Andreï:
Elle ne dit rien, me bouscule pour partir, mais je rattrape son bras d'un geste ferme.
— Sheyla, reste ici, ordonné-je d'une voix plus autoritaire que je ne l'aurais voulu.
Elle s'arrête, surprise. Mon ton ne passe pas inaperçu, et je remarque aussitôt qu'elle est troublée. Je suis rarement aussi dur avec elle. Depuis qu'elle est entrée dans ma vie, elle a toujours vu mon côté le plus vulnérable, celui que je cache aux autres. Mais en la regardant maintenant, je réalise que je ne l'ai jamais vue rire, pas une seule fois, depuis notre rencontre.
Elle se retourne lentement, me faisant face, ses yeux brûlant de colère et de blessure. Je tiens toujours son bras, mais je sens la tension dans son corps.
— Lâchez-moi ! s'exclame-t-elle, sa voix tranchante comme un rasoir.
Le choc de l'entendre me vouvoyer me frappe de plein fouet. Elle recommence à me parler comme si j'étais un étranger. C'est un coup de poignard.
Je relâche immédiatement mon emprise, déconcerté. Elle ne me laisse pas le temps de dire quoi que ce soit et se retourne, montant sûrement dans sa chambre, sans un regard en arrière. Je reste figé sur place, immobile, regardant la boîte de téléphone que je tiens toujours dans ma main.
Je sens un poids immense s'abattre sur moi. J'ai fait une erreur, et cette distance entre nous, cette barrière qu'elle érige de nouveau, me fait comprendre à quel point je suis en train de la perdre.
Peut-être même que je l'ai définitivement perdue.
Cette pensée me frappe comme un coup de poing, me laissant désorienté. Le silence de la pièce semble s'étirer à l'infini tandis que je regarde la boîte de téléphone dans ma main, désormais vide de sens. J'espère que ce geste, si simple en apparence, pourrait amorcer une réconciliation, mais tout ce que j'ai fait, c'est creuser davantage le fossé entre nous.
Je repense à tout ce que nous avons traversé, à chaque moment où j'ai voulu la protéger, et à quel point je l'ai vue souffrir. Peut-être que dans ma tentative de la sauver, je l'ai étouffée, enchaînée à un passé qu'elle essaie désespérément de fuir.
Je pose ma main sur mon visage, essayant de contenir la vague de frustration et de culpabilité qui m'envahit. Mes doigts tremblent légèrement alors que je prends une profonde inspiration, tentant de remettre de l'ordre dans mes pensées.
Pourquoi est-ce que tout semble toujours se compliquer avec elle ?
Peut-être que j'ai trop attendu, ou peut-être que j'ai été trop aveuglé par ma propre vision de ce qu'il fallait faire. Mais maintenant, je sens que quelque chose s'est brisé entre nous, quelque chose que je ne pourrai peut-être jamais réparer.
Je reste encore là, à observer la boîte de téléphone que je devais remettre à Sheyla. Un mélange de regrets et de colère me traverse. Pourtant, il faut que je reste concentré. J'ai encore une guerre à mener, et chaque pas que je fais doit me rapprocher de la chute d'Edoardo.
Le léger vrombissement de mon téléphone me ramène à la réalité. Je le tire de ma poche, et mon regard se pose immédiatement sur le nom qui s'affiche : *Sofia*.
Un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Je savais qu'elle répondrait. Quelques jours plus tôt, je lui ai envoyé un message crypté, plantant la graine du doute dans son esprit.
*"Je possède des informations vitales sur Edoardo. Il n'est pas celui qu'il prétend être. Si tu veux te positionner du bon côté avant qu'il ne soit trop tard, contacte-moi. — A."*
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PIERCE THE VEIL
RomansaSheyla, 18 ans, a grandi dans l'ombre et la souffrance, sous l'emprise d'un père tyrannique, chef impitoyable de la mafia turque, qui la garde secrète et soumise, réprimant toute lueur d'émotion en elle. Mais tout bascule lorsqu'il décide de la mari...