Sevda - 5

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Nous nous installâmes à une table au fond du café, loin du brouhaha ambiant. L'atmosphère était calme, presque intime, comme si cet espace avait été créé spécialement pour nous, pour accueillir cette conversation que nous avions toutes les deux évitée pendant si longtemps. Je commandai un café, tandis qu'Esra choisit un thé. Le silence qui s'ensuivit fut lourd de tension, rempli de tout ce que nous n'avions pas encore dit.

Je pris une profonde inspiration, cherchant les mots pour commencer. Les souvenirs de notre relation, des moments de bonheur mais aussi de douleur, tourbillonnaient dans mon esprit. Je savais que cette conversation était cruciale, non seulement pour nous deux, mais aussi pour ma propre paix intérieure. Je devais affronter ce que j'avais tenté de fuir pendant des mois.

- Esra, commençai-je doucement, mes mains serrant la tasse de café devant moi comme pour y puiser de la force, je suis désolée pour tout ce qui s'est passé. Je sais que je t'ai blessée, et je sais que j'ai agi de manière cruelle...

Esra leva les yeux vers moi, son regard empli de tristesse et de douleur, mais aussi d'une curiosité sincère. Elle ne m'interrompit pas, attendant que je continue, ce qui me poussa à plonger plus profondément dans mes sentiments.

- Quand tu m'as dit que tu allais te marier, j'ai ressenti une trahison si intense que je ne savais pas comment la gérer, poursuivis-je, ma voix tremblante d'émotion. Je me suis sentie abandonnée, comme si tout ce que nous avions construit ensemble n'avait plus aucune valeur. Et je sais maintenant que j'ai réagi de la pire des manières. J'ai essayé de te chasser de ma vie, de faire comme si tu ne comptais plus pour moi, mais c'était un mensonge. Un mensonge que je me suis raconté encore et encore pour essayer de m'en sortir.

Esra écoutait attentivement, ses mains tremblant légèrement autour de sa tasse. Je pouvais voir les émotions se bousculer en elle, et cela me faisait mal de la voir ainsi, de savoir que j'étais la cause de sa souffrance.

- Je me suis sentie tellement coupable, continuai-je. Coupable de t'avoir rejetée, coupable d'avoir cherché à te remplacer. Mais rien de tout cela n'a fonctionné. Tu étais toujours là, dans mes pensées, dans mon cœur. Et je ne savais pas comment revenir en arrière, comment réparer ce que j'avais brisé.

Esra baissa les yeux, ses cils frôlant ses joues alors qu'elle luttait contre ses propres émotions. Le silence s'étira à nouveau, mais cette fois, il était rempli de la compréhension tacite que nous étions enfin prêtes à affronter ce qui nous avait séparées.

- Sarah, murmura-t-elle finalement, sa voix douce mais ferme, je ne peux pas dire que je n'ai pas souffert. Ce que tu m'as fait, ce rejet, ça m'a brisé le cœur. Je pensais que tu serais là pour moi, même après ma décision de me marier. Je pensais que nous pourrions trouver un moyen de continuer à nous voir, d'une manière ou d'une autre... Mais quand tu m'as repoussée, c'était comme si une partie de moi s'était effondrée.

Je sentis mon cœur se serrer. C'était la vérité, brute et douloureuse, mais nécessaire. Je la laissai continuer, consciente que ces mots étaient aussi importants pour elle que pour moi.

- Je ne comprenais pas pourquoi tu étais si en colère contre moi, reprit-elle, sa voix brisée par l'émotion. Je pensais que tu voulais que je sois heureuse, que tu voulais que je trouve cette stabilité... Mais j'ai fini par comprendre que, dans ce processus, j'avais aussi perdu de vue ce que nous avions, toi et moi. J'ai cru que je pouvais avoir les deux, mais je me trompais.

Elle leva enfin les yeux vers moi, et dans son regard, je vis un mélange d'amour et de regret.

- Je suis désolée, Sarah, dit-elle, ses larmes roulant maintenant librement sur ses joues. Je ne voulais pas te faire de mal. Je pensais vraiment que nous pourrions... trouver un compromis.

Le voir pleurer devant moi, partager cette vulnérabilité que nous avions toutes les deux essayé de masquer, fut un coup de poignard. Mais c'était aussi une catharsis, une libération de toutes les émotions refoulées qui avaient empoisonné notre relation. Je posai ma main sur la sienne, sentant sa peau chaude sous mes doigts.

- Je suis désolée aussi, murmurai-je. Je n'aurais jamais dû te rejeter comme je l'ai fait. J'étais blessée, et j'ai agi de manière égoïste. Mais je veux que tu saches que, malgré tout, tu comptes toujours pour moi. Tu as toujours compté.

Esra serra ma main en retour, et nous restâmes ainsi un moment, silencieuses, laissant nos émotions s'exprimer sans besoin de mots. Il y avait tant de choses que nous ne pourrions jamais effacer, tant de blessures qui laisseraient des cicatrices, mais en cet instant, je sentis que quelque chose de puissant venait de se produire : nous nous étions retrouvées. Pas comme avant, peut-être, mais d'une manière nouvelle, plus mature, plus consciente de nos limites et de nos besoins.

- Je ne sais pas où cela va nous mener, dit-elle finalement, sa voix tremblante mais déterminée. Mais je veux que nous restions en contact, que nous soyons honnêtes l'une envers l'autre. Je ne veux plus de secrets, plus de non-dits.

- Moi non plus, acquiesçai-je, un sourire timide étirant mes lèvres. Je veux que nous recommencions, différemment cette fois. En tant qu'amies, peut-être... ou autre chose. Mais en tout cas, je ne veux pas te perdre à nouveau.

Esra hocha la tête, essuyant doucement ses larmes.

- Amies, oui, dit-elle avec un sourire qui reflétait à la fois la douleur du passé et l'espoir du futur. Nous verrons bien où cela nous mènera.

Les Passions de Sarah - Tome VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant