Lale - 5

57 4 11
                                    

Un après-midi, alors que je sirotais mon thé chez Lale, la conversation prit une tournure plus personnelle, comme c'était devenu notre habitude. J'avais commencé à lui parler de mes relations avec Esra et Sevda, de la complexité de ma situation, de ce que je ressentais en jonglant entre ces deux vies, ces deux amours si différents. Lale écoutait attentivement, comme toujours, ses yeux pétillants derrière ses lunettes, hochant la tête de temps à autre pour montrer qu'elle suivait.

- Esra, commençai-je, en posant ma tasse de thé, c'est une femme merveilleuse, mais notre relation est devenue tellement compliquée. Je ne suis pas certaine de ce que je ressens vraiment pour elle, ou même de ce qu'elle ressent pour moi. Quant à Sevda, elle m'apporte une stabilité que je n'avais jamais eue avant, mais parfois je me demande si elle est vraiment ce dont j'ai besoin à long terme.

Lale resta silencieuse pendant un moment, puis elle me regarda, ses yeux plus perçants que jamais.

- Sarah, tu es une femme intelligente, mais il y a quelque chose que tu sembles oublier.

Je fronçai les sourcils, intriguée.

- Qu'est-ce que j'oublie ?

- Tu te crois souvent plus rusée, plus maligne que les autres. Tu penses que tu contrôles la situation, que tu sais exactement où tu vas et ce que tu fais, dit-elle calmement, mais avec une fermeté qui me fit frissonner. Mais la vérité, c'est que tu es en train de jouer avec le feu. Et si tu continues à sous-estimer les gens autour de toi, tu risques de te brûler les ailes.

Ses mots me frappèrent comme un coup de poing.

- Je... je ne sous-estime personne, répondis-je, un peu trop vite, essayant de me défendre.

Lale secoua doucement la tête, un sourire triste aux lèvres.

Sarah, je t'ai écoutée parler de tes relations avec Esra et Sevda, et même ton mari Alex. Tu jongles entre cet homme et ces deux femmes, pensant que tu peux tout contrôler, que tu peux avoir le meilleur des mondes. Mais ce que tu ne vois pas, c'est que les gens ne sont pas aussi prévisibles que tu le penses. Ils ont leurs propres sentiments, leurs propres réactions, et tu ne peux pas toujours anticiper comment ils vont réagir.

Je restai silencieuse, la fixant, essayant de digérer ce qu'elle venait de dire. Elle continua, sa voix douce mais implacable.

- Esra n'est pas une femme faible, et même si elle accepte pour l'instant votre relation compliquée, cela ne veut pas dire qu'elle le fera toujours. Quant à Sevda, tu penses peut-être qu'elle est stable, qu'elle est acquise, mais elle aussi a des limites. Si tu joues avec leurs cœurs, si tu continues à les manipuler sans vraiment savoir où tu vas, tu finiras par tout perdre. Pour Alex, je crois que je n'ai pas besoin de t'en dire davantage, il est presque certain qu'au fil des années tu as épuisé son capital patience...

Je me sentis soudainement vulnérable, comme si elle avait percé une armure que je pensais impénétrable.

- Je ne manipule personne, murmurai-je, consciente que mes mots sonnaient creux.

- Peut-être pas consciemment, répondit Lale en posant sa tasse de thé, ses yeux ne quittant pas les miens. Mais tu t'es convaincue que tu pouvais tout avoir, que tu pouvais jongler avec ces relations sans que cela ne te retombe dessus. Et c'est là que tu te trompes. Les gens ne sont pas des pions sur un échiquier, Sarah. Ils ont leurs propres émotions, leurs propres désirs, et s'ils sentent que tu n'es pas sincère, que tu les sous-estimes, ils finiront par se détourner de toi. Tu es brillante, mais ton intelligence ne te sauvera pas toujours des conséquences de tes actions.

Ses paroles étaient dures, mais je savais qu'elles étaient vraies. Lale avait une façon de voir à travers les façades, de comprendre les dynamiques humaines avec une clarté que je commençais à envier. Elle n'était pas juste une vieille femme sage ; elle était aussi une personne qui avait vécu, qui avait probablement fait face à ses propres erreurs et en avait tiré des leçons.

- Alors, que devrais-je faire ? demandai-je, la gorge serrée par l'émotion.

- Réfléchis à ce que tu veux vraiment, dit-elle simplement. Arrête de jongler, de manipuler, de penser que tu peux tout contrôler. Sois honnête avec toi-même et avec les autres. Parce que si tu continues sur cette voie, un jour, tu te retrouveras seule, et tu ne pourras blâmer que toi-même.

Je restai longtemps silencieuse.

- Je... je ne crois pas que je puisse renoncer à Alex et à mes femmes...

Les Passions de Sarah - Tome VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant