous avons beau être au fond de la pièce, nous restons des cibles faciles. Je pousse sur mes appuis et me faufile derrière le comptoir. Nox m'imite, le cliquetis de ses bijoux contrastant avec le vacarme des coups de feu. Ses cheveux sont en bataille et il recharge son arme. Il serre les dents et jure :
– Les fumiers. Ils nous ont suivi à la trace.
– Je n'arrive pas à croire qu'on a pu se faire avoir de la sorte !
Nous nous sommes arrêtés sur une minuscule île de trois milles habitants. Nous avons pris la décision d'accoster en terre neutre, les îles appartenant à Nox étaient bien trop loins pour que nous puissions nous y rendre. Je pensais que nous étions en sécurité, que L'Ordre ne pouvait pas nous retrouver en si peu de temps. Nous allions partir demain.
L'Ordre ne s'arrêtera et nous traquera jusqu'à que nous soyons pendus. Ils attendent, tapis dans l'ombre, le moindre de nos écarts.
Je sais que je ne devrai pas me sentir coupable et pourtant si l'un membre de mon équipage est blessé, je me sentirai responsable. J'ai baissé ma garde. Je voulais passer une soirée légère mais voilà que la fatalité me rattrape.
Combattre ou périr.
Tuer ou être tué.
Le tavernier est lui aussi derrière le comptoir, tremblant de tous ses membres. Ses grosses mains appuient sur ses oreilles et des larmes coulent sur ses joues bouffies. À quatre pattes, je me faufile jusqu'à son corps, évitant soigneusement les bouteilles de verre qui explosent au-dessus de ma tête. Je l'attrape par le col de sa chemise.
– Vous nous avez dénoncé ?!
– Je suis désolé, ils me menaçaient ! Ayez pitié ! sanglote-t-il.
De la morve lui coule du nez et il joint ses mains devant son visage. Un continental effrayé. Je le secoue de nouveau par le col avec une force insoupçonnée.
– Où pouvons-nous sortir sans nous faire repérer ?
– Ici ! dit-il en pointant une plaque en bois sous les étagères d'alcool.
– Précisez bon sang !
– Il faut fracasser la plaque, ensuite il faudra ramper jusqu'à la sortie ! Je vous en supplie, épargnez-moi ! J'ai des enfants qui m'attendent à l-
Il n'a pas le temps de finir sa phrase que je lui colle une balle de plomb entre les deux yeux. Sous la pression, sa boîte crânienne explose et éparpille des morceaux de son cerveau par-ci par-là. Je sens que mon visage est couvert de fluide. D'un coup de manche, je m'essuie la face. Je crache au sol les quelques morceaux de chair qui me collent aux lèvres.
J'aurai dû avoir de la peine pour ce bonhomme qui ne cherchait qu'à se sauver. J'aurai dû penser à ses enfants qu'ils l'attendront éternellement. C'était un innocent qui avait peur. Mais ce n'était pas suffisant.
– Qu'est-ce que tu peux être sanglante, me siffle Nox.
– Il aurait dû me craindre moi, pas L'Ordre.
Le pirate avance jusqu'à la plaque de bois. Il donne plusieurs coups de talons précis qui passent inaperçus grâce au tumulte de la pièce. Le bois finit enfin par céder. Le tavernier n'avait pas menti. J'arrache les dernières planches et me plantent quelques échardes par mégarde.
– Je ne peux pas partir sans mes filles, il faut qu'on les fasse sortir.
– On sera plus utile de l'extérieur. Ils nous ont encerclés et n'attendent que de pouvoir rentrer.
Si l'on dégage la sortie principale prise par les soldats, le groupe pourra sortir. Je me noie dans ses iris bleus. Ses cheveux noirs de jais mi-longs encadrent parfaitement son visage. Remarquant ma non-réaction, il se penche vers moi et me susurre à l'oreille des mots que je lui ai déjà adressés lorsque j'étais sur le point d'enfoncer la pierre de lune dans le crâne du pirate maudit.
– Fais-moi confiance.
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𝐋𝐄 𝐌𝐎𝐍𝐃𝐄 𝐄𝐓 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐄𝐍𝐂𝐎𝐑𝐄 [𝑒𝑛 𝑟𝑒́𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑡𝑢𝑟𝑒]
AdventureLa jeune chasseuse de pirates Galia Drachen ne vit plus que pour une seule obsession : trouver le trésor d'Aëloria. Ce trésor de légende, convoité de tous, lui permettra de prouver aux marins qu'une femme peut aussi réussir en mer. Pour débuter sa...