⨁ INTERLUDE XXXIII ⨁

81 17 2
                                    

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.



Il ne savait comment il avait pu se laisser convaincre et pourtant il était là, à déambuler parmi le peuple, caché derrière son masque qui recouvrait la moitié haute de son visage. On ne voyait que ses yeux bleus, aussi brillant les grands glaciers du Nord, et sa bouche plus rouge que la moyenne, dont la courbure ressemblait à un cœur palpitant. Ni l'un ni l'autre ne témoignait d'un quelconque plaisir à se retrouver au milieu des festivités populaires.


« C'est amusant, crois-moi ! Se retrouver au milieu du peuple, totalement invisible, profité d'être quelqu'un de normal. Juste une nuit. C'est comme une pause de notre quotidien. Je t'assure Fen', c'est un petit miracle. »


Ivar avait toujours des idées étranges. Se retrouver parmi le peuple, en quoi cela pouvait être amusant ? Ce n'était pas un masque qui allait lui permettre d'oublier son rang, d'oublier sa couronne. Se mêler à la masse grouillante d'imbéciles qui se croyaient protégés dans les rues étroites d'Alfost, loin des autres royaumes, loin d'ennemis inconnus. Totalement insouciant de ce qui se cache derrière les lueurs rosées d'un jour sans nuit. Ivar lui-même n'en avait pas conscience, même s'il était son cousin et qu'il avait la responsabilité de son armée. Il avait toujours été persuadé qu'il était comme les autres, qu'il avait simplement eu un peu plus de fortune, un peu plus de pouvoir que le citoyen lambda d'Haendel.

Lui, savait qu'il était plus encore. Depuis toujours.

Et son intronisation il y a de ça deux ans n'en était pas la seule cause.

Il repositionna son masque sur le haut de son visage, sentant ses cheveux blonds venir s'emmêler sur les boutons de ses épaulettes. Des habits simples, militaires et bien loin de la qualité habituelle de son uniforme. Ici pas de surpiqures d'argent ou de velours d'un blanc immaculé, mais toujours le blason du dragon de glace cousu sur le cœur et de la fourrure sur les épaules malgré le solstice d'été. Il était pourtant persuadé que malgré ses vêtements plus modestes, il ne ressemblait pas à un simple soldat. Il pouvait sentir leurs regards sur lui, intrigués par sa prestance, la façon qu'il avait de se déplacer. Les faisant s'écarter par instinct.

Fenrir pouvait essayer toutes les parures, toutes les supercheries, il demeurait le monarque au cœur glacé à la couronne d'épines dont les festivités ne pouvaient réussir à lui défaire de sa grimace perpétuelle, de sa méfiance envers son prochain, qu'il soit de sa propre famille ou non.

Pourquoi avait-il encore écouté Ivar ? Il aurait mieux fait de rester chez lui. Fenrir soupirait, s'éloignant de la place, de sa musique et des odeurs d'épices de la nourriture qui cuisaient dans les grands brasiers. Il remontait la rue pavée jusqu'à se retrouver hors de la foule. La route remontait et donnait sur la petite place, la rambarde en pierre était ornée de petits lampions suspendus sur des fils et se raccrochaient aux bâtiments plus loin, aux balcons et illuminaient le visage des manants d'une lueur dorée. Ils semblaient presque beau de là-haut, princier comme dans les bals que sa mère aimait donner. Tous ornés de leurs masques, ils riaient et dansaient.

Il se pencha en avant, accoudé, soudainement happé par son observation, comme il avait déjà l'habitude de le faire depuis son Palais. Seul au milieu de ses pensées.

Ses cheveux en rideaux autour de son visage, il eut son regard brusquement captivité par une petite chose. Immobile. Comme une statue qui voulait disparaître. Elle restait en retrait, les mains dans le dos et la tête baissée. Le mouvement autour d'elle la rendait encore plus visible, un arrêt sur image au milieu de la pellicule qui défilait, qui tournaient en cercle et qui riait. Elle regardait par instant autour d'elle, tel un fantôme capturé dans la réalité mais elle était bien vivante.

Au milieu des terres froides d'Haendel, elle était la plus vivante de toute. Comme le soleil de minuit dans l'horizon.

Mais comment approcher un soleil, quand on est un dragon de glace ?

On fond, c'est tout.

Un léger sourire, une petite bousculade et aucun mot échangé. Elle était surprise, une myriade de lumière se reflétaient dans ses grands yeux et malgré son masque, il ne put empêcher son esprit de se perdre dans les probabilités, les conclusions rêvées de choix qu'il n'avait pas encore fait mais qui le conduisait à un avenir radieux, si tant est qu'il ait le courage de lui tendre sa main.

Il s'inclina alors, laissant glisser ses longs cheveux blonds en avant, et la main en hauteur, il attendait sa réponse. Pour la première fois de son existence, Fenrir ressentait de la peur. Une peur primaire du rejet, alors même qu'il l'avait été toute son existence, par ceux là même qui auraient dû l'aimer sans condition. Mais jamais il n'avait craint aussi fort d'avoir le cœur brisé.

Et il n'en fut rien. La jeune femme glissait sa main à l'intérieur de la sienne, réveillant des vagues de frissons qui parcouraient son épiderme jusqu'à ses joues qui s'étiraient, dévoilant un grand sourire enchanté. Elle lui répondit d'un petit rire qu'elle essayait de retenir timidement, faisant vibrer divinement ses oreilles. Il aurait pu jurer n'avoir jamais rien entendu d'aussi délicat.

Elle était belle. Elle était son astre immuable d'un jour sans nuit. Son soleil de minuit. 


.

LE GEAI BLEU [Skz Fanfic/TERMINEE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant