41. Ness

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Les effets de la potion se sont enfin dissipés, et vu l'état de Matheo, il semble avoir réussi à éliminer le poison.

Quand je repense à tout ce qu'il a dit sur moi... Il ne mentait pas. Même si ses mots pouvaient prêter à confusion, je crois pouvoir affirmer qu'il y a plus que cet ordre absurde qui nous force à être ensemble.

Mais je ne sais pas ce que je ressens. Et, franchement, je ne veux pas y penser.

Je termine mon verre cul sec.

Vous souhaitez à ce point jouer avec votre mort?

— On avait des antidotes efficaces. On aurait souffert, mais on ne serait pas morts.

— J'espère bien. Si tu pouvais éviter de mourir, j'apprécierais, princesse.

— On meurt tous un jour, Matheo.

— Peut-être. Mais on est censés avoir un futur en commun. Ça serait con que ça se finisse si vite. Tu ne peux pas dire non à des mini-Matheo qui courent partout.

Je grimace. Mon dieu. Je n'ai jamais pensé à avoir des enfants. Un mini-lui serait adorable, c'est vrai... mais moi, mère ? La blague.

Plutôt me jeter de la tour d'Astronomie.

— D'accord, pas d'enfants. Mais sérieusement, Ness, je ne veux pas que tu meures.

Son ton change, devient étrangement sérieux.

Tu es mon point d'ancrage dans ce monde magique de fou. Sans toi, je ne sais pas ce que je ferais.

— Peut-être que sans moi, tu ne te retrouverais pas dans toutes ces histoires.

— Peut-être. Mais tu ne serais pas là.

Il s'est rapproché. Trop, peut-être. Cette fois, ça n'a rien à voir avec une technique pour donner l'image du couple. C'est beaucoup plus authentique. La tension entre nous monte dangereusement.

On va danser?

— Sur ce slow ringard, Jedusor?

Il ne répond pas. Son sourire enjôleur parle pour lui alors qu'il m'entraîne vers la piste improvisée.
Il m'attire contre lui, et on commence à tourner lentement. Aucun de nous n'a l'habitude de danser, mais dans ses bras, c'est... agréable. Je me tends en sentant les regards sur nous.

Ne fais pas attention à eux, princesse. Il n'y a que toi et moi.

Je pose ma tête contre son épaule et ferme les yeux.

Que lui et moi.

Comme j'aimerais que ça soit toujours comme ça. Juste Matheo et moi, loin de tout. Loin de cette guerre, des attentes, des regards, de la pression. Dans ses bras, je respire enfin. Il est une bouffée d'air, là où tout le reste me compresse, m'étouffe, m'asphyxie. Avec lui, j'oublie les ombres qui planent toujours au-dessus de moi. Pas comme avec Cédric non... avec lui je suis moi même.

Je n'aime pas les « si » mais pourtant... je ne peux pas m'empêcher de me demander. Et si tout avait été différent ?

Et si je n'avais été qu'une simple élève à Poudlard ? Si je n'avais pas grandi dans cet univers de noirceur et de loyautés imposées ? Serions-nous tombés amoureux ? Un amour vrai, sincère, dénué de manipulations ou d'obligations. Quelque chose de pur. D'innocent.

Et si ma mère m'avait aimée autrement, m'avait protégée au lieu de me façonner à son image ? Aurais-je pu lui présenter Matheo ? Non comme un allié ou un complice, mais comme celui qui fait battre mon cœur ?

Et si je croyais en l'avenir, juste un peu, qu'est-ce que je voudrais ? Mon dieu, je voudrais que ce soit avec lui. Qu'il soit là, dans chaque instant, chaque projet, chaque rêve que je n'ose pas encore formuler.

Mais tout ça... ce ne sont que des "et si". Des mirages, des illusions. Rien de plus. Je n'ai jamais été du genre à m'apitoyer sur mon sort, à me laisser dévorer par des "et si" inutiles. Je sais que ce genre de pensées est dangereux. Ça vous ronge de l'intérieur, ça vous brise, ça vous rend faible.

Mais, contre toute logique, je m'accroche un instant à cette idée. À cet avenir que je ne peux avoir. Je me laisse porter par cette danse maladroite, par la chaleur de ses bras autour de moi. C'est faux. C'est impossible. Mais, à cet instant précis, ça paraît si réel que ça me déchire.

Je me détache brusquement de lui, comme si son contact brûlait. Mon esprit est en chaos. Je ne peux pas penser comme ça. Il ne faut pas. Ces pensées m'anéantiront.

Je quitte la salle commune en vitesse, mes pas résonnant dans les couloirs.

Ness, attends! Qu'est-ce qu'il t'arrive? J'ai fait quelque chose de mal?

Je ne réponds pas et accélère. Je ne veux plus le voir, plus croiser son regard. Soudain, il me plaque contre un mur.

Putain, Ness, réponds-moi!

— Je te déteste, Jedusor. Tu n'as pas le droit.

— Pas le droit de quoi? Qu'est-ce que je t'ai fait?

— Tu me fais croire à des choses auxquelles je ne peux croire.

— Mais de quoi tu parles? Pourquoi tu fuis, putain?

— Je ne peux pas croire en l'avenir, Matheo. C'est le fait de ne pas espérer qui me permet de tenir le coup. Tu n'as pas le droit de changer tout ce en quoi je crois. Je te l'interdis.

Il me regarde, tout d'un coup calme, ce qui m'énerve encore plus.

Je te déteste, Matheo Jedusor.

— Je ne te crois pas, mon cœur.

Sa main se pose délicatement sur ma joue.

Tu pleures.

Je ne les sentais même pas couler. Il me prend doucement dans ses bras.

— Lâche-moi. Je suis brisée, Matheo, OK? Je ne suis rien. Il n'y a pas d'avenir pour rien.

— Laisse-moi être rien avec toi, alors. Parce que je ne te lâcherai pas, Ness. Tu as beau me dire que tu me détestes, je ne t'abandonnerai pas. Toi aussi, tu as besoin de quelqu'un pour prendre soin de toi.

— Et si je ne veux pas?

— J'ai de la volonté à revendre.

Il est si proche que je ne peux qu'entendre son souffle. Il se brise contre mes lèvres, hésitant, presque tremblant. Il fixe ma bouche comme s'il craignait de faire le moindre mouvement, et pourtant je sens sa détermination.

Princesse, je vais t'embrasser, murmure-t-il.

Son avertissement me fait frissonner, et avant que je ne trouve une réponse, il pose ses lèvres sur les miennes. C'est doux, presque incertain. Comme s'il me demandait la permission de continuer. Une nanoseconde, il s'écarte, mais je ne peux pas supporter cet espace entre nous.

Je le ramène à moi, plaquant ma bouche contre la sienne. Ce n'est plus doux. Ce n'est plus hésitant. C'est un baiser passionné, fiévreux, débordant de tout ce que je ressens mais ne sais pas nommer.

Je m'accroche à lui comme si ma vie en dépendait, comme si ce moment était la seule chose réelle dans un monde qui n'a jamais cessé de vaciller. Je ne peux pas penser. Je ne veux pas penser. Je veux juste lui.

Moi non plus, je ne vois pas d'avenir sans toi, Jedusor, murmuré-je contre ses lèvres, brisée et entière à la fois.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant