Chapitre 24.

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William se lève victorieux de sa chaise, la renversant par terre dans un fracas. La mélodie qui s'échappe des mandolines est entraînante, bien que trop forte à mon goût. Les pirates autour de nous chantent à tue-tête. Je ris de bon cœur face à la réaction de William. Mon regard croise celui de Nox, qui me dévisage. Je finis ma chope de bière d'une traite et ne détourne pas le regard.

– À moi le chapeau !

La voix enjouée William me tire de mon combat d'égo avec le pirate. Je dois avoir les joues rouges à cause de l'alcool. Il fait bon vivre ici mais il fait très vite chaud. Je porte mes mains à ma chemise et déboutonne plusieurs boutons. Je tolère un peu plus les pirates que durant mon premier jour. Je me suis un peu habituée aux chansons vulgaires et paillardes. Ils n'en restent pas moins tous des forbans cela dit.

William ne tient plus en place. Je lui tends mon chapeau et ris aux éclats quand le continental effectue une petite danse de la joie. Il est mignon. Pour la première fois depuis un long moment, je me sens bien. Légère. Je ne me sens ni en danger ni méprisée. Dans cette bulle hors du temps, mon masque tombe et je m'autorise à prendre du bon temps. Une vague de soulagement m'emporte, je n'ai plus à être sur mes gardes à longueur de journée.

Ma bonne humeur s'envole dès lors que je remarque une présence derrière William. Nox a le visage fermé, je ne l'ai jamais vu aussi impénétrable. Je décèle une lueur de contrariété. Moi et les joueurs de la table, nous arrêtons de rire et le blondinet s'en rend compte. Il se fige et se tourne vers le roi des pirates qui le surplombe de sa hauteur. En comparaison à un homme plutôt élancé comme William, Nox a une stature imposante. D'une voix rauque, il déclare :

– J'ai envie de jouer.

– Dé-désolé... L-la table est complète.

La voix de William tremblote, attestant son effroi. Il doit avoir conscience de la puissance de Nox et ne veut sans doute pas s'en attirer les fourdres. Ma bulle de légèreté vient d'exploser et je ne ris plus, sentant que la situation peut basculer à tout moment. La froideur du pirate est terrifiante.

– Plus maintenant.

Sans que personne n'anticipe la situation, Nox attrape William par le col de sa chemise et le fait valser quelques mètres plus loin tel une poupée de chiffon. Tout comme les deux autres hommes de la table, je me lève de ma chaise en un saut. Nous nous précipitons au chevet du continental, abasourdi. Une table a amorti sa chute. La taverne est aussi silencieuse que lors d'une prière pour la déesse Aëloria. Plus personne ne bouge. La tension est montée si vite alors qu'il y a encore quelques secondes, je me sentais enfin apaisée et sereine.

Après une rapide examination, William n'a pas l'air de garder de séquelles de sa chute, n'ayant pas de blessures apparentes. Encore dans les vapes, il sourit timidement. Sa main tremblante retire mon chapeau de sa tête et me le tend.

– Tiens, reprends-le. Je n'ai pas envie de l'abîmer.

Sa remarque me touche et m'attendrît. Je suis prise de compassion pour ce garçon. Il est venu dans le but de passer un bon moment dans la taverne de son île pour finalement se faire balancer comme un malpropre. Il n'a fait preuve d'aucune animosité à mon égard et ne pas considérer comme une moins que rien parce que je suis une femme. Le silence est écrasant. Les continentaux présents et qui ont vu la scène sont tétanisés et se taisent. Des hommes du double de l'âge de Nox sont aussi terrorisés que William. Les autres pirates de la taverne ne s'interposent pas non plus. Personne n'ose dire quoi que ce soit au roi des pirates. Personne ne veut lui tenir tête ou risquer de se le mettre à dos, craignant les représailles. Il est roi, après tout. Intouchable.

Sauf que je ne crains personne, et surtout, je ne suis pas une pirate. En voyant William déboussolé, mon corps s'enflamme. Mais de quel droit Nox pense qu'il peut se comporter de la sorte ? Encore une fois, il se pense au-dessus de tout. Sa hargne enfouie et son arrogance le rattrape. Je me lève et me poste devant lui.

– Mais c'est quoi ton problème ?! dis-je en poussant son torse.

Le malaise dans la taverne semble s'intensifier encore davantage. Hormis mon équipage qui a l'habitude de nous voir nous disputer, les autres pirates sont bouche bée. Personne ne compte rien faire. Ce n'est pas juste.

Nox reste stoïque et ne transmet aucune émotion. Je ne perçois aucune insolence dans son regard, il se contente simplement de m'observer.

– Tu as perdu la raison ?! Tu aurais pu lui demander à la place de te comporter comme un animal !

Jusque là Nox n'avait jamais abusé de son pouvoir, il gardait ce privilège pour lui. Qu'est-ce qu'il lui ait passé par la tête bon sang ? Mon esprit est en ébullition. J'essaie de comprendre la situation et comment est-ce qu'elle a pu dégénérer de la sorte. Ses cheveux noirs retombant sur son visage dur et froid.

– Ce n'est pas parce que tu es le roi des pirates que tout est dû !

Plusieurs hommes autour de nous s'exclament, brutalisés par mes propos.

– Dit quelque chose !

Une nouvelle fois, je pousse son corps mais je n'obtiens aucune réaction de sa part. Il me dévisage pendant quelques secondes puis comme si de rien n'était, il tourne les talons et quitte la taverne. William a l'air d'avoir repris ses esprits et me regarde horrifié, pensant surement que je serai la prochaine cible à abattre du roi des pirates. Personne ne sait que nous sommes liés par une quête commune, et que par conséquent, Nox ne me tuera pas tant que je ne lui aurai pas donné ce dont il a besoin. Alors que je suis au centre de l'attention, une main se dépose sur mon épaule. L'homme qui était à ma table de jeu hoche la tête et articule un unique mot :

– Merci.

J'hoche la tête. Les musiciens reprennent une mélodie plus calme et plus douce. Cette querelle m'a affecté et je ne me sens plus d'attaque à continuer de faire la fête. Une fois que je suis sûre que William se porte bien, je me dirige vers ma chambre, encore remontée contre Nox. J'aimerai savoir les raisons de son geste. William n'a montré aucun signe d'agressivité à mon égard, au contraire. Je soupire, essayant de me vider la tête. Inutile de me tourmenter l'esprit pour cet idiot. Je me place à la fenêtre qui donne une vue imprenable sur l'océan puis je lui parle, le coeur lourd :

– J'ai besoin de te retrouver.

Cela fait trois longs jours que je n'ai pas navigué. Je me sens vide comme si j'avais laissé un éclat de mon âme à bord du Red Shell. La sensation du gouvernail qui me glisse entre les doigts me manque et sentir l'air marin sur mon visage devient une nécessité. Sans plus tarder, je me couche sur des draps propres et parfaitement pliés. Il me faut plusieurs minutes avant de m'endormir.

Tout à coup, je suis réveillée par une sensation désagréable et froide dans mon cou. Un poids lourd s'installe sur mon corps. J'ouvre les yeux brusquement et par réflexe je tends ma main vers mon poignard. Il n'est plus à sa place. Un homme se tient à califourchon sur moi et me menace d'un couteau sur la gorge. Sa main sur ma bouche m'empêche de crier. Par peur que ma gorge finisse tranchée, je ne bouge pas d'un millimètre.

– Tu as de la chance que le capitaine ait donné l'ordre de ne pas t'abîmer, ma belle.

𝐋𝐄 𝐌𝐎𝐍𝐃𝐄 𝐄𝐓 𝐏𝐋𝐔𝐒 𝐄𝐍𝐂𝐎𝐑𝐄 [𝑒𝑛 𝑟𝑒́𝑒́𝑐𝑟𝑖𝑡𝑢𝑟𝑒]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant