Chapitre 24 : Riley

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L'eau chaude coule sur ma peau, emportant avec elle le sang, les larmes et la saleté de cette nuit. Je me tiens sous le jet, immobile, le regard fixé sur le carrelage. Les gouttes d'eau heurtent mon visage comme des aiguilles brûlantes, mais je ne bouge pas. Je ne veux pas bouger. Mes pensées tournent en boucle, se heurtent les unes aux autres comme des vagues en furie, et tout ce que je peux faire, c'est pleurer en silence. Les larmes se mêlent à l'eau qui coule, indiscernables, invisibles.

Je veux hurler. Hurler de colère, hurler de peur. Hurler pour libérer cette frustration qui me ronge de l'intérieur. Comment ça a pu tourner aussi mal ? Comment j'en suis arrivée là ?

Tout ce que je devais faire, c'était récupérer l'argent. Entrer dans le bureau de Mike, prendre l'argent, et disparaître avant que quiconque ne s'en rende compte. Mais au lieu de ça, j'ai tué un homme. Je sens la bile remonter dans ma gorge rien qu'en y repensant. Mick était une ordure, ça, c'est sûr, mais il ne méritait pas de mourir. Personne ne mérite ça.

Je me revois encore, l'instant où tout a basculé. Le bruit sourd quand ce trophée s'est violemment écrasé contre sa tête. Le silence qui a suivi. Le sang qui s'est répandu, rapidement, comme une tache d'encre. Je ferme les yeux, essayant de chasser cette image. Mais elle reste là, gravée, imprimée dans ma rétine.

J'ai tué quelqu'un.

Et comme si ça ne suffisait pas, j'ai mêlé Nathan à tout ça. Il ne sait rien, bien sûr. Il ne se doute pas de ce qu'il s'est passé cette nuit-là, dans ce bureau sordide. Mais il est quand même venu là, au Velvet Room, au lieu du crime, sans le savoir. Et pire encore, il m'a emmenée ici, chez lui, loin de tout ça.

Nathan... Je l'ai entraîné dans cette merde. Il va jamais me le pardonner. Comment pourrait-il ?

J'appuie mes mains contre le mur de la douche, le front collé au carrelage froid. Mon corps tremble. Je fais de mon mieux pour repousser cette panique qui monte, mais c'est impossible. J'ai fait de mon mieux pour le repousser, pour le tenir à distance. Pour le protéger de moi, de ma vie, de tout ce chaos qui m'entoure. Mais il est là. Il est venu sans poser de questions, sans même que je lui dise où j'étais exactement. Et ça... je n'arrive pas à comprendre pourquoi.

Pourquoi est-il venu me chercher ? Pourquoi m'a-t-il ramenée ici, chez lui ? S'il savait, il n'aurait jamais fait ça. Il a ouvert sa maison à une criminelle. Une meurtrière.

Je prends une grande inspiration et ferme l'eau. Le silence de la salle de bain m'enveloppe comme une couverture froide. En sortant de la douche, je me regarde dans le miroir embué. Mon visage est déformé par les reflets. Mes yeux sont rouges, gonflés de larmes. Mon nez me fait encore mal, probablement cassé après la bagarre avec Mick. J'ai mal partout, mais au moins le sang a disparu. À l'extérieur, du moins.

Je me sèche rapidement et enfile une serviette autour de moi. En revenant dans la chambre, je remarque des vêtements propres posés sur le lit. Un t-shirt et un legging noir, simples mais propres. Nathan, évidemment. Un geste gentil, comme toujours. Il ne sait pas qu'il vient de commettre une énorme erreur en me faisant confiance. Je devrais partir, maintenant, avant qu'il ne réalise dans quelle merde il s'est embarqué en me ramenant ici.

Je me change, enfilant les vêtements, et je me dirige vers le sac que j'ai caché sous le lit. Je l'ouvre doucement et jette un coup d'œil à l'intérieur. Les billets sont là. Trente mille dollars. J'avais réussi à récupérer l'argent du coffre de Mike avant de partir. Après tout, je n'avais pas risqué ma vie pour repartir les mains vides. Cet argent... cet argent devait me sauver. Me permettre de fuir, de recommencer à zéro.

J'attrape une liasse de billets et la serre entre mes doigts, essayant de me convaincre que tout ça en valait la peine. Que c'était la solution. Avec cet argent, je pourrais récupérer Cléo demain à la sortie de l'école et fuir avec lui. Loin de tout ça. Loin de cette ville de merde, de ces souvenirs. Avec ça, on pourrait partir loin, refaire notre vie. Recommencer quelque part où personne ne nous connaît.

Mais malgré tout cet argent, je sais que rien ne sera facile. Parce que l'argent ne répare pas tout. Il ne me fera pas oublier ce que j'ai fait. Il ne me fera pas oublier la peur, ni la culpabilité.

Je referme le sac et le cache de nouveau sous le lit, prenant une grande inspiration. Je ne peux pas rester ici. Nathan a été gentil, plus que ce que j'aurais jamais pu imaginer, mais je ne peux pas lui demander d'en faire plus. Je dois partir. Demain, dès que le soleil se lève, je me tire d'ici. C'est mieux pour lui. Mieux pour moi.

Je passe une main dans mes cheveux mouillés et ferme les yeux, essayant de calmer les battements affolés de mon cœur.

Je m'allonge sur le lit, la fatigue pesant lourd sur mes épaules, mais je sais que je ne trouverai pas le sommeil. Mes pensées tourbillonnent, s'emmêlent dans un flot ininterrompu de regrets, de peurs, de doutes. La chambre est plongée dans une semi-obscurité, éclairée uniquement par les premiers rayons de soleil qui filtrent à travers les rideaux. Il doit être six heures du matin. Encore une heure, et je partirai. Juste une heure. C'est tout ce qu'il me faut pour me remettre de cette nuit. Et ensuite, je disparaîtrai.

Je m'étends sur le lit, fixant le plafond sans vraiment le voir. L'adrénaline qui m'avait tenue debout toute la nuit commence à retomber, mais mon corps reste tendu. Je ne suis pas chez moi ici. Ce n'est pas mon lit, ce n'est pas ma vie. Et je n'ai pas le droit d'envahir l'univers de Nathan comme ça.

Mon esprit dérive, repassant en boucle les événements de la nuit. Le sang. Le corps de Mick qui s'effondre. La violence soudaine de la situation. Tout était allé si vite que je n'ai même pas eu le temps de réfléchir. C'était de la pure survie. Mais maintenant... maintenant, je dois vivre avec ça.

Je ferme les yeux, essayant de chasser l'image de Mick, de son corps sans vie, de cette odeur métallique de sang qui me hante encore. Je sens mes yeux me brûler, les larmes menaçant de couler à nouveau. Je ne veux pas pleurer. Pas encore. Je dois rester forte. Juste une heure, et je m'en vais.

Je repense à Nathan. Il est probablement dans sa chambre, endormi, totalement inconscient du bordel dans lequel je l'ai entraîné. Il a été tellement... gentil. Beaucoup trop gentil pour son propre bien. Pourquoi est-ce qu'il est venu ? Une partie de moi lui en veut presque d'avoir été aussi naïf, aussi confiant. Et une autre partie... celle-là, je préfère l'ignorer.

Je soupire et me tourne sur le côté, regardant les rayons du soleil qui s'étirent lentement à travers la pièce. Ils illuminent une partie du mur, dessinant des formes abstraites que je fixe sans vraiment les voir. J'ai l'impression d'être coincée dans une bulle de silence. Le monde extérieur continue de tourner, mais moi, je suis là, figée. Incapable de bouger. Incapable de fuir cette réalité.

Je me tourne encore une fois, incapable de trouver une position qui me permettrait de me détendre, de me libérer de cette tension qui s'accroche à mes muscles, à mes pensées. Les rayons du soleil, d'abord timides, commencent à inonder la pièce. Le monde extérieur s'éveille doucement, mais moi, je suis ici, emprisonnée dans mes propres tourments.

Mes paupières deviennent de plus en plus lourdes, mais je lutte contre ce sommeil qui menace de me happer. Je ne devrais pas m'endormir. Pas maintenant. Et pourtant, l'épuisement me gagne. Mon corps réclame du repos. Mon esprit, lui, s'embrouille, et bientôt, mes pensées deviennent des bribes d'idées incohérentes, flottant comme des nuages dans mon esprit.

Ma respiration ralentit, devenant de plus en plus régulière. Je me sens sombrer, lentement. Les images dans mon esprit deviennent floues, les visages, les souvenirs se fondent dans une brume indistincte. Je tente de me rappeler de Cléo, de ce qu'il m'a dit la dernière fois que je l'ai vu, mais ses mots se perdent dans le brouillard de mes pensées. Tout devient distant, comme si je dérivais dans un océan infini.

Je tombe.

Et puis, le néant.

The Midnight GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant