L'oubliée

24. Matheo

Elle me plante encore. Mais la vision de son dos vaut bien ça. Sa robe noire, moulante, contraste avec sa peau claire, et ses cheveux tombent en cascade sur son dos nu. Ça me fait penser à autre chose, à quelque chose que je n'arrive pas à nommer, mais qui reste coincé dans ma gorge. Je me demande à quoi elle ressemblerait avec des couleurs. Juste une fois. Pas cette éternelle noirceur.

Elle serait capable de se marier en noir, je parie.

Et putain, pourquoi je pense à ça ? Elle tuerait celui qui oserait la demander en mariage, de toute façon.

Et ouais, ça me ferait chier qu'elle trouve quelqu'un.

— Matheo !

Je lève les yeux. Pansy me fait signe avec un mouvement exagéré du bras. Blaise est à côté d'elle, comme toujours, une bouteille dans une main et un sourire amusé sur le visage. Pas de Draco dans les parages. Pas de Ness non plus.

— Prends un verre, me lance-t-elle.

Je prends le gobelet qu'elle me tend. L'odeur me prend au nez. Ça pue l'alcool cheap mélangé à je-ne-sais-quoi.

— Ils mettent des potions là-dedans ou quoi ?

— Évidemment, répond Blaise avec un haussement d'épaules. C'est Poudlard. Rien n'est normal ici.

— On allait commencer un action ou vérité, ajoute Pansy.

— Sérieux ? On n'est pas un peu trop vieux pour ça ?

— Arrête, Matheo, ça va être drôle. Ici, nos actions ou vérités, c'est du sérieux, dit-elle avec un sourire en coin.

Je soupire et m'installe. Autour de nous, la salle est en ébullition. Les rires fusent, les baguettes lancent des sorts idiots, et je sens l'atmosphère devenir de plus en plus lourde, comme un mauvais présage.

Je la vois, Ness. Elle est de l'autre côté de la salle, penchée au-dessus d'une table. Nos regards se croisent un instant. Elle fronce légèrement les sourcils, une expression indéchiffrable sur le visage. Un genre de "bonne chance", peut-être. Puis elle détourne les yeux, se penchant vers un putain de rat. Sérieusement. Je ne me ferai jamais à ces animaux de compagnie ici.

Les verres s'enchaînent. L'alcool me réchauffe la gorge et floute un peu le reste. Je me sens plus léger, ou peut-être juste un peu plus détaché. Je ris avec eux, je joue leur jeu, mais ça sonne toujours faux. Je suis là, mais pas vraiment.

Je l'aperçois avant tout le monde. Draco. Il traverse la foule avec une assurance familière, un sourire étrange accroché au visage. Quand il rejoint Ness, je m'arrête net. Il se penche vers elle, lui murmure quelque chose, et d'un geste fluide, il la fait tourner sur elle-même. Sa robe remonte légèrement, dévoilant encore plus ses jambes, mais elle ne semble pas s'en soucier. Elle rit, et bordel, c'est un vrai rire.

Ils échangent encore quelques mots, puis elle finit par le suivre, un sourire presque complice sur les lèvres.

Je ne peux pas m'empêcher de les observer. Ça intrigue tout le monde, d'ailleurs. Les murmures commencent à s'élever, et je capte des regards curieux autour de moi.

Draco jette un coup d'œil dans ma direction, un signe rapide, presque imperceptible. Ness me suit du regard un instant, puis détourne les yeux.

C'est suffisant. Pas besoin de mots.

Je pose mon verre, me lève, et les rejoins sous les regards intrigués.

Ils avancent dans les couloirs, silencieux, avec cette confiance qui leur est propre. Moi, je reste un pas en arrière, les suivant à contrecœur. Ils savent où ils vont, mais je sens que je ne vais pas aimer la destination.

On arrive devant un mur. Il se transforme sous nos yeux, révélant une porte. Je devine déjà ce que c'est. Encore la salle sur demande.

À l'intérieur, rien à voir avec la dernière fois. Pas de bibliothèque ni d'ambiance studieuse. Juste un capharnaüm monstrueux, comme si le château entier avait décidé de tout entasser ici.

— Je me suis assez entraîné pour aujourd'hui, je marmonne.

— Personne n'a parlé d'entraînement, réplique Draco sans se retourner.

Ils avancent parmi les piles d'objets abandonnés, jusqu'à une armoire massive. Elle est ancienne, imposante, mais bizarrement hors du temps.

Draco sort une pomme de sa poche et la pose à l'intérieur. Il murmure quelque chose que je n'arrive pas à entendre. Il referme la porte, attend un instant, puis l'ouvre.

La pomme a disparu.

Il referme, murmure encore, et cette fois, quand il rouvre, la pomme est revenue. Croquée.

— C'est quoi ce truc ?

Ness reste en retrait, un sourire à peine visible sur le visage.

— Putain, Draco, t'as réussi, murmure-t-elle finalement.

Draco se tourne vers moi, un éclat de fierté dans les yeux.

— Ça, Jedusor, c'est une armoire à disparaître.

Je fronce les sourcils.

— Et ?

— Et maintenant, on est connectés aux Mangemorts. Ils pourront passer par ici.

Le poids de ses paroles s'abat sur moi comme une enclume. Draco semble satisfait. Ness aussi.

Mais moi, je sens la nausée monter.

— Cette armoire va nous éviter des problèmes, conclut Draco.

Je secoue la tête.

— Non. Je ne veux pas de ça.

Le silence est lourd. Je respire profondément, cherchant mes mots.

— Je ne veux pas devoir tuer Dumbledore.