Après cette rencontre inattendue avec Lale dans le couloir de notre immeuble, quelque chose changea en moi. J'avais commencé par la détester, la trouver irritante, mais cette conversation en français avait ébranlé mes certitudes. Peu à peu, une curiosité naquit en moi, une envie de découvrir qui était vraiment cette femme au-delà de ses apparences. Et c'est ainsi que, jour après jour, je commençai à me rapprocher d'elle.
Tout d'abord, c'étaient des échanges rapides, des salutations plus chaleureuses lorsque nous nous croisions. Puis, un jour, alors que je rentrais chez moi après une longue journée, je l'entendis m'appeler doucement depuis sa porte entrouverte.
- Sarah, dit-elle simplement, voudriez-vous venir boire un thé avec moi ?
Je fus d'abord surprise par l'invitation. Mais en repensant à notre conversation précédente et à la profondeur que j'avais entrevue en elle, j'acceptai sans hésiter. En entrant chez elle, je fus accueillie par une douce odeur de thé et par un intérieur chaleureux, rempli de livres, de bibelots ramenés de ses voyages, et de photos en noir et blanc d'une vie riche et bien remplie. L'appartement de Lale respirait l'histoire, l'intelligence, et un sens du détail qui me fascinait.
Nous nous installâmes dans son petit salon, autour d'une table basse où trônait un service à thé magnifiquement décoré. Lale me servit elle-même, ses gestes lents mais précis, et nous commençâmes à parler. Ce qui ne devait être qu'une simple tasse de thé se transforma en une longue discussion. Nous évoquâmes ses années passées en France, ses voyages, mais aussi des sujets plus légers comme les livres qu'elle aimait lire ou les films qu'elle regardait. J'étais de plus en plus impressionnée par sa culture, par la clarté de son esprit. Elle était tout sauf la vieille femme sénile que j'avais imaginée.
Les jours suivants, cette routine devint presque un rituel. Chaque après-midi, je passais chez Lale pour partager une tasse de thé, discuter de tout et de rien. Elle m'écoutait toujours avec une attention particulière, jamais intrusive, mais toujours présente. Elle avait cette capacité rare de créer un espace sûr, un endroit où je me sentais à l'aise de me confier. Et petit à petit, sans même m'en rendre compte, je commençai à lui révéler des parties de moi que je gardais habituellement cachées.
Au début, je parlais de mes frustrations quotidiennes, de ma solitude à Istanbul, du manque de ma famille que je ne pouvais plus voir à cause de la pandémie. Mais bientôt, les conversations prirent un tournant plus personnel, plus intime. Il y avait quelque chose dans la présence de Lale qui me faisait baisser ma garde, comme si je savais instinctivement qu'elle ne me jugerait jamais, qu'elle comprendrait. Et elle comprenait, toujours.
Un jour, alors que nous étions toutes les deux installées autour de notre thé habituel, je finis par lui parler de mes relations, de la complexité de ma vie amoureuse, de Sevda, d'Esra, et même d'Alex. Je lui racontai comment je jonglais entre ces différentes relations, comment je me sentais parfois perdue, tiraillée entre mes désirs, mes obligations, et ce besoin constant de ne pas laisser quiconque découvrir ma véritable nature. Je m'attendais à voir une lueur de surprise ou de jugement dans ses yeux, mais elle resta impassible, se contentant de hocher la tête avec un sourire compréhensif.
- Je me doutais que ta vie n'était pas aussi simple que tu le laissais paraître, dit-elle calmement après un moment de silence. Tu sais, ma petite, les gens cachent souvent des choses, mais il est rare de croiser quelqu'un qui se cache autant de lui-même.
Je la regardai, surprise par la perspicacité de ses mots.
- Comment ça ?
- J'ai observé beaucoup de personnes dans ma vie, et j'ai appris à voir au-delà des masques que l'on porte, expliqua-t-elle. Dès notre première rencontre, j'ai senti que tu avais une vie complexe, remplie de secrets. Ce n'était pas difficile à deviner. Ta façon de réagir, tes regards fuyants... tout cela montrait que tu portais un fardeau, quelque chose que tu ne voulais pas partager avec le monde.
Je restai sans voix un instant. Lale avait perçu tout cela avant même que je ne lui parle de ma vie. Elle m'avait vue telle que j'étais vraiment, sans que j'aie besoin de dire un mot. C'était à la fois effrayant et incroyablement libérateur.
- Je suppose que je ne suis pas aussi bonne pour cacher les choses que je le pensais, murmurai-je en souriant faiblement.
- Ne te blâme pas, répondit-elle doucement. Les gens comme toi, ceux qui vivent entre deux mondes, entre deux identités, ont souvent du mal à trouver un équilibre. Je suis sûre que la plupart des gens ne s'en rendent pas compte et tant mieux pour toi.
Je fus touchée par ses paroles. Jamais je n'aurais pensé que je pourrais trouver un tel soutien chez cette femme que j'avais initialement méprisée.
- Merci, Lale, dis-je sincèrement, Je crois que j'avais besoin d'entendre ça.
- Tu n'as pas à me remercier, répondit-elle en souriant. Je suis contente que tu te sentes à l'aise de te confier à moi. Tu sais, la vie m'a appris que parfois, ce sont les personnes les plus improbables qui peuvent nous apporter le plus de réconfort.
Les jours qui suivirent, je continuai à rendre visite à Lale chaque jour. Nos conversations devinrent de plus en plus profondes, et je me surprenais à lui confier des détails de ma vie que je n'avais jamais partagés avec personne. Elle écoutait toujours avec cette patience infinie, offrant des conseils quand je les demandais, mais surtout, me laissant parler, me laissant vider mon sac.
Je réalisai que Lale n'était pas seulement une vieille femme intelligente ; elle était aussi incroyablement sage. Elle avait vu plus de choses que je ne pouvais l'imaginer, et elle comprenait la complexité de la vie, des relations, des choix difficiles que nous devons tous faire à un moment ou un autre. Elle était devenue pour moi une amie précieuse, une confidente, et je savais qu'en sa compagnie, je pouvais être moi-même, sans crainte d'être jugée.
Cette amitié inattendue avec Lale devint un pilier pour moi dans cette période troublée. Elle m'aida à naviguer à travers mes doutes, mes peurs, et mes désirs conflictuels. Et chaque jour, en buvant ce thé avec elle, je me sentais un peu plus légère, un peu plus capable de faire face à la complexité de ma vie.
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Les Passions de Sarah - Tome V
RomanceAprès s'être libérée de ses démons, Sarah décide de renouer avec son mari, Alex, et de quitter son amour et amante, Isabela. Pendant un an, sa vie sexuelle est mise en suspens par sa grossesse. Après la naissance de leur enfant, elle propose à Alex...