58. Matheo

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Je suis censé faire quoi ? Elle se vide de son sang dans mes bras.

— Je suis tellement désolé... Reste avec moi, mon cœur.

Elle souffre, ça se voit. Sa respiration est sifflante, erratique. Je pensais avoir eu peur hier, mais non. Ce n'était rien. La vraie peur, c'est maintenant.

C'est moi qui lui ai fait ça.

— Ne t'en fais pas... Je vais bien.

Tu mens mieux d'habitude.

Elle esquisse un sourire, mais il s'efface dans une grimace de douleur.

— Dis-moi un sort. N'importe quoi. Quelque chose que je peux utiliser.

— Je n'ai rien en stock. Je ne connais pas les techniques de soins, Matheo. On m'a appris à tuer, pas à soigner. Je t'ai appris à abîmer, à te défendre... Mais pas à guérir. Ce type de magie, je ne le maîtrise tout simplement pas. Ma mère non plus, d'ailleurs.

Je déglutis difficilement.

— Alors comment ? Comment elle va te sauver ?

— Une potion, je pense... Mais elle ne veut pas que ce soit facile.

Sa voix baisse encore, presque un murmure. Ses paupières sont lourdes, et j'ai l'impression qu'elle va perdre connaissance à tout moment.

— Tout ça, c'est un test, Matheo. Ils ne nous font pas confiance... Ils sentent quelque chose... Fais attention...

Ses yeux se ferment, et même si sa poitrine continue de se soulever faiblement, preuve qu'elle respire encore, c'est comme si mon cœur à moi s'était arrêté. Il faut la soigner. Tout de suite.

Je n'ose pas la porter, de peur d'aggraver son état. Alors, à contrecœur, je la dépose délicatement sur le sol froid, en essayant de ne pas penser au fait que ce même sol est déjà tâché de son sang.

Je monte les marches du cachot quatre à quatre, mais je ralentis à l'approche du hall. Il faut que je sois calme. Calculateur. Je finis par atteindre un salon où se trouvent les deux sœurs : Bellatrix et Narcissa. Le contraste entre elles est frappant. L'une, souriante d'un sourire cruel ; l'autre, impassible, presque absente.

Je souhaiterais la potion pour ma fiancée, mesdames. Il serait plus simple que je n'épouse pas un cadavre. Par ailleurs, mon père, le Seigneur des Ténèbres, souhaite notre union. Ne pensez-vous pas qu'il serait... irrité d'apprendre que sa future belle-fille est morte lors d'un vulgaire entraînement dans un cachot ?

Bellatrix éclate de rire, un rire sinistre, presque hystérique. Narcissa, elle, reste silencieuse. Elle s'avance vers une table, où un flacon repose nonchalamment, et le prend entre ses doigts fins.

Nous allions le descendre, dit-elle d'une voix douce mais froide. Faites-lui boire ceci.

Je ne perds pas une seconde. J'arrache presque le flacon de ses mains avant de descendre les marches aussi vite que possible dès que je me suis soustrais à leur vue. Quand j'arrive en bas, elle est toujours là, toujours étendue, toujours en vie.

À genoux près d'elle, je soulève doucement sa tête et approche le flacon de ses lèvres.

Ness, murmuré-je, bois ça. Allez, mon cœur, ouvre les yeux. Reste avec moi.

Je verse lentement le contenu dans sa bouche, priant qu'elle l'avale. Un instant, rien ne se passe. Puis, sa respiration s'apaise légèrement. La pâleur extrême de son visage semble s'atténuer, et les coupures sur sa peau commencent à se refermer, lentement. Mais elle reste inconsciente.

Je pose mon front contre le sien, incapable de bouger, incapable de penser. La culpabilité me ronge. Je l'ai blessée. C'est ma faute. Tout est ma faute.

Un bruit de pas résonne derrière moi. Je ne prends pas la peine de me tourner. La voix glaciale de Bellatrix retentit mais je ne distingue pas ce qu'elle dit trop concentré sur la brune étendu devant moi. Tout ce que je veux, c'est qu'elle ouvre les yeux. Qu'elle me regarde.

Et quand elle le fait, ses lèvres esquissent un sourire fragile, presque imperceptible. Mais c'est suffisant pour que je respire à nouveau.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant