The Midnight Girl

Chapitre 43 : Riley

La fête bat son plein chez Brody, et il y a un monde fou. Des rires éclatent à chaque coin de la pièce, la musique est assourdissante, les basses résonnent dans le sol, et tout le monde semblent s'éclater. Je me tiens à l'écart, assise sur un canapé déjà bien usé, une bière à la main, et j'observais la scène. C'est la première fois que je participe à une vraie soirée étudiante. Je ne suis pas étudiante, et même si l'ambiance est étrange pour moi, je dois admettre que ce n'est pas si désagréable. Ça me change de mon quotidien.

Après l'incident à l'épicerie, j'ai dit à Nathan que je le rembourserais pour l'argent qu'il a laissé au caissier. Nathan a refusé, bien sûr, mais j'ai insisté. Je ne veux pas qu'il me sauve tout le temps, c'est une question de principe. Il a fini par céder avec un sourire, mais après cet échange, je l'ai pratiquement esquivé toute la soirée. C'est trop difficile de le voir coller à Jade. Trop difficile d'ignorer cette jalousie grandissante qui s'insinue en moi à chaque regard, chaque baiser qu'ils s'échangent. J'ai besoin de m'éloigner.

Assise sur ce canapé, je sirote ma bière tout en observant un couple juste à côté. Ils sont tellement absorbés l'un par l'autre, leurs baisers devient de plus en plus torrides, à tel point que j'ai l'impression qu'ils vont se déshabiller devant tout le monde. Je détourne le regard, un peu mal à l'aise. 

C'est à ce moment-là que Wyatt s'approche, une bière à la main lui aussi, et s'assoit à côté de moi avec son air détendu.

— Alors, Riley, commence-t-il comme si de rien n'était, tu préfères mourir brûlée vive ou gelée à mort ?

Je cligne des yeux, surprise par sa question soudaine. Mourir ? Brûlée ou gelée ? Je ne m'attendais pas à ça, mais je souris malgré moi. C'est tellement absurde que je me prends au jeu.

— Euh... brûlée, je pense, répondis-je en haussant les épaules. Ça doit être rapide, non ? Enfin, je suppose.

Wyatt secoue la tête en riant.

— Mauvais choix ! Le froid t'engourdit, tu finis par t'endormir avant même de ressentir la douleur. Alors que brûler... c'est l'enfer, littéralement.

Je grimace, tentant de ne pas trop imaginer les détails, mais la légèreté de la conversation me fait du bien. Nous continuons à débattre autour de ce sujet morbide pendant quelques minutes, enchaînant les hypothèses absurdes sur les pires façons de mourir. C'est si étrange et stupide, mais ça fonctionne. 

Puis mon téléphone vibre dans la poche arrière de mon jean. Mon cœur se serre instantanément. Je fronce les sourcils et le sors avec hésitation, espérant que ce soit un message anodin, mais quand je vois l'expéditeur, ma respiration se coupe.

C'est lui. L'inconnu.

Je fixe l'écran pendant quelques secondes, incapable de bouger. Mes doigts tremblent, et l'air semble soudainement manquer dans la pièce. Wyatt me parle encore, mais je n'entends plus rien. Tout ce que je peux voir, c'est ce maudit message qui attend d'être ouvert.

Il est là. De retour.

Sans réfléchir, je me lève précipitamment, bousculant presque Wyatt.

— Je... je dois aller aux toilettes, murmuré-je, ma voix à peine audible.

Wyatt me regarde, un peu surpris, mais il hoche la tête sans poser de questions.

Je me fraie un chemin à travers la foule, mes pieds me guidant presque automatiquement jusqu'à la salle de bain. J'entre et referme rapidement la porte derrière moi, m'adossant au mur, mes doigts crispés autour du téléphone. Je ferme les yeux un instant, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur.

Le message s'affiche sur mon écran, et c'est comme si l'air était aspiré de mes poumons.

"Je sais que tu n'as pas quitté les lieux les mains vides. Je ne dirai rien à la police si tu me donnes ce que je veux. Rejoins-moi au 3459 Oakridge Park lundi à 22h30, viens seule ou ça sera la fin pour toi."

Ma gorge se serre, et mon premier réflexe est de cliquer sur l'adresse. L'itinéraire indique que c'est à environ trente minutes de chez Nathan, dans un parc. Je sens mon cœur s'emballer, le poids de la situation s'abattant sur moi comme une bombe. Nathan avait raison. Cette personne veut quelque chose de moi. C'est pour ça qu'elle ne m'a pas encore balancée.

Mais quoi ?

Je relis le message, et c'est là que tout devient clair. L'argent.

Mon souffle se coupe. Il sait pour l'argent. La somme que j'ai volée cette nuit-là, dans la panique, en espérant que ce serait mon ticket de sortie pour un nouveau départ, loin de tout ce merdier. C'était tout ce qui me restait pour repartir à zéro avec Cléo. Mes yeux me brûlent. Pas l'argent. Je ne peux pas le perdre. C'est tout ce qui me sépare du gouffre, du désespoir total. Sans cet argent, il n'y a plus d'échappatoire.

Je sens les larmes monter, mais je les ravale, forçant mon corps à rester immobile contre le mur froid de la salle de bain. J'ai déjà assez pleuré ces dernières semaines. Je ne peux pas continuer à me laisser submerger. Pas maintenant. Pas alors que tout le monde est à l'extérieur, en train de s'amuser, de vivre une vie insouciante que je n'ai plus goûtée depuis trop longtemps.

Mon regard se pose sur mon reflet dans le miroir. Les cernes sous mes yeux, la tension qui se lit dans chaque trait de mon visage. Ça me donne presque envie de rire, tellement je ressemble à une étrangère. Ce soir, je ne veux pas être cette fille-là. Pas cette fille hantée par des fantômes, traquée par un inconnu.

Cherry.

Ce nom me traverse l'esprit. Cherry, la fille que j'étais avant que tout ne s'écroule. La fille insouciante, la fille qui savait comment faire la fête, comment attirer l'attention sans effort. Peut-être que ce soir, c'est le moment de la faire revenir. Juste pour oublier, juste pour une soirée.

Je sors de la salle de bain, le cœur battant toujours la chamade, mais décidé à enfouir cette peur, cette angoisse qui me ronge. Je traverse la maison jusqu'à la cuisine, où je trouve Nathan, Jade, Brody et quelques membres de l'équipe de hockey, tous en train de discuter en buvant des bières. Ils rient, parlent fort, et l'ambiance est détendue, mais moi, je me dirige droit vers le bar improvisé.

Je saisis une bouteille de vodka et commence à préparer un cocktail, bien corsé. Je veux quelque chose qui brûle, quelque chose qui me fait oublier.

— Hey, qu'est-ce que tu nous fais là, Riley ? demande Brody en s'approchant curieux.

Il jette un coup d'œil à ma concoction, puis trempe son doigt dans le mélange pour goûter. Il grimace aussitôt.

— Bordel, c'est puissant. Même pour moi, c'est du brutal, dit-il en riant.

Je ne dis rien. Sans hésiter, je porte mon verre à mes lèvres et vide son contenu d'un trait, sous les regards admiratifs et surpris des autres. L'alcool brûle ma gorge, me chauffe l'estomac, mais je ne bronche pas. Sophie, qui m'a vue faire, s'approche de moi en riant.

— Tu m'en fais un aussi ? demande-t-elle en souriant.

— Bien sûr, réponds-je en haussant les épaules.

Très vite, d'autres viennent voir ce que je fais, me demandant à leur tour de préparer le même cocktail. Je sens l'excitation dans l'air, et je commence à faire le mélange dans un grand seau, les rires et les applaudissements qui m'entourent gonflant mon énergie. Les regards sont sur moi, et pour la première fois depuis longtemps, j'ai l'impression d'exister autrement qu'à travers mes peurs.

Je sens Nathan me fixer du coin de l'œil, mais je l'ignore complètement. Ce soir, je ne veux pas de son jugement, de son regard protecteur. Je ne veux pas de lui tout court. Pas tant qu'il est avec Jade, et pas tant que je dois continuer à me retenir de lui dire ce que je ressens vraiment. Ce soir, c'est moi. Cherry veut faire la fête, elle veut oublier, et elle va le faire.

L'alcool commence déjà à faire son effet. Mon corps se détend, mes pensées deviennent floues, et je me perds dans l'ivresse. Plus de messages, plus de menaces, plus de peur. Juste la fête.