26. Matheo

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Le brouhaha du petit déjeuner m'entoure, mais je n'y prête qu'à moitié attention. Ness n'est pas là. Encore partie comploter, probablement. De mon côté, je joue machinalement avec le poignard qu'elle m'a laissé hier. Pourquoi elle me l'a donné, au juste ? Je l'ignore, mais ça me met mal à l'aise.

Draco est installé entre Pansy et Blaise. Elle le fixe comme si c'était lui qu'elle comptait manger, et lui, il ne semble même pas s'en apercevoir. J'ai toujours trouvé cette fille bizarre et trop collante, mais depuis hier, c'est pire.

Le silence s'installe brusquement dans la Grande Salle. Le directeur s'est levé, accompagné de Rusard et du professeur Slughorn. La voix de Dumbledore porte sans effort dans la pièce.

Il semblerait que certaines règles aient été bafouées récemment. Je tiens à rappeler à tous que l'organisation de fêtes clandestines, ainsi que la consommation d'alcool, sont formellement interdites à Poudlard. Des mesures exemplaires seront prises contre ceux qui enfreindront ces règlements.

Son ton est grave, et le regard perçant qu'il balaie sur nous en dit long : il sait. Ce n'est pas juste une mise en garde, il a des noms. Certains élèves échangent des regards inquiets, mais moi, je n'écoute déjà plus. La tête ailleurs, je finis rapidement mon assiette pour ne pas être en retard en potions.

Dans les cachots, les cours de Slughorn sont souvent chiant, mais aujourd'hui, c'est pire. Je guette l'entrée, espérant peut-être voir débarquer Ness, mais je sais qu'elle ne viendra pas. Et je ne sais pas pourquoi ça me dérange autant. Quand enfin le cours prend fin, je rassemble mes affaires et quitte précipitamment la salle.

Je n'ai pas fait deux pas hors du cachot qu'elle m'interpelle. Elle m'attendait là, appuyée contre le mur, l'air indéchiffrable. D'un simple geste, elle m'indique de la suivre, et nous montons en silence jusqu'au septième étage. La Salle sur Demande nous ouvre ses portes, comme si elle savait qu'on viendrait. Je ne m'y fais pas.

Une fois à l'intérieur, elle me fixe, et ce fichu silence m'énerve.

La vue te plaît, Lestrange ? lâché-je avec un sourire narquois.

Ses yeux capturent les miens, froids et calculateurs. Elle ne répond pas, mais je sens que ma remarque est tombée à plat. Génial. Mon charme marchait mieux chez les Moldus.

Aujourd'hui, je vais t'entraîner à quelque chose de différent d'hier. Mais qui a le même but : ta survie.

— Ma survie te préoccupe encore ?

Elle ignore ma question, comme si elle ne l'avait pas entendue.

Je vais t'enseigner l'occlumancie. Cela protège l'esprit contre les intrusions extérieures, autrement dit la légilimancie. Ce n'est pas juste utile en duel, Matheo. Si tu veux que le Seigneur des Ténèbres ne te tue pas, tu dois apprendre à fermer ton esprit. Et si tu n'y arrives pas assez vite, je devrai effacer cette conversation de ta mémoire pour éviter de devoir en payer le prix moi aussi.

Si c'est si simple, pourquoi Draco préfère oublier ?

— Draco ne s'est jamais entraîné à ça. Et ses pensées intéressent beaucoup moins le Maître que les nôtres.

— Pourquoi ?

Nous sommes la prochaine génération. On m'a façonnée pour être son bras droit. Toi, tu seras façonné ensuite pour devenir son successeur.

— Je ne veux pas...

— Ça suffit.

Elle sort une vieille photographie d'un livre et me la tend. Sur l'image, une jeune femme sourit légèrement. Elle a de longs cheveux ondulés, des traits fins et des yeux gris perçants. Tout dans son allure crie aristocratie, jusqu'à ses bijoux élégants.

— C'est qui, ça ?

Elizabeth Nott. Ta mère. Cette photo a été prise lorsqu'elle étudiait ici, à Poudlard.

— Comment tu l'as eue ?

Ce n'est pas la question. Voilà la femme qui a été tuée par l'homme que tu veux protéger au point de te sacrifier, et de nous sacrifier au passage.

Je suis sur le point de répliquer, mais elle me coupe net.

Tu as dit quelque chose de vrai hier : tu ne connais rien à l'histoire des Mangemorts, ni à leurs objectifs, ni à leurs idéologies. Je vais te les expliquer.

Elle croise les bras, comme si elle s'apprêtait à me faire un cours magistral.

Il y a les sorciers, et il y a les Moldus. Les Mangemorts défendent l'idée que nous, les sang-purs, ne devons pas nous mélanger. Les familles comme les Lestrange ou les Nott, par exemple, préservent cette pureté. Ensuite, il y a les sang-mêlés : des sorciers qui ont un parent moldu, comme le professeur Rogue. Dans nos cercles, c'est vu comme une souillure, une honte. Enfin, il y a les nés-Moldus, qu'on appelle sang-de-bourbes. Ce sont des sorciers dont les deux parents sont Moldus. Granger en est un exemple. Ces trois catégories définissent la hiérarchie. Et nous sommes pour que la pureté du sang l'emporte.

Dis-moi que tu n'y crois pas. Que tu es obligée d'y croire, mais que non, tu ne...

— Arrête avec ça, Matheo.

— Vous êtes juste racistes. Vous êtes comme des nazis ! Vous regardez même pas ce qui se passe chez les Moldus ?

Son regard se fait glacial.

Tu voulais l'idéologie ? La voilà. Maintenant, tu vas la fermer.

Le cours commence. Elle m'explique les bases de l'occlumancie, comment fermer mon esprit, comment repousser une intrusion. Je tente de tout intégrer mais c'est compliqué. Puis elle lance après m'avoir fais signe :

Legilimens !

Son sort me frappe avant que je ne puisse réagir. Je sens sa présence dans ma tête. D'abord, elle voit l'orphelinat. Ma solitude. Puis ma famille adoptive. Le bonheur que je croyais avoir, avant que mon père adoptif ne me frappe au point de m'envoyer contre une vitre. Le verre brisé, le sang. Tout.

Quand elle se retire, je suis incapable de croiser son regard. Le silence s'étire, lourd, pesant.

Enfin, elle murmure :

À ton tour.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant