Les Passions de Sarah - Tome V

Esra - 11

Le départ de Vassilis laissa une empreinte indélébile sur la dynamique de notre petit monde. Pendant les jours qu'il passa chez nous, Esra découvrit un aspect de la sexualité qu'elle n'avait jamais exploré auparavant, un monde où ses désirs pouvaient être libérés sans jugement, où elle se sentait à la fois désirée et maîtresse de ses choix. La transformation que j'observais en elle était fascinante. Cette femme timide et réservée, que j'avais connue, laissait peu à peu place à une version d'elle-même plus confiante, plus affirmée. Chaque soir, alors que Vassilis nous quittait pour dormir dans la chambre d'amis, je voyais dans les yeux d'Esra une étincelle nouvelle, une lueur d'épanouissement que je n'avais jamais vue auparavant.

Mais avec cette transformation venait aussi une responsabilité de ma part. Je savais qu'Esra avait encore des chaînes invisibles qui la retenaient, et l'une des plus lourdes de ces chaînes portait le nom d'Erhan. Il était évident pour moi, et pour quiconque avait pris le temps de la connaître, qu'Erhan n'apportait rien de positif dans la vie d'Esra. Il était l'incarnation même du raté. Mais plus que tout, il la retenait dans une relation toxique qui éteignait la lumière que j'avais récemment vue briller en elle.

Un soir, après le départ de Vassilis, alors que nous étions assises sur le canapé, une bouteille de vin à moitié vide sur la table basse devant nous, je pris la décision de parler à Esra. Le moment était venu de la confronter à cette réalité qu'elle refusait d'admettre depuis trop longtemps.

- Ma chérie, commençai-je doucement, en posant mon verre, nous devons parler de quelque chose de sérieux.

Elle tourna vers moi un regard interrogateur, mais je pouvais voir une ombre de nervosité passer dans ses yeux.

- De quoi s'agit-il ?

Je pris une profonde inspiration.

- C'est à propos d'Erhan. Je sais que ce n'est pas facile d'entendre ce que je vais dire, mais il est temps que tu envisages sérieusement de rompre avec lui.

Elle se tendit légèrement, comme je m'y attendais, et croisa les bras sur sa poitrine, un geste défensif qui trahissait son inconfort.

- Pourquoi parles-tu de ça maintenant ? Nous avons déjà eu cette conversation, Sarah. Ce n'est pas si simple.

Je me rapprochai d'elle.

- Je sais que ce n'est pas simple. Mais regarde où tu en es maintenant. Regarde tout ce que tu as découvert sur toi-même, tout ce que tu peux ressentir, vivre. Tu mérites quelqu'un qui te comprend, qui te soutient, qui te permet de t'épanouir, pas quelqu'un qui te retient en arrière.

Elle baissa les yeux, et je vis ses doigts se crisper légèrement sur le tissu de son pantalon.

- Erhan a ses défauts, c'est vrai. Mais il n'est pas mauvais. Il essaie...

- Esra, l'interrompis-je doucement, il essaie peut-être, mais ce n'est pas suffisant. Tu es en train de te réveiller à une vie pleine de possibilités, et Erhan ne fait pas partie de cette vie. Il te retient dans un passé où tu étais moins que ce que tu peux être maintenant.

Elle resta silencieuse pendant un long moment, et je la laissai réfléchir, sachant que la décision devait venir d'elle. Je pouvais voir le conflit intérieur se jouer sur ses traits, la lutte entre son attachement à ce qu'elle connaissait et la peur de l'inconnu, ce vide qui pouvait suivre une rupture.

Finalement, elle leva les yeux vers moi, et dans son regard, je vis à la fois la tristesse et la résignation.

- Je ne sais pas si je suis prête, Sarah. Mais tu as raison... Il y a des moments où je sens que je suis en train de stagner, que je ne peux pas avancer avec lui.

J'hochai doucement la tête, lui montrant que je comprenais.

- C'est normal d'avoir peur. Mais pense à ce que tu veux vraiment pour toi, pour ton avenir. Tu mérites d'être heureuse, Esra. Pas de rester coincée dans une relation qui ne t'apporte rien de bon.

Elle soupira, et je sentis la tension en elle diminuer, comme si elle se libérait peu à peu d'un poids immense.

- Je suppose que je savais déjà tout ça, au fond de moi. Mais l'admettre, c'est autre chose. C'est difficile de tourner la page, même quand on sait que c'est la meilleure chose à faire.

Je pris sa main dans la mienne, la serrant avec douceur.

- Tu n'es pas seule, Esra. Je suis là pour toi, quoi qu'il arrive. Et tu verras, une fois que tu auras pris cette décision, tu te sentiras plus légère, plus libre.

Elle acquiesça, un léger sourire triste flottant sur ses lèvres.

- Merci, Sarah. Merci de m'avoir ouvert les yeux, même si c'est difficile.

Nous restâmes un moment dans le silence, sa main toujours dans la mienne. Je savais que ce n'était que le début d'un processus pour elle, un chemin qu'elle devait parcourir à son propre rythme. Mais je sentais qu'une étape cruciale avait été franchie ce soir-là, et j'étais prête à l'accompagner à chaque pas de ce voyage vers une vie meilleure, plus épanouie, loin de l'ombre d'Erhan.