68. Ness

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Dernier jour

J'ai passé la nuit à le regarder dormir. Ses cils qui frémissent à peine, son souffle régulier qui m'apaisait comme jamais. J'ai compté chaque seconde, absorbant son image, sa chaleur, comme si je pouvais imprimer tout ça dans ma mémoire pour l'éternité. Pour me rappeler, dans les ténèbres, qu'il y avait eu de la lumière.

Je me suis imprégnée de son amour, de tout ce qu'il m'a offert sans même s'en rendre compte. Ça m'aide à ne pas flancher. C'est affreux, cette certitude qui s'infiltre en moi : dans vingt-quatre heures, je ne serai plus là. Je serai morte. Et lui... il continuera.

Le soleil se lève.

Je ferme les yeux un instant et murmure une prière silencieuse. Pas pour moi, non. Pour lui. J'espère qu'il aura une jolie vie, qu'il trouvera la paix et l'amour que je ne pourrai jamais lui offrir. Hier soir, il n'a souhaité qu'une seule chose pour moi : que je sois heureuse. Aujourd'hui, je fais le même vœu pour lui. Qu'il vive. Qu'il change de nom. Qu'il s'appelle Smith, qu'il rencontre quelqu'un de bien, une femme douce et lumineuse, qui ne lui apportera que du bonheur. Qu'il ait des enfants, une famille qui le protégera, le soutiendra.

Je sens mes larmes couler, mais je ne peux pas m'arrêter. Pas maintenant. Je fais couler doucement la potion d'endormissement dans sa gorge. Sa respiration ralentit, mais il ne se réveille pas. Il ne pourra pas. Cette potion le gardera endormi, loin de moi, loin de tout ça, pendant vingt-quatre heures.

Je t'aime, je murmure, la voix brisée. C'est pour ça, tout ça.

Je pose une main tremblante sur sa joue.

Tu m'as montré ce que Rogue a ressenti pour Lily, ce qu'il a sacrifié par amour. Tu as voulu me protéger, comme Narcissa protège Draco. Tu m'as fait voir qu'il y avait un autre chemin.

Je marque une pause, le regard fixé sur lui.

Tu ne comprendras peut-être jamais ma décision, mais... je suis prête à mourir depuis longtemps, tu sais. Toi, tu m'as donné envie de vivre. Juste un peu plus. Tu m'as sauvé. Mais maintenant, c'est à moi de te sauver.

Je me penche et l'embrasse une dernière fois, en silence.

Quand je sors de la chambre, Rogue est là. Il ne dit rien. Juste un signe de tête, suffisant pour comprendre. Il s'occupera de Matheo, il le fera sortir d'ici. Loin, en sécurité.

Je traverse les couloirs, le cœur lourd. J'ai besoin de réponses. Alors je me dirige vers les toilettes des filles du deuxième étage. Mimi Geignarde est là, comme toujours.

— C'est toi, Harry ? Oh non...

— Merci pour l'accueil.

Elle me regarde avec sa méfiance habituelle.

Tu es venue pour me jeter des trucs ?

— Non. J'ai une question.

Elle arque un sourcil, intriguée.

Tu as eu mal ? Quand tu es...

— Morte ?

Je hoche la tête.

C'était instantané. Plus rapide que de s'endormir. Mais... ce qui m'a fait mal, c'est de voir à quel point j'ai été oubliée.

Je comprends. Oh, comme je comprends.

Elle me fixe, le visage plus sérieux qu'à l'accoutumée.

Tu as prévu de mourir.

Je ris, un son amer qui résonne contre les murs carrelés.

Je me demandais.

Je m'éloigne.

Dans un couloir, je croise Draco. Il semble surpris quand je m'approche et l'enlace. Il ne comprend pas mon geste, mais me rend mon étreinte. Il en a besoin. Alors je glisse un bout de parchemin dans sa poche, en silence : "Désolée. Ne m'en veux pas. Je t'aime."

