Je fixe mon assiette depuis vingt minutes. Les couverts n'ont même pas bougé. Une pomme de terre me nargue, avec sa sauce qui refroidit lentement. J'ai envie de vomir rien qu'à regarder la nourriture. Peut-être que je devrais sortir, juste pour respirer un peu. Mais les regards autour de moi me clouent sur place.Tout le monde mange, parle, rigole comme si la veille n'avait jamais existé. Moi, je n'arrive même pas à avaler un morceau. Mon père. Mon père. Ce mot n'a plus aucun sens. Ce type que j'ai enfin rencontré hier soir, c'est bien le sociopathe dont on m'avait toujours parlé. Et encore, sociopathe, c'est presque un compliment. Ce n'est pas un homme, c'est une ombre. Froid, distant, calculateur... et clairement, il n'en a rien à foutre de moi.
Rien, sauf pour m'utiliser.
Je pousse l'assiette, mes gestes saccadés. Je sens des regards sur moi, mais je ne lève pas les yeux. J'ai l'impression que si je croise le moindre regard, je vais exploser. Merde, comment je suis censé vivre avec ça ?
Et bordel, comment je pourrais ressembler à ce mec sans nez ?
Un ricanement m'échappe, nerveux, incontrôlé. Heureusement, personne ne semble l'avoir remarqué. Peut-être parce que Ness a capté leur attention. Assise plus loin, elle est droite comme une statue, mangeant tranquillement, comme si rien ne l'atteignait. Elle est toujours comme ça, impassible.
Elle m'agace autant qu'elle m'intrigue. Comment elle fait pour rester aussi... stoïque ? Est-ce qu'elle ressent encore quelque chose ? Moi, j'ai l'impression que tout s'effondre autour de moi.
Je me lève brusquement, repoussant ma chaise avec un bruit qui fait tourner quelques têtes. J'attrape mon sac, marmonne une excuse bidon à mes voisins de table, et sors du Grand Hall. J'étouffe ici.
Je marche sans but dans les couloirs, mes pensées me martelant le crâne. Comment j'en suis arrivé là ? Avant Poudlard, ma vie était... normale. Pas parfaite, mais normale. Et maintenant, je suis dans ce bordel, avec un père qui me traite comme une pièce d'échiquier, une mission impossible à réussir, et une coéquipière qui ressemble plus à une machine qu'à une personne.
La coéquipière en question, tiens. Ness. Pourquoi elle est comme ça ? Elle m'a dit qu'elle allait m'entraîner, mais elle ne m'a jamais demandé mon avis. Elle agit comme si j'étais déjà un soldat, prêt à obéir. Mais je ne suis pas un soldat. Je suis juste... un gamin qui ne comprend rien à ce qui lui arrive.
Je m'arrête devant une fenêtre et regarde dehors. Le parc de Poudlard s'étend devant moi, calme, paisible. Un contraste cruel avec ce que je ressens.
Et bien sûr, comme si ça ne suffisait pas, elle est là. Ness. Elle surgit d'un coin sombre comme une ombre vivante, ses bras croisés et son éternel regard impassible.
— Arrête de faire cette gueule, Jedusor, lâche-t-elle, exaspérée. Suis-moi. On va à l'entraînement.
— Tu pourrais au moins me demander mon avis, répliqué-je, agacé.
— Tu as en réalité un seul choix, dit-elle en avançant vers moi. Devenir plus fort ou mourir.
Je la regarde. Elle est sérieuse. Trop sérieuse.
— Et si je décidais de vous livrer ?
Elle s'arrête net. Son regard devient glacial, mais elle garde son calme.
— À qui ? Le ministère ? demande-t-elle, un sourcil levé. Il est pourri jusqu'à la moelle.
— Dumbledore.
— Et tu crois quoi ? Que ça changerait quelque chose ? Tu serais toujours considéré comme l'ennemi. Et tu trahirais les seuls qui, eux, ne te voient pas comme le grand méchant.
— Qui sait ? Peut-être que Potter m'accueillerait à bras ouverts.
Elle ricane, un son sec, presque cynique.
— Potter te déteste déjà, réplique-t-elle. Et si tu penses que, parce que tu as son sang, le grand maître te pardonnera...
— Arrête de me parler de ce sang qu'on a en commun, coupé-je, presque en criant.
— Pourtant, tu n'arrêtais pas de m'en parler avant, Jedusor.
— Le sociopathe sans nez, je préférais ne pas le connaître.
Et là, contre toute attente, elle éclate de rire. Un vrai rire, sonore et sincère, qui résonne dans le couloir. C'est la première fois que je la vois comme ça, et elle a l'air aussi surprise que moi par le son de son propre rire.
— Tu sais qu'il n'est pas né comme ça ? dit-elle finalement, avec un sourire rare. Apparemment, il était même carrément sexy, jeune. Il te ressemblait.
— Je dois en conclure quoi ? Que tu trouves le Seigneur des Ténèbres sexy ou que tu me trouves sexy ?
Elle lève les yeux au ciel avec une exaspération presque amusée, avant de me faire signe de la suivre.
— Viens.
Elle se plante devant un mur vide, là où il n'y a rien, et passe devant trois fois. Lentement, le mur commence à bouger, à se transformer, jusqu'à ce qu'une porte apparaisse.
— La Salle sur Demande, explique-t-elle en ouvrant la porte.
À l'intérieur, l'espace est vaste, sombre, et équipé de tout ce qu'il faut pour un entraînement intensif.
— Si tu veux survivre, commence ici, dit-elle en entrant.
Je reste là, sur le seuil, hésitant. Elle se retourne, me fixant avec cet éternel mélange de patience et de défi.
— Alors, Jedusor ? Tu restes dehors à pleurnicher ou tu viens te battre ?
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L'oubliée
FanfictionDans chaque histoire il y a des oubliés. Nous savons tous ici la finalité : le bien gagne face aux forces du mal. Mais nous oublions une partie, un élément important de cette guerre. Elle. Ness Lestrange a une mission pour sa sixième année à Poudlar...