54. Matheo

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- Putain !

Ça fait des heures que je me tourne dans mon lit, incapable de dormir. La soirée repasse en boucle dans ma tête. Et merde, Draco a visé là où il fallait. Je me sens comme une merde pour Ness. Mais j'ai peur. Je ne peux pas lui dire. Pas à elle, qui est toujours si forte, si imperturbable.

Je décide d'aller lui parler. Cette fois, vraiment. Pas pour lui crier dessus, pas pour la comparer à Bellatrix Lestrange. Draco m'a dit que sa chambre était juste à côté.

J'entre en silence et suis surpris de trouver le lit vide. Elle est là, sur une sorte de banquette, la tête contre la fenêtre, fixant l'obscurité dehors.

— Je ne suis pas d'humeur pour une nouvelle leçon d'humanité, Matheo.

Sa voix est lasse, presque brisée.

— Je suis désolé, Ness.

— Désolé de quoi ? De m'avoir dit ce que tu pensais ?

— Non, ce n'est pas ça...

— Tu sais, je t'avais averti. Je t'avais dit que dans ce monde, il n'y aurait aucun avenir heureux. Tu m'as répondu que nous ferions tout pour survivre. Alors, c'est ce que j'ai fait ce soir.

Ses mots frappent juste. Elle ne me regarde même pas. Le pire, c'est qu'elle a raison. Je me revois lui dire ça au bord du lac. Faire ce qu'il faut pour être ensemble et en vie. Quelle connerie.

— Je n'aurais pas dû réagir comme ça, Ness. J'ai pété les plombs. Tout ça... c'est devenu trop réel, trop rapide.

— J'ai tenté de te prévenir, pourtant.

— Je sais.

Je m'approche, incapable de supporter qu'elle refuse de croiser mon regard. Lentement, je tends la main vers son visage, essayant de lui faire tourner la tête, mais elle me repousse.

Je ne veux pas voir ce regard.

— Quel regard ?

— Celui plein de dégoût que tu m'as lancé toute la soirée.

Merde. Je l'ai vraiment blessée. Je suis qu'un connard.

Regarde-moi, princesse. Ce regard de dégoût ne t'était pas destiné. C'est cette situation, pas toi.

Cette fois, elle ne résiste pas quand je fais doucement tourner son visage vers moi. Ses yeux noirs, profonds, sont des abîmes de tourments.

— Regarde bien, Ness. Jamais tu ne me dégoûteras, mon cœur. Tu es la seule chose bien dans ma vie. Je n'aurais pas dû te laisser entendre le contraire.

Elle hoche légèrement la tête. Le mouvement est si subtil que je me demande si je l'ai rêvé. Je saisis l'occasion, et manœuvre en glissant mes bras autour d'elle pour qu'elle soit à moitié assise sur moi, son dos contre mon torse. Je la serre fort, essayant de lui transmettre mes doutes, mes peurs, tout ce qui bouillonne en moi à travers cette étreinte.

Je t'aime, Ness. Je t'aime vraiment. À tel point que ça me terrifie. Jamais tu ne me dégoûteras. Mais cette vie... je ne peux pas. Je dois m'en sortir. Je ne suis pas aussi solide que toi. Je m'y perdrais bien trop vite. Je ne veux pas me perdre. Mais je ne veux pas te perdre non plus.

Ma dernière phrase sort dans un souffle. Parce que, au fond, je sais que c'est impossible de ne perdre ni l'un ni l'autre.

Je la sens s'accrocher à mes bras qui l'entourent. Je la serre encore plus fort, comme pour graver ce moment dans l'éternité. C'est la première fois que je dis à quelqu'un que je l'aime.

Et c'est là que l'univers s'écroule sous mes pieds. Un sanglot s'échappe de ses lèvres. Ness pleure. C'est impensable, inimaginable. Et pourtant, c'est vrai. Ness pleure, silencieusement, dans mes bras.

Je veux effacer ses larmes. Mais une autre part de moi sait qu'elle en a besoin. Je l'embrasse sur la tempe, murmurant des mots rassurants, et ses sanglots redoublent.

— Je n'ai pas voulu cette vie-là. Je ne veux pas que tu aies cette vie-là. Cette femme... je n'avais pas le choix, Matheo. Je te jure que quoi que je fasse, je n'y pouvais rien. Mais la culpabilité... elle est toujours là. Tu me détesterais si tu savais à combien de personnes j'ai causé du tort.

Sa voix se brise à chaque mot. Elle craque enfin, relâchant toutes ces émotions qu'elle gardait enfouies depuis si longtemps.

— Je ne pourrais jamais te détester, mon cœur. Je t'aime.

Elle continue de pleurer, et je la berce doucement, patiemment, jusqu'à ce qu'elle s'apaise.

Quand elle finit par s'endormir, épuisée par ses larmes, elle murmure quelque chose. C'est si faible que je pourrais croire avoir rêvé.

Mais non. Je les ai entendu. Ces mots qu'elle m'a soufflés, à peine audible, m'ont conquis pour de bon.

— Je t'aime, Matheo.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant