65. Matheo

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La chambre est plongée dans le silence, seulement troublé par le bruissement des couvertures alors que je m'agite. Je ne trouve pas le sommeil. Ness est constamment dans mes pensées. Depuis notre conversation dans le couloir, quelque chose cloche. Comme si elle me cachait un secret, quelque chose d'important. Je veux qu'elle me fasse confiance, qu'elle sache que je suis là pour elle, quoi qu'il arrive.

Un grincement. La porte s'entrouvre lentement. Je me redresse d'un bond, mais c'est elle. Elle reste immobile sur le seuil, ses yeux me scrutant dans la pénombre. Elle semble hésiter. Je tapote la place vide à mes côtés, l'invitant à s'approcher.

Elle vient se blottir contre moi sans un mot, sa chaleur se mêlant à la mienne. Ses bras glissent autour de ma taille, et je respire enfin. Quand c'est comme ça, tout va mieux.

— Je t'ai réveillé ? murmure-t-elle. Sa voix est douce, vulnérable, dépouillée de ses défenses habituelles.

— Je pouvais pas dormir sans toi.

— Moi non plus.

Ses doigts s'attardent sur les miens, jouant distraitement. Quelque chose dans son attitude me trouble.

Qu'est-ce qu'il y a ?

— Rien. Elle marque une pause, son souffle effleurant ma peau. Je veux juste profiter de chaque instant. Quand tu penses à moi, je veux que ce soit à ça, à nous. Pas à mes crises de colère ou à mes silences. Je veux que tu penses de la Ness que toi seul connais.

Je reste sans voix. Ses mots me touchent profondément. Ness n'est pas du genre à se confier, pas comme ça. Mais ce soir, elle est différente. Fragile, sincère. Elle fait tomber toutes ses barrières, et moi... je tombe un peu plus amoureux d'elle.

J'aimerais que ça soit toujours comme ça, juste toi et moi, sans personne d'autre.

— Moi aussi...

Elle ne termine pas, mais je sais. Je sais que ce qu'on souhaite est impossible. Je prends délicatement son poignet, là où la marque du Seigneur des Ténèbres est gravée sur sa peau. Mon cœur se serre. Je dépose un baiser dessus, puis sur ce bracelet serpent qu'elle porte toujours, sinistre et oppressant.

J'aimerais qu'on soit libres...

— Nous le serons, murmure-t-elle, avec une certitude inhabituelle.

Sa réponse me déroute. Ness, qui d'habitude me reproche de rêver, semble convaincue. Ça me perturbe. Mais je reste silencieux, caressant son dos d'un geste apaisant. Elle comprend mes silences, toujours.

Puis, brisant l'instant, elle demande :

Tu aimerais avoir des enfants ?

Je ris doucement, surpris par sa question. Elle rougit.

Je ne pensais pas que tu voulais déjà qu'on en parle.

— Je me demande, c'est tout. Elle baisse les yeux. J'aurais adoré voir un mini Matheo.

— C'est encore possible, mais ce serait sûrement un vrai diablotin, dis-je en souriant. Et toi ? Tu veux des enfants ?

Je n'y ai jamais pensé... Elle hésite. Je ne pensais même pas que c'était une option. Je ne voudrais pas qu'un enfant subisse tout ça. Cette vie...

Je l'embrasse tendrement sur le front, essayant d'apaiser ses doutes.

J'adorerais voir une petite Ness. Ou un joli mélange de nous deux.

— Moi aussi...

Et là, je vois une larme glisser sur sa joue. Mon cœur se serre, mais je reste silencieux. J'essuie doucement sa joue avant de capturer ses lèvres salées par ses larmes.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive, mon cœur ?

Elle secoue la tête, refusant de répondre, et m'embrasse une dernière fois avant de caler sa tête sur mon épaule.

J'adorerais cette vie-là, c'est tout, murmure-t-elle, presque inaudible.

Je la serre un peu plus fort contre moi, ignorant l'ombre qui plane sur ses mots. Je me raccroche à l'instant présent, à cette femme que j'aime plus que tout, et je prie pour que, quoi qu'elle traverse, elle me laisse la rejoindre dans son combat.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant