Le repas est enfin terminé. Les elfes de maison ont agi avec une efficacité terrifiante, débarrassant le corps de Charity Burbage comme s'il ne s'agissait que d'un déchet gênant. Pas une tâche de sang, pas un signe de ce qui venait de se passer. Tout était impeccable. L'illusion d'un dîner normal avait repris son cours, aussi absurde que cela puisse paraître.Evidemment, ce genre de spectacle coupe l'appétit. Pourtant, je n'avais pas le choix. Montrer un signe de faiblesse, détourner les yeux plus que nécessaire, c'était inviter le Maître – et pire encore, ma mère – à douter de moi. Alors, j'avais mangé, ou du moins fait semblant, mastiquant chaque bouchée avec une lenteur mécanique, le goût des aliments complètement occulté par l'odeur de la peur qui imprégnait encore la pièce.
À côté de moi, Matheo n'avait presque rien touché. Il jouait avec sa nourriture, le regard fixé sur son assiette comme s'il espérait y trouver une sortie de secours. Ses doigts, crispés sur sa fourchette, tremblaient légèrement, à peine perceptibles. Je posai discrètement ma main sur son genou sous la table, un geste à la fois pour lui rappeler de garder son calme et pour m'ancrer moi-même dans la réalité. Mais il rejeta ma main discrètement.
Draco, lui, était assis un peu plus loin, raide comme un piquet. Il avait à peine parlé, se contentant de répondre aux questions du Maître avec des « Oui, Maître » monotones. Sa mère, Narcissa, était d'une blancheur cadavérique, ses gestes mesurés et délicats comme si elle marchait sur un fil invisible.
Ma mère, en revanche, était dans son élément. Bellatrix rayonnait, son rire dément résonnant encore dans mes oreilles comme un écho infernal. Elle n'avait cessé de me lancer des regards approbateurs tout au long de la soirée, fière de ma performance. Fière de mes fiançailles. Je n'étais pas sûre de ce qui me dégoûtait le plus : son approbation ou le fait que je l'avais méritée.
Quand le repas prit fin, le Maître nous congédia d'un geste languide, comme s'il s'ennuyait déjà. La plupart des invités commencèrent à quitter la salle, murmurant entre eux des conversations que je ne voulais pas entendre. Je me levai avec Matheo, attrapant son bras avant qu'il ne parte. Je dois lui parler.
- Viens, murmurai-je, ma voix basse mais ferme.
Nous sortîmes de la pièce sans un mot, Draco nous suivant de près. Je nous conduisis dans l'un des salons secondaires, loin du chaos principal, et refermai la porte derrière nous. Un tour avec mon amulette et nous pouvions parler tranquillement.
- Ça va ? demandai-je à Matheo en le poussant doucement vers un fauteuil.
Il me lança un regard incrédule, un mélange de colère et de peur dans ses yeux.
- Ça va ? répéta-t-il, avant de rire nerveusement. Mais évidemment, le dîner spectacle personnellement j'ai adoré, et toi ?
Je croisai les bras, essayant de garder mon calme. Son ironie me blesse mais pas autant que son regard. Il me regarde comme tous me regarde. Comme si j'étais ma mère.
- Ce n'est pas normal, répondis-je. Rien de tout ça ne l'est. Mais tu crois qu'on a le choix ? Tu crois qu'on peut se permettre de montrer qu'on est dérangés par ce genre de choses ? Reprend toi Mathéo, tu devais avoir laisser tes émotions à Poudlard.
Draco, appuyé contre le mur, se passa une main sur le visage, visiblement épuisé.
- Elle a raison, dit-il d'une voix basse. Tu ne comprends pas encore, Matheo. Si tu flanches, ils te dévoreront vivant.
- Alors quoi ? On joue le jeu ? On devient comme eux ? Comme Bellatrix ? Comme... elle ? Il pointa un doigt accusateur vers moi, et je sentis une pointe de douleur percer ma carapace.
Je pris une grande inspiration, tentant de garder mon sang-froid. Il n'y avait plus de douceur pour moi.
- Tu crois que c'est facile pour moi ? répondis-je sèchement. Que j'aime ce que je dis, ce que je fais ? Je fais ce qu'il faut pour survivre. Et si tu veux survivre aussi, tu ferais mieux de t'y habituer.
- Peut être que je préfère mourir. Il secoua la tête, ses poings se serrant sur ses genoux avant de reprendre dans un murmure. Je veux partir. Je ne peux pas... je ne peux pas faire ça.
- Alors cours, dis-je avec froideur. Mais si tu pars, ils te trouveront. Et cette fois, ce ne sera pas un dîner que tu regarderas. Ce sera toi sur cette table.
Un silence lourd s'installa dans la pièce. Draco évita mon regard, et Matheo, bien qu'en colère, semblait à court d'arguments.
Je me laissai tomber dans un fauteuil, fermant les yeux un instant.
Je ne pouvais pas lui dire la vérité. Pas à Matheo, et encore moins à Draco. Je devais leur faire croire que je contrôlais la situation, que j'étais forte, que rien ne me touchait. Mais en réalité, je n'étais qu'une marionnette, prise au piège dans ce jeu morbide.
Bellatrix m'a regardé comme si j'étais son héritière parfaite, et chaque fois qu'elle souriait, une partie de moi mourait un peu plus. Je ne voulais pas être comme elle. Mais si je refusais, que me restait-il ?
Je pensai à Matheo, à sa façon de me regarder comme si j'étais encore quelqu'un de bien quand nous étions à Poudlard. Mais combien de temps cela a duré ? Combien de temps avant qu'il ne remarque ce que je suis en train de devenir ?
Je posai ma tête dans mes mains, submergée par un mélange de culpabilité et de rage. Je déteste cette vie, je déteste ces gens, je me déteste.
Mais plus que tout, je déteste cette voix dans ma tête qui murmurait que, peut-être, je n'avais pas le courage de m'échapper.
Je suis une survivante. Je regarderai le seigneur des ténèbres vaincre où se faire anéantir. Peu importe je serais au première loge. Et ensuite je lâcherai ce monde. J'irais la où je ne pourrais plus blesser personne.
Où personne ne pourra plus me blesser.
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L'oubliée
FanfictionDans chaque histoire il y a des oubliés. Nous savons tous ici la finalité : le bien gagne face aux forces du mal. Mais nous oublions une partie, un élément important de cette guerre. Elle. Ness Lestrange a une mission pour sa sixième année à Poudlar...