L'oubliée

67. Matheo

Comme chaque soir depuis une semaine, j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir doucement. C'est elle. Ness.

Elle n'est jamais là dans la journée. Elle disparaît. Mais chaque soir, elle revient. Je ne pose pas de questions. Je sais qu'elle a besoin de ça. De ce rituel. De nous.

Elle a été étrange, cette semaine. Plus silencieuse. Plus distante, mais en même temps... plus proche. Hier, elle m'a demandé un peu de mon sang. De quoi faire fuir n'importe qui, mais pas moi. Je ne sais pas pourquoi elle en avait besoin, mais j'ai senti que c'était important pour elle. Alors je l'ai laissé faire, sans discuter.

Je sens son corps se glisser contre le mien. Ses bras s'accrochent à moi, comme si elle craignait que je disparaisse.

— Alors, cette journée ?

C'est la première fois qu'elle me parle comme ça. Les autres soirs, elle restait silencieuse, blottie contre moi, sans un mot.

— J'ai appris à m'occuper d'un niffleur. C'était plutôt sympa, dis-je en souriant.

— C'est mignon, ces trucs.

— Ness Lestrange trouve un niffleur mignon ? Je plaisante.

— Je te trouve bien mignon toi, et il n'y a pas tant de différence.

Je ris. Elle sourit. Et pour la première fois depuis longtemps, je la vois rire vraiment. Mais dans ses yeux, derrière cette lueur amusée, il y a autre chose. Une ombre. Une tristesse qu'elle ne dit pas. Alors, pour chasser ça, je l'embrasse. Sur le front, sur les paupières, sur les joues. Je veux effacer chaque ombre, ne lui laisser que de la lumière.

— J'aimerais ça, que tu sois heureuse.

Son sourire s'efface légèrement.

— Je suis heureuse, Matheo. Avec toi.

— Jamais entièrement. J'aimerais... j'aimerais ne rien voir d'autre que toi heureuse.

Elle reste silencieuse un moment, puis finit par murmurer :

— Il n'y a que toi qui me rend heureuse. J'aimerais que tu le comprennes. Tu m'as fait sourire quand je pensais que c'était impossible. Tu me fais voir le bon autour. Je ne te remercierai jamais assez pour ça, Matheo.

Ces mots ne lui ressemblent pas. Ness n'est pas du genre à parler comme ça. Mais je sais qu'elle est sincère.

— Je ne te lâcherai jamais, Ness. Je resterai avec toi jusqu'à la fin de notre vie.

Elle rit, mais ce n'est pas un rire joyeux. C'est un rire étrange, presque douloureux. Un rire qu'elle seule comprend.

— Je t'aimerai jusqu'à la fin de la mienne, répond-elle doucement.

— Je dois appeler un prêtre, ou je ne sais pas quel équivalent sorcier, pour l'échange d'alliances ? je plaisante, tentant de détendre l'atmosphère.

Elle rit avec moi, mais je vois ses yeux briller. Comme si elle retenait des larmes.

En vérité, je suis sérieux. Je veux tout avec elle. La voir vieillir, porter nos enfants. Se disputer pour des détails idiots, comme la couleur de la cuisine ou l'école des petits. Je veux une vie entière avec elle. Ness est mon avenir.

— Je ne sais pas comment tu as pu devenir à ce point importante pour moi, je souffle, le cœur serré.

Elle baisse les yeux, un sourire triste sur les lèvres.

— Tu veux que je te dise ? J'en ai voulu à Dumbledore, de t'avoir ramené ici.

— Tu ne voulais pas de moi ?

Elle secoue la tête, légèrement.

— Ce n'est pas ça. Je lui en voulais de t'utiliser comme appât. Évidemment que les Mangemorts allaient te trouver. Et puis, tu te plaignais de ne pas connaître ta famille, alors que moi... j'aurais tout donné pour ne pas connaître la mienne.

Elle fait une pause, son regard se perdant dans le vide.

— Mais je ne peux pas imaginer cette année sans toi. Malgré tout, malgré les problèmes, les Mangemorts, tout ça... je ne regrette rien.

Je caresse doucement ses cheveux, sentant son souffle contre ma peau.

— Tu me quitterais, toi ? Pour ne pas devenir un monstre de Mangemorts ? C'est ce que tu voulais pendant les vacances.

Je vois une ombre dans ses yeux. Elle craint que je fasse ça. Elle croit que je la laisserai, pour m'échapper de tout ce bordel. Je sais que je devrais. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas la quitter. Et même si j'essayais, je sais que mon putain de géniteur ne me laissera jamais faire.

— Ma raison me dirait de le faire, je murmure. Mais je ne pourrais pas. Pas sans toi. Je veux qu'on se libère ensemble. Je ne t'abandonnerai pas, Ness.

Elle me regarde, un léger sourire triste effleurant ses lèvres.

— Tu ne me trahiras pas. On sera libres ensemble. Tous les deux. À notre manière.

C'est comme si elle savait déjà, comme si elle était prête à accepter ce que je ne comprenais pas encore.

— Tu me caches quelque chose.

Elle pose un doigt sur mes lèvres pour me faire taire, puis m'embrasse.

— On aura notre liberté, Matheo. Fais-moi confiance.

Je veux la croire, mais une partie de moi sent que quelque chose ne va pas.

— On pourrait s'appeler Smith, je plaisante. Jedusor ou Lestrange, ça attire trop l'attention, mais Smith ? Personne ne nous embêterait.

Elle sourit, mais ses yeux sont à nouveau embués.

— Matheo Smith... j'aime beaucoup.

Elle se blottit contre moi, cachant son visage dans mon cou. Je l'enlace, fort. Et sans savoir pourquoi, je sens que ce moment est important.

Je veux graver cet instant dans ma mémoire. Ne jamais l'oublier. Mais au fond de moi, quelque chose murmure que, bientôt, tout cela ne sera plus qu'un souvenir.