L'oubliée

42. Matheo

Je suis allongé sur mon lit, fixant le plafond comme s'il avait les réponses à toutes mes questions. Elle est partie après ses mots. Ces putains de mots qui résonnent encore dans ma tête : "Moi non plus, je ne vois pas d'avenir sans toi."

Et là, j'ai senti mon cœur vaciller. C'est foutu. Je suis foutu. Parce qu'à cet instant, j'ai compris une chose : je ne la laisserai jamais partir.

Mais je commence à bien la connaître, Ness. Elle est imprévisible, en constante contradiction avec elle-même. Elle dit qu'elle me déteste, qu'elle ne veut pas croire en l'avenir, et pourtant, ses lèvres contre les miennes racontaient une autre histoire. Ses yeux, quand elle m'a regardé, quand elle m'a laissé entrer dans son chaos, disaient tout le contraire.

Le problème, c'est qu'on est deux solitaires. Deux âmes qui n'ont jamais compté sur personne d'autre. C'est terrifiant. Pour elle, surtout. Elle a appris à se blinder, à survivre seule, à ne rien attendre de personne. Et maintenant, je débarque, je brise ses règles, ses certitudes. Ça la fout en l'air. En vrai, moi aussi. Mais au moins, je sais ce que je veux, et je ne vais pas la laisser m'échapper.

Je repense à la danse. Putain, je déteste danser. Mais là, avec elle, c'était différent. Je l'ai sentie détendue, juste un instant. Comme si tout le reste avait disparu. Juste elle et moi, tournant sur cette piste ridicule, dans notre petite bulle. Mais bien sûr, ça n'a pas duré. Avec Ness, rien ne dure. Elle s'est éloignée, m'a accusé de l'embrouiller, comme si c'était ma faute si elle ressentait quelque chose.

Elle me rend dingue. J'ai jamais été du genre à me prendre la tête pour une fille. Je ne me suis jamais laissé atteindre. Mais elle... Elle va me rendre chèvre. Je ne sais jamais sur quel pied danser avec elle. Un jour, elle s'ouvre, et le lendemain, elle bâtit des murs plus hauts encore. Elle est capable de m'ignorer demain, comme si rien de tout ça n'était arrivé. Et moi, je serai là, comme un con, à me demander comment franchir ses putains de barricades.

Mais je ne veux pas lâcher. Pas elle. Je veux continuer à l'apprivoiser. À la connaître. Je veux qu'elle s'ouvre, qu'elle me fasse confiance. Qu'elle me parle réellement. Pas juste des conneries qu'on raconte pour meubler, mais de ce qu'elle pense, au fond. De cette guerre, de cette école, de ce monde qui nous bouffe tous. Je veux comprendre ce qu'elle voit, ce qu'elle espère, ce qu'elle craint.

Je ferme les yeux, mais elle est toujours là. Dans mes pensées. J'aurais voulu qu'elle reste. Qu'elle soit dans mes bras. Juste pour une nuit, rien que nous deux, loin de tout. Mais Ness n'est pas comme ça. Pas encore.

Je soupire et me retourne sur le côté, la tête pleine d'images d'elle. Son sourire fugace, ses yeux qui brillent d'émotions qu'elle ne veut pas nommer, sa voix qui résonne dans ma tête.

Putain, Ness. Qu'est-ce que tu fais de moi ?