Les Passions de Sarah - Tome V

Vassilis - 6

Après la journée avec Vassilis et ses amis, les jours suivants se déroulèrent sans accroc. L'ambiance était légère, presque festive, et je profitais pleinement de cette parenthèse en Crète. Vassilis se montrait attentif, sans être envahissant, ce qui me convenait parfaitement. Pourtant, au fil des conversations, il commença à aborder un sujet qui, je le sentais, lui tenait à cœur : mon éventuel déménagement à Héraklion.

- Tu sembles tellement épanouie ici, me dit-il un matin, alors que nous prenions le petit déjeuner sur la terrasse, face à la mer. Pourquoi ne pas t'installer pour de bon ? Tu pourrais faire d'Héraklion ta nouvelle maison.

Je levai les yeux de ma tasse de café, un peu surprise par sa proposition. M'installer ici, loin de tout ce que je connaissais, c'était une idée séduisante mais aussi troublante. La liberté que j'avais goûtée à Istanbul était précieuse, mais la perspective d'essayer un autre pays, de me perdre dans un autre cadre de vie, avait quelque chose de tentant.

Cependant, une pointe d'hésitation me retenait. D'un côté, il y avait Alex, mon mari, qui avait déjà fait preuve d'une patience admirable en acceptant ma liberté, mais je savais que rester trop longtemps loin de lui et trop proche de Vassilis pourrait tester cette patience au-delà de ce qu'il était prêt à tolérer. De l'autre côté, il y avait Esra, mon amante d'Istanbul. Elle me manquait terriblement, avec sa douceur, sa fragilité et cette connexion particulière que nous partagions.

Je décidai de discuter du sujet avec Alex. Je savais qu'il méritait d'entendre cette proposition directement de ma bouche, même si je redoutais sa réaction. Alors, un soir, alors que Vassilis était sorti, je m'isolai dans une chambre et l'appelai.

- Alex, dis-je doucement dès qu'il décrocha. J'ai quelque chose à te dire, et j'aimerais que tu m'écoutes jusqu'au bout.

Il y eut un bref silence, puis il répondit d'un ton calme :

- Je t'écoute, Sarah. Que se passe-t-il ?

Je pris une profonde inspiration avant de lui expliquer la proposition de Vassilis. Je lui parlai de l'idée de m'installer à Héraklion pour un certain temps, de ce que cela pourrait signifier pour moi en termes de liberté et d'épanouissement personnel. Je ne cachai rien, même mes doutes sur le fait de m'éloigner encore plus de lui et d'abuser de sa patience.

Alex resta silencieux un moment, et je pouvais presque sentir son esprit peser les pour et les contre.

- Sarah, dit-il enfin, sa voix plus ferme qu'à l'accoutumée, je comprends que tu te sentes bien là-bas, que tu apprécies cette liberté. Mais n'oublie pas que nous avons des règles, des limites que nous nous sommes fixées pour protéger ce que nous avons. Je ne veux pas que tu te laisses emporter par l'idée d'une nouvelle vie sans réfléchir aux conséquences. Si tu passes trop de temps avec Vassilis, plus qu'avec moi, il y a un risque que notre équilibre soit perturbé. Je ne suis pas contre, tant que tu respectes nos règles, mais je veux que tu réfléchisses bien avant de prendre une décision.

Ses paroles résonnèrent en moi longtemps après notre conversation. Je savais qu'il avait raison, que ce n'était pas une décision à prendre à la légère. D'un côté, l'idée de me plonger dans une nouvelle aventure en Crète m'excitait. La possibilité de découvrir de nouveaux horizons, de tester les limites de ma liberté, était alléchante. Mais de l'autre côté, il y avait Alex, ma relation avec lui, et le respect mutuel que nous avions cultivé au fil des années. Je savais que cette liberté que je chérissais tant était conditionnée par la confiance que nous avions l'un en l'autre.

Et puis, il y avait Esra. Elle me manquait plus que je ne l'aurais imaginé. Chaque pensée d'elle ravivait le désir de la retrouver, de sentir sa peau contre la mienne, de replonger dans cette relation complexe mais si douce qui avait marqué mon séjour à Istanbul. Esra représentait quelque chose d'unique, une connexion que je n'avais pas ressentie avec Vassilis, malgré tout le plaisir physique que je pouvais éprouver en sa compagnie.

Les jours suivants furent marqués par une réflexion intense. Je passais des heures à peser le pour et le contre, à imaginer ce que serait ma vie si je décidais de rester à Héraklion, à essayer de comprendre ce que je voulais vraiment. Chaque matin, je me réveillais avec la même question en tête : devrais-je vraiment tout quitter pour m'installer ici, ou devrais-je retourner à Istanbul, là où j'avais déjà construit une part de ma liberté, auprès d'Esra, tout en respectant les limites que j'avais établies avec Alex ?

Pourtant, malgré toutes ces réflexions, je ne parvenais pas à prendre une décision. J'étais partagée entre le désir d'explorer de nouveaux horizons et le besoin de rester fidèle à ce que j'avais déjà construit. La réponse ne venait pas, et je savais qu'elle ne viendrait pas tant que je ne serai pas prête à faire un choix définitif, un choix qui, je le savais, changerait inévitablement le cours de ma vie.