Chapitre 7 : Riley

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Le bus avait mis une éternité à arriver, et maintenant, je me presse dans les ruelles mal éclairées qui mènent au Velvet Room. Le ciel est déjà noir, et l'air du soir est lourd, humide, comme souvent à New Orleans. Je sens une goutte de sueur glisser le long de ma tempe tandis que je presse le pas. Encore une soirée qui commence mal. Je suis en retard, et Mike va forcément le remarquer.

En arrivant devant le club, l'enseigne rose néon clignote comme d'habitude, mais ce soir, elle me paraît plus agressive, comme une accusation silencieuse de mon retard. Je pousse la porte et me faufile rapidement à l'intérieur. L'odeur familière de fumée de cigarette et de parfum bon marché m'envahit instantanément. Mike, le propriétaire, est derrière son comptoir à l'entrée, les bras croisés sur sa poitrine. Il me voit arriver et ne dit rien, mais je capte son regard. Pas besoin de mots pour comprendre qu'il a noté que je suis en retard. Son sourcil légèrement haussé et sa mâchoire crispée suffisent à me faire comprendre que je vais devoir me donner à fond ce soir pour compenser.

— Désolée, marmonné-je en passant devant lui, même si je sais qu'il n'attend pas d'excuses.

Mike ne répond pas, il se contente d'un petit hochement de tête. Ce type n'est pas vraiment un modèle de chaleur humaine, mais il sait gérer son affaire. Le Velvet Room est son royaume, et nous, les filles, on sait qu'il ne tolère pas d'écarts. Si je veux qu'il oublie ce petit retard, il va falloir que je fasse bonne impression ce soir.

Je me dirige rapidement vers le bar, où Monica est déjà en train de servir quelques clients réguliers. Elle jette un coup d'œil dans ma direction, puis me sourit. Monica, c'est la seule personne dans cet endroit qui a toujours pris soin de moi. Depuis que j'ai débarqué ici à 16 ans, elle a été comme une figure maternelle, quelqu'un sur qui je pouvais compter, même dans les pires moments. Elle a connu cet endroit avant même que ce ne soit une boîte de strip-tease, quand ça n'était encore qu'un vieux bar miteux. Elle a tout vu, tout vécu, et elle sait comment survivre dans ce milieu. Grâce à elle, j'ai échappé à plus d'une situation dangereuse.

— T'es en retard, ma belle, dit-elle doucement, tout en versant un verre de whisky à un client accoudé au bar.

— Problème de bus, soupiré-je en haussant les épaules.

Elle me lance un regard compatissant tout en posant une main réconfortante sur mon bras.

— Ça arrive, t'en fais pas. Fais juste attention avec Mike ce soir, il a l'air un peu tendu. Y a un groupe de jeunes friqués qui ont réservé une table. Tu sais ce que ça veut dire.

Je grimace en hochant la tête. Un groupe de jeunes friqués. Super. Ça sonne jamais bon quand ce genre de client débarque. Ils se croient intouchables, invincibles, parce qu'ils ont de l'argent à jeter par les fenêtres. Mais la plupart du temps, ce sont juste des connards qui se prennent pour des rois, et, ironiquement, ils ne sont même pas aussi généreux qu'ils le laissent croire. Beaucoup viennent pour se donner en spectacle, pas pour réellement profiter du show.

— Merci pour l'info, dis-je à Monica, avant de me diriger vers les vestiaires.

En poussant la porte, je suis accueillie par le brouhaha des conversations entre les autres filles. Elles discutent, s'habillent, se maquillent, se préparent pour la soirée. Cherry, c'est moi, mais c'est aussi toutes ces autres filles. Toutes des versions modifiées de nous-mêmes, que ce soit à travers des perruques, des maquillages exagérés, ou des noms de scène. Ici, on se transforme pour devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un que ces hommes veulent voir.

Je m'installe devant mon miroir, attrapant ma trousse de maquillage. Autour de moi, les filles parlent du fameux groupe de jeunes riches qui a réservé une table.

The Midnight GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant