Chapitre 67 : Riley

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La plage est illuminée par de petits feux de camp dispersés, la lumière vacillante des flammes dessinant des ombres sur le sable tandis que l'air nocturne se remplit des échos joyeux et insouciants des groupes rassemblés pour fêter la nouvelle année. Je regarde Nathan de loin, mon cœur serré, alors qu'il reste obstinément près de Brody et Wyatt, m'évitant avec une froideur qui tranche douloureusement avec l'intimité qu'on partageait encore il y a quelques heures. C'est comme si chaque instant passé sans lui rendait l'air plus lourd, presque irrespirable.

Nous avons tous pris soin de changer de tenue avant de quitter le gala, anticipant la fraîcheur de la plage et préférant les jeans et les pulls aux tenues élégantes. En cercle, nous nous asseyons dans un coin tranquille, chacun attrapant une bière glacée. L'ambiance est détendue, agrémentée de rires et de blagues, mais mon sourire est un masque de circonstance, un effort pour ne pas trahir l'effondrement intérieur que je ressens.

Lorsque Nathan prend place entre Blake et Landon, de l'autre côté du cercle, je m'efforce de ne pas réagir. Il ne me regarde même pas, et malgré les éclats de rire autour de moi, je n'entends presque rien. Je n'arrive qu'à voir son visage, son expression renfermée, et je me demande si j'ai vraiment tout gâché. Je sais que quitter le pays ne faisait pas partie de notre plan initial, mais en restant, je risque de mettre un point final à ma liberté. Je n'ai plus le choix : c'est la seule manière de m'éloigner, de repartir à zéro avec Cléo sans traîner derrière moi les débris d'une vie qui a constamment déraillé.

Je prends une gorgée de bière, sentant ma gorge se nouer à mesure que je m'imagine seule dans un pays étranger. Dans soixante-douze heures, je serai quelque part au Mexique, sans argent et avec un enfant de 10 ans à mes côtés, luttant pour survivre dans un endroit que je ne connais pas. Cela semble absurde et suicidaire, et pourtant, c'est tout ce que j'ai. Peut-être que le seul avantage dans cette galère, c'est que je parle couramment l'espagnol. Ma mère, portoricaine, m'a toujours parlé dans sa langue maternelle avant de disparaître sans explication. Mon père, lui, a continué à préserver cette part de notre culture, échangeant des phrases espagnoles avec Cléo et moi quand nous vivions tous encore ensemble.

En repensant à mon père, mon cœur se serre davantage. J'aurais voulu lui dire la vérité, mais avec ses appels surveillés en prison, il n'y a aucun moyen d'aborder ce sujet. Peut-être comprendra-t-il mon silence, peut-être pas, mais je n'ai pas d'autre choix que de lui imposer cette absence supplémentaire.

Une larme glisse sur ma joue avant que je ne puisse la retenir, et à cet instant, Sophie se tourne vers moi, le visage marqué par une inquiétude sincère.

— Riley, ça va ? murmure-t-elle doucement pour ne pas attirer l'attention des autres.

Je lui rends un sourire forcé, incapable de masquer ma peine.

— Oui, oui... je suis juste... un peu fatiguée, réponds-je d'une voix mal assurée, incapable de trouver une meilleure excuse.

Elle me fixe un instant, ses yeux scrutant mon visage comme pour lire au-delà de mes mots. Je sens la tension monter dans ma poitrine, mais avant qu'elle ne puisse poser plus de questions, je reprends une gorgée de bière, espérant dissiper le nœud qui me serre la gorge.

Je laisse échapper un soupir discret, jetant un coup d'œil vers Nathan. Malgré sa distance et sa volonté apparente de m'ignorer, je remarque qu'il n'est pas dans son assiette non plus. Sa mâchoire est crispée, et ses rires avec Brody et Wyatt semblent forcés, comme s'il s'efforçait de participer à l'ambiance sans en avoir vraiment le cœur. Une vague de culpabilité me submerge : c'est moi qui lui ai imposé ce poids, moi qui l'ai placé devant une réalité à laquelle il n'était pas préparé. Mais je ne peux pas revenir en arrière, même si chaque seconde passée sans lui à mes côtés me semble insoutenable.

Je regarde autour de moi, écoutant à peine les blagues qui fusent et les rires qui éclatent. Mon cœur est divisé entre l'envie de tout lui avouer, de lui expliquer mes choix, et celle de simplement savourer cette dernière soirée ensemble. 

Alors, je ferme les yeux un instant, essayant de graver cette scène dans ma mémoire : la fête sur cette plage, les éclats de rire de ces personnes autour de moi qui sont devenus mes amis, et, même si c'est à distance, la présence de Nathan, celui qui a illuminé ma vie au moment où je pensais ne plus avoir de futur.

Je prends une grande inspiration, sentant la nervosité me nouer l'estomac. Je finis par me racler doucement la gorge, interrompant le brouhaha joyeux autour de moi.

— Les gars, faut que je vous dise quelque chose.

Tous les regards se tournent vers moi. Certains affichent un sourire curieux, d'autres semblent inquiets, et je capte celui de Nathan qui me fixe avec une intensité qui me coupe le souffle. Son regard me transperce, et pendant un instant, j'ai l'impression de perdre le contrôle de ma respiration. Mon cœur bat à toute allure, mais je détourne les yeux, décidée à me tenir à ce que je dois leur dire.

Je prends une longue gorgée de ma bière, essayant de m'assurer que ma voix ne tremblera pas trop, et finalement, je reprends.

— C'est... c'est probablement la dernière fois qu'on se voit, lâché-je, tentant de garder un ton léger mais sentant déjà l'émotion monter en moi. Parce que dans moins de 48 heures, je quitte la ville.

Le silence est total autour du cercle. Je vois Brody lever un sourcil et secouer la tête avec un rire incrédule.

— Quoi ? C'est quoi cette blague, Riley ?

Je souris faiblement, même si la réalité de mes mots m'écrase. L'idée qu'ils pensent que je plaisante me rend la tâche encore plus difficile, mais je rassemble le peu de courage qu'il me reste.

— Je sais que ça doit paraître bizarre, et je meurs d'envie de tout vous expliquer, vraiment... mais je ne peux pas, murmurai-je, en essayant de retenir mes larmes. Je n'ai jamais eu de vrais amis comme vous, pas comme ça. Vous êtes... les amis que j'ai toujours rêvé d'avoir.

Je vois leurs visages se transformer, passant de la surprise à une incompréhension teintée d'inquiétude. Les rires ont cessé, remplacés par une attention silencieuse et même un peu tendue. Blake et Sophie échangent un regard stupéfait, et Wyatt fronce les sourcils, comme s'il cherchait le sens caché de mes paroles. Je poursuis, me sentant vidée.

— Je ne vous oublierai jamais. Tous ces moments qu'on a passés ensemble, ils resteront toujours avec moi. Si un jour on se retrouve... alors j'espère que je pourrai tout vous raconter.

À peine mes mots franchissent mes lèvres que Nathan se lève brusquement, son visage fermé et tendu, et sans un mot, il s'éloigne du groupe, les mains enfoncées dans ses poches. Un silence choqué suit son départ. Je sens une lame de douleur s'enfoncer dans ma poitrine, mais je ne bouge pas, sachant que cette décision était inévitable.

Brody, confus et manifestement touché par mes mots, finit par se lever et emboîte le pas à Nathan, jetant un dernier coup d'œil vers moi, comme pour chercher une explication. Mais je reste immobile, incapable de trouver les mots qui pourraient rendre tout cela plus facile.

The Midnight GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant