Je n'arrive pas à dormir. Chaque respiration régulière de Pansy m'énerve. Ça m'étouffe. Alors, je quitte le dortoir. Pas envie de rester là à ruminer. Mes pas me guident instinctivement vers la tour d'astronomie. L'air frais me fera du bien.Mais à ma grande surprise, je ne suis pas seule. Matheo est là, assis contre la balustrade, une bouteille à la main. L'odeur de cigarette flotte autour de lui. Super, un cliché sur pattes.
— Je ne te savais pas alcoolique, je lance en m'approchant.
Il tourne la tête vers moi, ses yeux sombres, froids. Cette lueur que je voyais parfois, celle qui adoucissait ses traits, a disparu. Ça me manque.
— Peut-être que tu ne me connais pas, réplique-t-il, acerbe.
— C'est vrai. Alors dis-moi, qui es-tu, Matheo ?
— Je n'en sais rien.
— Qui tu étais avant de découvrir la magie ? Avant Poudlard ?
— Est-ce que ça a de l'importance ? Ce Matheo est mort.
Je m'assieds sur le rebord à côté de lui et lui arrache la bouteille. Une longue gorgée brûle ma gorge avant que je reprenne.
— Je vais être honnête avec toi.
— Pour changer.
Son ton est sec, mais je continue.
— Je pense que tu ne devrais pas abandonner qui tu étais. Quand tu as débarqué ici, tu posais plein de questions, tu voulais tout comprendre. C'est aussi contre ça que je voulais te mettre en garde. Tu as vécu seize ans en étant quelqu'un. La découverte de ce monde et de ton nom ne devrait pas changer qui tu es.
Il reste silencieux, les yeux fixés sur l'horizon. Je bois encore une gorgée et incline la tête, l'encourageant à parler.
— Je n'étais pas quelqu'un de bien, finit-il par avouer.
— Explique-moi. C'est pas comme si je pouvais juger.
Il hésite, mais finit par se lancer.
— J'étais en colère contre tout. Je me battais, je fumais, je buvais. Les filles, elles étaient juste là pour satisfaire un besoin. Je m'en foutais de leur briser le cœur.
Je le regarde, intriguée.
— Alors pourquoi tu n'es plus ce Matheo ?
— Les regards, Ness. Ceux qui connaissent mon nom de famille. Qui savent d'où il vient. Ils attendent tous un faux pas pour me ranger dans la case du fils de son père.
— Et alors ? Laisse-les te placer où ils veulent. Tu n'es pas ton père, et on ne peut pas dire que tu le connaisses, non ? Sois juste toi.
Il secoue la tête.
— Tu ne peux pas comprendre.
— Je m'appelle Lestrange, Matheo. Si quelqu'un peut comprendre, c'est moi. Ne renonce pas à toi. Si on te regarde de travers pour ça ou même qu'on t'insulte, dis-moi : qu'est-ce que l'ancien Matheo aurait fait ?
— Il les aurait défoncés.
Un sourire en coin apparaît sur mes lèvres.
— Je ne te dis pas de te battre, mais de te retrouver. Je pense que tu t'es perdu cette année.
Il souffle, pensif.
— Peut-être...
Je le fixe un instant avant de murmurer :
— Tu sais quoi, Matheo ? Je crois que j'aurais adoré te rencontrer dans d'autres circonstances.
Il relève les yeux vers moi, un sourire presque sincère se dessinant sur son visage.
— Et toi alors, Lestrange ? Dis-moi un truc sur toi. Je sais pas, c'est quoi ta couleur préférée ? Et me dis pas le noir.
— Le rouge. Pas un truc comme les Griffondors, un bordeaux.
— Tu n'en mets jamais.
— J'ai une réputation. Et puis, ça ne m'irait pas.
Je ris doucement. L'alcool adoucit les bords tranchants de nos paroles. On parle. De tout. De rien. Je découvre une facette de lui qu'il cache bien. Le vrai Matheo. Et il me plaît bien plus que celui que je vois errer dans les couloirs.
Je finis par bâiller, fatiguée.
— Tu devrais aller te coucher, princesse.
Je souris.
— Merci, Matheo. Je n'avais pas passer une insomnie comme ça depuis... jamais en réalité.
— Aucun prince charmant n'a jamais fait ça pour toi ?
— Il n'y en a eu qu'un. Et je ne le qualifierais pas de prince charmant, en tout cas pas le mien.
Son regard se fait curieux.
— Alors c'était quoi ?— Un ami. L'espoir d'avoir une vie normale.
— Et c'était comment ?
— Agréable. Il ne me voyait pas comme un monstre. Mais avec lui, je n'étais pas vraiment moi. Tout était secret, pour que personne ne s'en mêle. Avec lui j'étais celle que je pensais que j'aurais pu être si la vie avait était faite différemment. Si j'étais plus qu'une Lestrange. Plus qu'une mangemort. Il ne me connaissais pas vraiment.
Matheo fronce les sourcils.
— C'est pour ça que s'est fini ?
— Même pas. Il est mort avant qu'on ait eu une chance.
Le silence tombe. Il attend que je continue.
— Tu as dû en entendre parler. C'était lui le vrai champion de Poudlard, pas Harry. Cedric Diggory.
Il écarquille les yeux, surpris.
— Mais alors...
— Oui. Lors de ma première rencontre avec le Maître, il venait d'assassiner celui qui était ma bouffée d'air.
Il secoue la tête, incrédule.
— Comment fais-tu ?
— Faire quoi ?
— T'incliner. Lui obéir. Il t'a tout pris.
Je ris sans joie.
— Crois-moi, je le sais. Mais je ne veux pas mourir maintenant. Je veux savoir si tout ça vaut le coup. Voir qui gagne.
Il me regarde, l'air inquiet.
— Et après ?
— Quel après ?
Il hésite avant de lâcher :
— Je ne veux pas te perdre, Ness. Tu es ma seule amie ici.
Je le fixe, touchée.
— Je t'aime bien aussi, Jedusor. Plus que ce que je n'aurais pensé.
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L'oubliée
FanfictionDans chaque histoire il y a des oubliés. Nous savons tous ici la finalité : le bien gagne face aux forces du mal. Mais nous oublions une partie, un élément important de cette guerre. Elle. Ness Lestrange a une mission pour sa sixième année à Poudlar...