L'oubliée

15. Ness

Il me fixe avec une intensité qui semble vouloir percer mes pensées, comme s'il essayait de comprendre ce qui cloche chez moi.

Sa colère est évidente. Une colère brute, mêlée de confusion. Il est perdu, oui, mais c'est moi qu'il accuse. Comme si, dans ce chaos, j'étais la seule responsable. Il ne sait pas qu'il n'est qu'un pion de plus dans le vaste échiquier du maître.

— Comment ça, tuer Dumbledore ? lance-t-il, sa voix chargée d'un mélange d'incrédulité et de mépris.

— La guerre approche, dis-je simplement.

— La guerre ?!

Je lève un sourcil. Sa surprise est presque touchante, mais je n'ai ni le temps ni l'énergie pour ces réactions d'enfant naïf.

— Dumbledore n'aurait jamais dû venir te chercher, Mathéo.

— Alors tu veux que je reparte, peut-être ?! gronde-t-il, son ton devenant acéré.

— Calme-toi, Jedusor. J'essaie de t'expliquer, de répondre à tes questions.

Mon ton est froid, presque clinique, mais je sens la tension dans ma propre voix. Il n'a aucune idée de ce qu'il a déclenché en entrant dans ce monde.

— Quand le maître est revenu, tout a changé, continué-je en croisant les bras. Les Mangemorts, qui étaient éparpillés à travers le monde, ont commencé à agir. La prochaine étape, c'est Poudlard. Contrôler les nouvelles générations.

Je fais une pause, laissant le poids de mes mots s'imposer.

— Et pour ça, il faut neutraliser Dumbledore. Il nous envoie nous, parce qu'il sait que Dumbledore ne se méfie pas de ses précieux étudiants.

Son regard s'assombrit, et je sais ce qui va suivre avant même qu'il ouvre la bouche.

— Mais qu'est-ce que je viens faire dans ces histoires ? crache-t-il. Toi, tu as choisi ça. Draco aussi. C'était votre choix. Moi, tu m'as tendu un piège.

Un rire amer et cynique échappe de mes lèvres avant que je ne puisse me retenir.

— Un choix, vraiment ? répété-je, une lueur glaciale dans les yeux. Tu crois que nous avons choisi cette voie-là ? Que je me suis levée un matin, à quatorze ans, en me disant que tuer le ministre de la Magie serait une idée géniale ?

Il reste silencieux, mais je vois la question brûler sur ses lèvres. Alors je la devance.

— Pourquoi, hein ? Pourquoi moi ? Parce que je suis née dans une prison, Mathéo. Ma mère n'a eu le temps de faire que deux choses avant qu'on ne me fasse sortir : me donner le nom d'une créature des ténèbres et m'inscrire cette foutue marque.

Je désigne mon bras d'un geste sec.

— Je ne savais même pas parler que mon destin était déjà tracé. Alors non, il n'y avait pas de choix. Jamais.

Il hoche la tête lentement, absorbant mes paroles. Mais je vois l'hésitation dans son regard.

— Je ne veux pas tuer, murmure-t-il enfin. Je ne pourrai jamais.

Un soupir m'échappe. Il est si... perdu.

— Je vais t'entraîner. Tes tutorats avec les Gryffondors, c'est fini. Granger te surveille pour le compte de Potter, tu le sais, non ? Elle ne t'enseigne rien d'utile.

— Et toi, si ?

— Je vais t'apprendre à survivre.

Un silence lourd s'installe. Je sais qu'il ne me fait pas confiance. C'est peut être mieux.

— Pourquoi je te croirais ?

— Je te l'ai déjà dit : ne fais confiance à personne. Jamais.

Il fronce les sourcils, et sa voix s'adoucit, presque imperceptiblement.

— Il t'aime bien, murmure-t-il.

Je me fige.

— De qui tu parles ?

— Le maître.

Son nom suffit à faire resurgir une avalanche d'images. Des souvenirs brutaux. Les séances de torture. Les ordres impitoyables. Tout ce que j'ai dû faire pour prouver ma valeur.

— Il n'aime personne, dis-je d'un ton tranchant. Mais j'ai été façonnée pour lui convenir.

Je sens son regard sur moi, brûlant d'une curiosité qu'il essaie de masquer.

— Façonnée, comment ?

— On s'éloigne du sujet, répliqué-je froidement.

— Non, on y est en plein, insiste-t-il. On est dans la même équipe, maintenant. Comment veux-tu que je réussisse cette mission si tu ne me dis rien ?

Je le fixe un instant, puis détourne les yeux, irritée. Il est persistant, et pire, il a raison.

— Tu es un Mangemort maintenant, dis-je finalement. Beaucoup de responsabilités, surtout avec ton nom.

La tension est palpable. Je sens son regard lourd d'émotions complexes, mais je refuse de m'y attarder. Je ne peux pas. Parce qu'au fond, je sais ce que cette attirance pourrait provoquer. Et je ne peux pas me permettre de m'attacher. Pas à lui. Pas à qui que ce soit.