Chapitre 9.

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Décontenancée par sa question qui paraît sincère, je demeure silencieuse. Souhaite-il discuter ou attend-il le bon moment pour me sauter à la gorge ? Il s'est peut-être défait de ses liens et n'attend que la moindre erreur de ma part. Par réflexe, je recule d'un pas. Le pirate semble intrigué et me regarde avec une curieuse fascination. Je suis une énigme pour lui dont il n'a pas encore percé le secret et ça le chagrine. Malgré un beau visage, Whitley a des cernes creusés. Une fois sûre qu'il ne réprésente pas une menace, je me rapproche de lui, et utilise le même ton que pour répondre à un enfant qui vient de poser une question stupide.

– Mon destin est tout tracé. Je serai la première personne à traverser les brumes d'ombre et trouver le trésor d'Aëloria.

Un rire discret s'échappe, contenu, puis il me dévisage de la tête aux pieds. Un sourire moqueur vient se dessiner sur ses lèvres rosées.

– C'est le discours d'une pirate que j'entends là.

Sans que j'en ai le contrôle, mon corps se crispe à cette appellation. La pire des insultes. Non, je ne suis pas une pirate. Je suis une navigatrice. Je déteste les pirates. Ce sont des personnes abominables, exactement comme lui l'était. Décontenancée, je tourne les talons et retourne vers ma seconde en pressant le pas. En partant, j'entends le rire musical de Whitley s'évaporer dans les airs, ne cachant pas sa fierté. La mâchoire serrée, j'ordonne à Zephyra de partir se reposer et elle n'y s'oppose pas.

Je vais prendre mon tour de ronde comme tout le monde. J'ai besoin d'air et après cette réflexion désobligeante, je ne suis pas prête à m'endormir comme si de rien n'était. Ma réaction était celle qu'il attendait mais je ne pouvais pas contenir mon dégoût et feindre l'indifférence. Ma spontanéité l'emporte souvent sur ma logique. Si je suis un mystère pour lui, j'ai le regret de m'avouer qu'il est aussi pour moi. Le pirate est...Intrigant. S'il n'était pas aussi fermé, il pourrait m'apporter bien des choses. Cet homme a du pouvoir. Pourtant, son caractère de petit prince privilégié le rend détestable. Il est fier et sûr de lui. Et même dans les situations de crise comme celle-ci, il garde son calme. Qu'importe. Tout ceci n'a plus d'importance. Il ne m'a pas donné la carte, même sous la menace, alors il va devoir assumer la conséquence de ses actes.


* * *


La nuit fut courte. Je n'ai pas cessé de penser à cette situation : le roi des pirates sur mon navire qui ne pipe pas un mot sur l'emplacement de la carte. Bercée par les vagues, je souffle et saute de mon lit. Je passe près de la boîte en verre et laisse traîner quelques doigts le long de celle-ci, ce qui a le don d'agiter mes beaux serpents. Après une courte toilette, je m'habille de vêtements propres. J'asperge ma peau d'un doux parfum aux effluves de vanille. Voguer sur les mers n'a jamais été un frein à ma coquetterie. J'aime me parfumer et m'apprêter de beaux vêtements. Même si la plupart du temps, mes chemises finissent tachées du sang de mes ennemis. J'aime sentir bon et prendre soin de mon apparence. Je passe du temps à veiller à ce que mon visage soit impeccable en passant par mes mains mais aussi ma peau. Personne ne méfie d'une femme, encore moins d'une belle femme. Ce que j'aime par-dessus tout, c'est leur prouver qu'ils ont tort. Je rejoins Zephyra au gouvernail.

– Quand accostons-nous ?

– Dans quelques heures.

– Bien. Il...

Ma phrase reste en suspens alors que je fixe le mat avec insistance.

– A-t-il dit quelque chose depuis hier soir ?

– Pas à ma connaissance. Il doit commencer à avoir soif, surtout sous ce soleil de plomb.

J'hoche la tête et une idée éclos dans mon esprit. C'est une bonne idée. Mes talons claquent contre le pont qui vient juste d'être nettoyé. Je descends en trombe dans les cuisines et une odeur de viande grillée envahit mes narines, m'ouvrant l'appétit. Les deux cuisinières font bouillir des légumes dans une grande marmite. Lorsque Viola sent ma présence, elle se dégage de son plan de travail pour me saluer.

– Bonjour, capitaine !

– Bonjour, capitaine !

Meredith imite sa sœur, ses cheveux bruns et courts s'agitant tant elle est démonstrative.

– Bonjour les filles, j'ai besoin de vous.

Viola et Meredith sont deux jumelles qui ont rejoint le navire il y a plusieurs années de cela. Elles viennent des Terres du Nord et font tout ensemble. Elles ne se quittent jamais. Elles sont si similaires qu'on pourrait facilement s'y méprendre. Si Viola n'avait pas une particularité physique bien à elle, je ne ferai sans doute pas la différence. Un jour elle a voulu tester une nouvelle recette et cuisinier un poisson dangereux nommé le Klize. Il est dit que c'est le poisson à la chair la plus tendre. Pour le déguster, il faut le mériter. L'animal aux écailles rouges a feinté sa mort puis a mordu Viola au poignet. C'est Meredith, sa propre sœur qui a dû lui couper la main avec un couteau de cuisine pour éviter que le poison ne se déverse dans son corps. Fort heureusement, elle a survécu. Le temps s'est écoulé depuis cet événement et les plus téméraires de l'équipage se permettent même quelques moqueries toujours bien accueillies par Viola.

Leurs préparations sont dignes d'être présentées aux plus grands dirigeants de ce monde. Tous les jours, elles s'attellent à la concoction de repas nutritifs et revigorants pour les filles. Je viens les déranger dans leurs tâches alors qu'elles sont en train de préparer le repas de ce midi avec passion. Une fois satisfaite, je remonte aussitôt. Ma main droite est prise d'un grand verre d'eau et ma main gauche d'une assiette bien remplie de viande fraîche et de petits légumes. J'ai besoin de renseignements. Il faut que j'essaye une autre manière d'obtenir ce que je souhaite. Il faut qu'il craque. Peut-être que la sympathie marchera. Il doit bien boire et manger s'il ne veut pas mourir prématurément. Arrivée sur le pont, je me dirige vers le mât principal. Toujours ligoté, le regard fixe de Whitley observe l'horizon. Ses traits de visage sont détendus jusqu'à ce que je n'apparaisse dans son champ de vision. Il se redresse pour se tenir le plus droit possible et me lance un regard suspicieux. D'un ton enjoué je lance :

– Bien dormi j'espère ? Voilà de quoi vous sustenter capitaine.

Pendant plusieurs secondes, aucun de nous deux ne sait quoi dire. Nous sommes tous les deux sur la défensive. Je suis toujours autant intriguée par son regard, celui qui a dû faire chavirer plus d'un cœur. Malgré son silence et son stoïcisme, je crois qu'il apprécie mon geste. Comme pour me punir d'avoir penser ça, l'instant d'après, Whitley me crache devant les bottes. 

𝐋𝐄 𝐌𝐎𝐍𝐃𝐄 𝐄𝐓 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐄𝐍𝐂𝐎𝐑𝐄 [𝑒𝑛 𝑟𝑒́𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑡𝑢𝑟𝑒]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant