L'oubliée

32. Ness

Je file à la fin du cours, mais Potter me rattrape.

— Attends. Je te propose qu'on en finisse au plus vite.

— À quoi bon, Potter ?

— On a tous les deux besoin de cette note.

— Je m'en fiche, personnellement.

— Arrête d'être une garce. Je veux être Auror, et pour ça, j'ai besoin d'excellentes notes.

— Toi, toi, toi, toujours toi, Potter. Si tu es tellement centré sur toi-même, pourquoi l'Élu aurait-il besoin de moi ?

— Tu as beau dire que tu t'en fiches, tu es très douée. Et tu connais l'histoire du monde magique depuis bien plus longtemps que moi.

— Est-ce que tu es en train de me supplier ?

— Non.

— Alors la réponse est non. Je n'irai pas bosser avec toi.

— Tout le monde joue le jeu, pourquoi pas toi ?

— Jouons cartes sur table, Potter : tu me détestes depuis notre première année. Pourtant, je pourrais compter sur une main nos interactions. Tu as voulu faire le dur, tu as choisi de me détester. Débrouille-toi pour ce devoir. Je suis sûre que celles qui bavent devant l'Élu se feront une joie de t'aider.

Je sens une présence derrière moi.

— Un souci par ici ?

Le professeur sortait de la salle, visiblement attiré par la fin de ma phrase.

— Je tiens à vous rappeler que c'est un travail commun. Nous savons qu'il est rare de mélanger Serpentard et Gryffondor, mais c'était une initiative du professeur Dumbledore. Souhaitez-vous aller dans son bureau ?

— Je vous en prie. Je me ferais une joie de parler au directeur.

— Vous voyez, monsieur, ce n'est pas moi, c'est elle !

Le professeur soupire.

— Il serait temps de grandir, les enfants. Miss Lestrange, je vais moi-même vous accompagner le voir.

— Dans un binôme, on est deux. Parce que je suis une Lestrange, je vais voir mon directeur, et parce qu'il est Harry Potter, il est dispensé ?

— Bien, venez tous les deux.

Potter me lance un regard censé être mauvais, mais il ne m'intimide pas. Je ne peux plus le voir en peinture. Tout chez lui m'agace. Il a agressé Draco. Il veut que le monde entier pleure sur son histoire. Et pourquoi ? Ses parents sont morts, et alors ? Neville aurait bien plus de raisons de se plaindre. Moi aussi, d'ailleurs. Personne ne me plaint, pourtant. Il n'a appris le monde magique et qui étaient ses parents qu'au bout de 11 ans. Matheo l'a appris à 16. Et surtout, le Seigneur des Ténèbres fait une fixette sur lui tout comme il fait une fixette sur moi. Mais moi, je suis l'ennemie à abattre tandis qu'il sera toujours le Héros.
Le prof nous laisse attendre devant le bureau le temps qu'il explique la situation à Dumbledore.

Le professeur nous laisse attendre devant le bureau pendant qu'il explique la situation à Dumbledore.

— Fière de toi ?

— Comme si ça te dérangeait. Tu viens ici boire le thé régulièrement.

Il se tait. Enfin. Mon dieu, que ça fait du bien.

Le professeur revient et nous fait signe d'entrer avant de s'éclipser.

— Jeunes gens, vous voir ici me désole.

— Pourtant, vous appréciez la compagnie de monsieur Potter, je marmonne suffisamment fort pour qu'il m'entende, mais je sais qu'il ne relèvera pas.

Il n'en a pas les tripes.

— La raison est donc que vous ne pouvez pas coexister et travailler ensemble, à ce qu'on m'a dit. J'ai donc pris la décision de vous mettre en retenue ensemble. L'objectif est que vous réalisiez ce travail.

Je vois Potter sourire en coin. Bien sûr, il a encore gagné. Pourquoi est-ce qu'il gagne toujours ?

— Harry, je souhaiterais parler avec Miss Lestrange. Tu peux nous laisser.

Il quitte la pièce avec son sourire que je veux lui faire ravaler.

— Puis-je être honnête avec vous, professeur ?

— J'aimerais que vous le soyez toujours.

— Cela ne vous pose pas de problème éthique ? Le favoritisme envers les Gryffondor, et surtout envers Harry Potter ?

— Je ne fais pas dans le favoritisme.

— Dans la même phrase, vous l'avez appelé par son prénom, tandis que je suis "Miss Lestrange". Vous nous demandez d'être égaux alors que vous ne pouvez cacher plus de trente secondes qu'il est votre protégé. C'est hypocrite, vous ne trouvez pas ?

— Il est vrai que j'ai une relation particulière avec monsieur Potter. Cela ne signifie pas que je le favorise.

— Alors pourquoi suis-je encore là ? Je vais faire ce devoir, ce qui permettra à Potter de s'en sortir encore, et peut-être même de devenir Auror, alors que c'est un cancre.

Il plisse les yeux.

— Ce n'est pas pour le devoir que je vous ai demandé de rester.

Fais chier, à être aussi énigmatique. Je suis trop impliquée dans cette merde pour ne pas deviner qu'il a une idée derrière la tête.

— En une journée, vous êtes renvoyée de classe et envoyée dans mon bureau. Vous filez un mauvais coton.

— Que voulez-vous ? Ce n'est pas mon jour.

— Miss Lestrange, malgré ce que vous semblez penser, je me soucie de chacun des élèves présents dans ce château.

— Vous mentez.

— Excusez-moi ?

— Vous avez dit que vous appréciez quand j'étais honnête. Voici la vérité : vous mentez.

Sinon, jamais il ne serait allé repêcher Matheo. Il l'a mis en lumière alors que le seigneur des ténèbres ne pouvait pas le trouver. Il se sert de lui comme d'un appât, tout comme il se sert de Potter comme d'une arme.

— En quoi ?

Je garde un visage neutre. Je ne peux pas dire ça à voix haute sans exposer pleinement mon rôle dans cette histoire.

— Bien, vous semblez avoir perdu votre élan d'honnêteté. Sachez en tout cas qu'il est de mon devoir de remettre un bon élément sur le droit chemin. Sous votre apparence de je-m'en-foutisme, vous êtes brillante. Première en défense contre les forces du mal. Pourquoi ne vous concentrez-vous pas sur vos études ? Vous pourriez, vous aussi, aspirer à une carrière d'Auror ou au ministère.

Je ris froidement.

— Je m'appelle Lestrange, monsieur. Vous le savez aussi bien que moi : personne ne retiendrait une candidature. Potter pourrait avoir les notes de Weasley et y entrer. Moi, même avec le bulletin de Granger, je serais refusée. C'est une réalité que j'ai acceptée.

— Est-ce de la jalousie ? Un sentiment d'injustice ?

— Il n'y a pas de justice. Ni dans ce monde, ni dans cette école.

Je me lève, prête à partir.

— La prochaine fois que votre nom viendra à moi, je devrai prendre des décisions. Suspension temporaire... ou définitive.

Fais chier.