Sevda - 3

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Alors que les jours se succédaient, je continuais de repousser les appels et les messages d'Esra. Chaque vibration de mon téléphone me rappelait sa présence insistante, son besoin désespéré de me parler, de me voir, de renouer ce lien que j'avais coupé net. Mais malgré cette pression constante, je refusais de céder. Je ne pouvais simplement pas. Pour moi, la blessure était encore trop vive, trop profonde pour être refermée par de simples mots, par des excuses ou des promesses.

Mon esprit était focalisé sur Sevda, sur cette nouvelle relation qui me permettait de m'échapper de la douleur que m'avait infligée Esra. Avec Sevda, je trouvais une sorte de paix, un réconfort que je n'avais pas connu depuis longtemps. Nous passions des heures ensemble, explorant non seulement nos corps, mais aussi nos pensées, nos rêves, nos craintes. Chaque moment avec elle était un pas de plus vers la reconstruction de moi-même, loin de la tourmente que représentait Esra.

Un soir, alors que Sevda et moi étions chez moi, l'atmosphère était détendue, presque intime. Nous avions passé la soirée à discuter, à rire, et finalement, nous nous étions retrouvées dans mes bras, dans ce cocon de tranquillité que nous avions créé. Le monde extérieur semblait lointain, insignifiant, jusqu'à ce que le bruit insistant de la sonnette de la porte nous ramène brutalement à la réalité.

Je me redressai, surprise, mon cœur battant plus fort à l'idée de qui cela pouvait être. L'idée qu'il s'agisse d'Esra me traversa l'esprit, mais je la chassai rapidement. Elle n'oserait pas, pensais-je. Mais lorsqu'elle insista encore, je savais. Je savais que c'était elle.

- Reste ici, murmurai-je à Sevda, qui acquiesça, une lueur de préoccupation dans les yeux. Je me levai, hésitante, et me dirigeai vers la porte, chaque pas résonnant dans le silence tendu de l'appartement.

Lorsque j'ouvris la porte, mon cœur se serra. Esra était là, debout dans l'embrasure, ses yeux rougis par les larmes. Elle me fixa, et dans ce regard, je lus une douleur si profonde que cela m'en coupa le souffle. Pendant une seconde, nous restâmes silencieuses, simplement à nous observer, comme si aucune de nous ne savait par où commencer.

- Tu ne réponds pas à mes appels, ni à mes messages, dit-elle enfin, sa voix tremblante, chargée de reproches et de tristesse. Je ne savais pas quoi faire d'autre que de venir ici.

Je sentis ma gorge se serrer. Comment pouvais-je lui expliquer que je ne pouvais plus supporter de la voir, que chaque mot qu'elle prononçait me rappelait la trahison que je ressentais ? Mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, Esra fit un pas en avant, son regard balayant l'appartement jusqu'à ce qu'elle aperçoive Sevda, qui se tenait à quelques mètres, visiblement mal à l'aise.

Le silence qui suivit fut écrasant. Esra fixa Sevda, puis me regarda à nouveau, ses yeux remplis d'incompréhension et de douleur.

- Je vois que tu as... déjà tourné la page, dit-elle, sa voix brisée par l'émotion. Je vois que tu es passée à autre chose.

Ces mots, simples et directs, frappèrent comme un coup de poing dans mon estomac. Je savais qu'elle en avait le droit, qu'elle avait le droit de me reprocher de l'avoir remplacée, même si elle-même m'avait brisé le cœur. Mais la voir là, devant moi, si vulnérable, me fit réaliser à quel point cette situation était devenue insupportable pour elle.

- Esra, attends, dis-je en essayant de la retenir, mais c'était trop tard.

Elle recula d'un pas, comme pour mettre de la distance entre nous, sa respiration rapide et saccadée.

- Non, Sarah, répondit-elle, sa voix se durcissant malgré les larmes qui menaçaient de couler. Je comprends. Tu n'as plus besoin de moi. Je... Je ne voulais pas te perdre, mais je vois que c'est déjà fait.

Elle fit un autre pas en arrière, comme pour prendre de la distance, son regard se posant à nouveau sur Sevda, qui restait silencieuse, mal à l'aise face à cette confrontation. L'atmosphère était tendue, lourde, chargée d'émotions que ni l'une ni l'autre ne parvenait à exprimer correctement.

- Je suis désolée, Esra, murmurai-je, mes mots se perdant dans le tumulte de mes pensées. Ce n'est pas ce que je voulais... Je...

- Non, Sarah, coupa-t-elle, levant une main pour m'arrêter. Tu as fait ton choix, et je dois faire avec. Je ne voulais pas te perdre... mais je ne peux pas t'obliger à rester avec moi.

Son regard se perdit un instant dans le vide, comme si elle luttait pour trouver les mots justes, puis elle hocha la tête, comme pour sceller une décision intérieure.

- Je ne te dérangerai plus, dit-elle finalement, sa voix à peine un murmure. Je voulais juste... je voulais juste comprendre.

Sans un mot de plus, elle se retourna et s'éloigna, ses pas rapides trahissant l'urgence de fuir cette situation insupportable. Je restai là, immobile, une douleur sourde au fond de mon cœur, partagée entre le soulagement et la culpabilité.

Lorsque je refermai la porte, je m'adossai contre celle-ci, le poids de la situation m'écrasant soudainement. Sevda, toujours en retrait, s'approcha lentement de moi, son visage empreint d'une gêne palpable.

- Je suis désolée, murmura-t-elle, comme si elle se sentait responsable d'une situation qu'elle n'avait pas créée.

- Ce n'est pas ta faute, Sevda, répondis-je doucement, mais ma voix manquait de conviction. C'est... compliqué.

Elle hocha la tête, compréhensive, mais je pouvais voir dans ses yeux que cette situation la mettait mal à l'aise, qu'elle ne savait pas comment réagir face à la complexité de mes sentiments pour Esra. Malgré cela, elle resta près de moi, silencieuse, me soutenant simplement par sa présence, sans chercher à envahir mon espace émotionnel.

Alors que le silence s'installait à nouveau, je réalisai à quel point la situation était devenue compliquée. Entre Esra, qui continuait de hanter mes pensées, et Sevda, qui m'offrait un nouveau départ, un nouvel espoir, je me retrouvais prise dans un tourbillon d'émotions contradictoires. Mais à cet instant, tout ce que je pouvais faire, c'était rester là, à essayer de comprendre ce que je ressentais vraiment, tout en sachant que les choses ne seraient jamais aussi simples que je l'aurais souhaité.

Les Passions de Sarah - Tome VOù les histoires vivent. Découvrez maintenant