Quand il s'éloigne, je vois Potter, Granger et Weasley qui me regardent de loin, toujours suspicieux. Ils ne sauront jamais que je les ai aidés à gagner. Mais ça n'a plus d'importance.

Je passe l'après-midi seule. Juste moi. J'aurais voulu que ce soit différent, mais la solitude, c'est tout ce que j'ai jamais connu.

Et puis la nuit tombe.

Dans la forêt interdite je ferme les yeux. Je n'ai plus peur.

Non, en fait, je me mens. Je suis terrifiée. Je voulais vivre. C'est là, le souci. Il y a un an, j'avais perdu le goût. Mais j'avais retrouvé l'envie. Je voulais vivre et tout ce que ça implique. Je voulais être heureuse. Vieillir. J'ai eu envie de voir les enfants de Draco, ceux de Matheo et moi. Si Draco regarderait enfin Pansy. Si Blaise deviendrait moins con. Voir Luna devenir encore plus folle. J'aurais aimé tellement de choses. Que je ne verrai jamais.

J'entends un bruissement au loin et vois passer un Niffleur. Mes larmes coulent encore en pensant à ma dernière conversation avec Matheo.

Soudain, des ombres apparaissent. Des Mangemorts transplanent autour de moi. Le Niffleur s'est enfui. Comme Matheo a fui cette vie. J'efface mes larmes. Je serai prête et digne.

Tu as échoué. Tu m'as trahie.

Je le vois. Il est là, plus loin.

Je vous ai trahis, Maître. J'accepte votre châtiment.

Il fait un signe, et trois Mangemorts s'avancent vers moi. Ils m'attaquent sans attendre. Trois contre une. Je réussis à en blesser deux gravement. L'un hurle en s'effondrant, son masque tombant à ses pieds. Mais le dernier me projette violemment au sol. Je suis sonnée. Je lutte pour reprendre mon souffle, mais avant que l'un des trois ne puisse m'achever, une voix glaciale les interrompt.

Stop. Elle est à moi.

Voldemort avance lentement, ses yeux brillants d'une rage froide. Les Mangemorts reculent, obéissant immédiatement. Je les entends chuchoter derrière leurs masques, mais mes yeux sont rivés sur lui.

Petit serpent, murmure-t-il, tu aurais été tellement parfaite.

Il a toujours un ascendant sur moi. Pendant un instant, j'ai presque envie de m'excuser, de ramper. Mais non. Je n'ai fait que ça toute ma vie. Ma mort se fera dans la liberté.

Vous allez perdre. Ils vous battront, je murmure, ma voix rauque mais résolue.

Je vois la haine traverser son regard.

Ils savent votre faiblesse. Comment vous atteindre. Par un journal par exemple ?

Endoloris.

La douleur me traverse comme un coup de poignard. Mais je continue, malgré tout.

Vous n'avez jamais rien eu, en réalité. Vous gardez les vôtres par la peur. Vous avez perdu votre femme. Votre fils. Vous perdrez. Seul.

Il s'approche, son regard brûlant de mépris.

Et toi, alors ? Qu'est-ce que tu as ?

Je prends une inspiration difficile, mais je tiens son regard.

Je meurs libre.

D'un geste rapide, j'arrache le bracelet de mon poignet. Je sens immédiatement les crochets s'enfoncer dans ma peau, libérant leur poison. Le venin brûle dans mes veines, mais je ne détourne pas les yeux.

Petite idiote, siffle-t-il, son visage déformé par la colère.

La petite idiote vous met échec et mat, je murmure, un sourire faible aux lèvres. Vous me tuez, mais c'est vous qui perdez, au final.

– Endoloris !

Je m'effondre au sol. La douleur du sort et celle du poison se mélangent. C'est insupportable. Je ferme les yeux et pense à Matheo. Je nous imagine, lui et moi, dans une maison à la campagne. Mon ventre arrondi. Et je souris.

– Avada Kedavra.

Et c'est fini.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant