Chapitre 10.

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Son geste est celui d'une âme désespérée. Il a l'impression d'avoir encore un peu de contrôle sur la situation en faisant ça. Je ris jaune face à cette provocation.

– Et bien laisse toi mourir de faim. C'est écrit mort ou vivant sur ton avis de recherche.

Son comportement de vaurien m'a fait perdre les bonnes manières, provoquant le tutoiement qu'il mérite. Je dépose tout de même l'assiette et le verre d'eau à ses pieds. Il ne pourra pas l'attraper mais au moins il pourra observer ce qu'il rate. Je veux qu'il comprenne que j'aurai pu lui apporter bien plus qu'une assiette remplie de nourriture, s'il n'avait pas été aussi orgueilleux. Admire ce que tu rates. Puis, s'il a vraiment faim, il demandera à la première de mes filles qui passe de le nourrir. Même si je pense que sa prétention préfèrera se laisser crever de faim que de demander de l'aide. Je repars en direction du gouvernail et l'entends maugréer.

– Pirate.

– Navigatrice.

Quelques heures sont passées, la mer est un peu agitée. Mes doigts agiles manient le gouvernail avec précision. Nous avançons bien mais pas aussi vite que prévu. Je peste intérieurement. C'est sûrement la première fois que j'ai hâte d'arriver à terre. Je vais vendre cet idiot et repartie aussi vite que je le peux. Entre deux calculs mathématiques pour savoir combien nous allons gagner par tête, j'intercepte une discussion dans mon dos :

– Je crois qu'il a enfin accepté de boire !

– Oui, c'est grâce à Aelis.

Des petits gloussements retentissent puis les deux filles retournent vaquer à leurs occupations. Mes yeux se plissent et j'aperçois la concernée assise en tailleur face au mât principal. Elle rit aux éclats. Ses longs cheveux blonds et bouclés flottent dans le vent. Son visage d'ange a sans doute charmer l'autre idiot. Qu'elle profite encore de sa compagnie, je m'en moque. Les heures du pirate sont comptées.


* * *


– Quoi ? C'est tout ce que je mérite ? Deux gardes ? Faites-moi descendre Bartholomew.

– Nous ne ferons rien madame. Ce sont ses ordres.

– Il ne veut plus me voir ? Quel vieux croûton ! Après tout ce que j'ai fait pour L'Ordre, il ne daigne même plus marchander avec moi en tête à tête.

L'humiliation qui m'accable est difficile à supporter, me laissant un goût amer sur la langue. Mes prises n'étaient pas très bonnes ces dernières semaines, je le conçois. Cela fait un bon moment que je n'ai pas ramener de pirates à pendre, mais ce n'est pas une raison pour me traiter de la sorte. J'ai fait tout ce chemin pour venir sur Pernrith, le voir lui en particulier. La capitale côtière de Iyea, une terre appartenant exclusivement à L'Ordre des Vents. Pernrith se place en tant que capitale stratégique pour les plus grands amiraux. Le cauchemar de n'importe quel pirate se trouve ici, dans l'enceinte de cette forteresse. Les soldats affluent et la ville est surprotégée.

Me voilà accueillie dans une salle aux murs blancs et à la moquette rouge, en compagnie de deux gardes à peine plus âgés que moi. Ils m'ont escorté jusqu'ici comme si, moi aussi, j'étais une ennemie. Ça ne m'était pas arrivé depuis des années.

Je suis considérée comme une Errante et non comme une pirate pour L'Ordre des Vents, facilitant mes relations avec les amiraux. Je ne suis rien de plus qu'une navigatrice indépendante, comme tous les autres Errants. Nous ne nous considérons ni comme des marines de L'Ordre ni comme des pirates. Les Errants sont souvent des commerçants audacieux qui souhaitent ravitailler les deux camps en nourriture, en arme et en femme dans le but de faire fortune. mais très souvent, il y a des désastres. Les pirates resteront à jamais des forbans et il peut arriver que certains Errants mal aguerris finissent par le fond, leurs rêves de gloire se noyant avec eux dans les abysses.

Je n'aime pas vraiment cette appellation moqueuse; généralisée à travers le globe, qui provient des pirates. Ils considèrent que nous allons sans cesse d'un côté et de l'autre. Des lâches qui finiront par se ranger du côté du plus offrant. Les Errants sont indécis, perturbant ainsi L'Ordre et les pirates.

En ce qui me concerne, la situation est un peu plus complexe, je suis une chasseuse de pirate. Ces derniers ne me considèrent pas comme une Errante mais bel et bien comme une alliée de L'Ordre des Vents. Là où L'Ordre ne me considère que comme un avantage tactique, une chasseuse de pirate efficace qui fait son argent de la sorte. Je ne serai jamais plus qu'un atout pour eux, et cela me convient parfaitement.

– Tant pis, je ferai sans...peste-je.

Je tiens mon butin par l'avant bras et ressers ma poigne, par crainte qu'il arrive à s'échapper par je ne sais quel moyen. Le pirate n'a plus dit un mot depuis que je lui ai passé son capuchon noir opaque sur le visage. Je me souviendrai toujours du dernier regard chargé de haine qu'il m'a jeté suivi de celui de l'indifférence, comme si son panel d'émotions ne se limitait qu'à celles-ci. Je souffle bruyamment, puis, me reprends. Je suis là pour tirer des bénéfices de cette situation. Mon équipage me fait confiance. Un goût amer me reste en travers de la bouche et une déception lourde sur mes épaules. Je n'aurai pas le plaisir de voir le visage de Bartholomew se décomposer.

– Et bien messieurs, j'espère que vous tenez bien sur vos deux gambettes. J'ai pêché du gros poisson.

En un mouvement, j'arrache le capuchon en lin du visage de Whitley. Celui-ci cligne des yeux à plusieurs reprises pour s'habituer à la lumière du jour. Les deux gardes sont tétanisés et ont le souffle coupé. Le plus rond des deux s'exclame :

– C-C'est...

– Le roi des pirates ! complète son collègue abasourdi.

– C'est exact ! Amenez-le à Bartholomew et ramenez-moi mon dû en maréclat. Et je veux une centaine de coquiplor en plus pour l'avoir ramené vivant. En vous remerciant.

Méfiants et encore hébétés, les deux gardes se placent de part et d'autre de Whitley et l'entraînent vers la sortie. Les mains ligotées dans le dos, je croise une dernière fois le regard de ce qui fut, le roi des pirates. Ce que je vois me parait surréaliste. Whitley me sourit. Pourquoi cet idiot sourit alors qu'il est si proche de la mort ? Les deux gardes l'emportent tandis que je ne bouge plus, libérée d'un poids. Je me suis résolue au fait que le pirate ne soit pas en possession de la carte et j'ai pris la décision la plus sage pour mon équipage. Certaines de mes filles trop dépensières ont de nouveau besoin d'or. J'ai pris la bonne décision Je me le répète incessamment comme si mon for intérieur avait besoin d'être convaincu. J'ai fait passer mon intérêt personnel après celui de mon équipage. Elles me sont loyales, je ne dois pas les décevoir. J'ai accepté la réalité de mon sort funeste : la carte ne sera jamais mienne. Le pirate ne me la donnera jamais alors autant ne pas perdre plus de temps. Je trouverai un autre moyen de trouver le trésor d'Aëloria, car je n'abandonne pas cette idée même si elle va devenir bien plus difficile à réaliser maintenant.

D'un coup, l'air se charge d'une teinte particulière. L'odeur omniprésente de propreté finit par m'écoeurer, comme trop excessive et envahissante. La pièce pourtant immense devient trop étroite, à tel point qu'elle compresse ma cage thoracique. Ma bouche s'assèche. Je ne suis plus sûre de rien. Quelque chose m'échappe.

Dos à moi et alors qu'il est à quelques mètres de la sortie, j'entends sa voix résonner dans les airs une dernière fois :

– C'est dommage. Mon père m'a légué tant de trésors. De l'or, des bijoux...Et une carte. 

𝐋𝐄 𝐌𝐎𝐍𝐃𝐄 𝐄𝐓 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐄𝐍𝐂𝐎𝐑𝐄 [𝑒𝑛 𝑟𝑒́𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑡𝑢𝑟𝑒]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant