L'oubliée

56. Matheo

Je me réveille seul. Putain, Ness, t'es où ?
Je me lève en sursaut, un nœud d'inquiétude au creux de l'estomac. Sur la table de chevet, un bout de parchemin plié attire mon attention. Je le lis en vitesse. Comment ça, elle est partie s'entraîner sans savoir quand elle rentre ?

Furieux, je pars à la recherche de Draco, le parchemin toujours en main. Je toque à la porte où je l'ai vu aller hier.

— Tu veux quoi, Jedusor ?

Je ne réponds pas et lui tends le mot laissé par Ness. Je le vois blanchir, puis lâcher une série de jurons plus colorés les uns que les autres.

— Elle est où, Draco ?

— Ne l'attends pas. On sera tous chanceux si elle réapparaît avant la fin des vacances. Elle doit être avec sa mère.

— Tu veux dire que cette folle va la torturer ?

Il m'agrippe par le col et me tire à l'intérieur de sa chambre avant de claquer la porte.

— Par la barbe de Merlin, tu retiens jamais rien, pas vrai ? Pas d'émotions. Pas d'explosions. Et les putains de murs ont des putains d'oreilles.

— Donc c'est comme ça, tu ne fais rien ?

— J'y suis allé une fois, Matheo. Une seule fois. Ils l'ont punie, elle, pour que je ne recommence pas.

Il inspire profondément, l'air agacé, et rouvre la porte.

— Va enfiler une tenue convenable. Nous déjeunons avec mes parents.

Et il me met dehors.

Je reste planté là, sidéré. Donc je suis là, mais je ne peux rien faire ? Impossible. J'essaie de me persuader que ce n'est peut-être réellement qu'un entraînement, mais mes tripes me disent le contraire. Je retourne dans ma chambre et m'habille rapidement. Si je veux avoir une chance de savoir où elle est, il faut que j'agisse avec discrétion.

Je descends et me retrouve dans le grand hall. Ne sachant pas où aller, je me mets à entrer dans des pièces au hasard. Dans l'une d'elles, je tombe sur Lucius Malfoy, assis derrière un grand bureau.

— Excusez-moi, Monsieur.

Il se redresse immédiatement, visiblement mal à l'aise.

— Non, aucun souci. Puis-je vous aider ?

— Savez-vous où se trouve Ness ?

Une ombre passe sur son visage, et je comprends qu'il ne répondra pas.

— Avec sa mère. Vous ne devriez pas l'attendre. Nous allons bientôt passer à table. Je vais vous y accompagner.

Et me voilà à le suivre. La table est mise pour cinq personnes. Qui est la cinquième ? Je pensais qu'il n'y avait que Draco, ses parents et moi. J'espère que c'est Ness.

Draco arrive et, en me voyant avec son père, me fait signe de bien me tenir. Pas d'erreur. Narcissa finit par nous rejoindre, et nous nous installons. On semble attendre une dernière personne.

Pour combler le silence, Narcissa engage une conversation banale avec Draco à propos de l'école. Ça peut paraître insignifiant, mais on voit qu'elle s'intéresse à lui, qu'elle l'aime. Est-ce que ma mère m'aurait aimé ?

— Madame Malfoy ?

Grand silence. Elle tourne son regard vers moi, sans une once de peur dans les yeux.

— Connaissiez-vous ma mère ?

Si je pensais que le silence était pesant avant, c'est que je ne savais rien. Je n'ai pas pu m'empêcher de poser cette question. Bellatrix semblait tout savoir d'après Ness. Narcissa est sa sœur. Peut-être...

— Le Seigneur des Ténèbres a ses secrets.

— Je vais reformuler. Connaissiez-vous Elizabeth Nott ?

Je vois la surprise sur le visage de Draco et de son père. Pas sur celui de Narcissa. Elle en sait beaucoup, je le sens. Elle me rappelle Ness. "Le véritable pouvoir, Matheo, c'est le savoir." Une leçon que je compte bien retenir.

— Nous n'étions pas de la même promotion. Je ne connais pas personnellement Elizabeth Nott. Je crois avoir vu son nom près de la salle des potions. Elle avait gagné un prix je crois. Mais je ne la connais pas plus que ça.

— Comment est-ce possible ?

Pas le temps de poursuivre : la porte s'ouvre. Je lève la tête avec espoir, mais je suis évidemment déçu. Ce n'est pas la bonne Lestrange qui entre. Bellatrix s'assoit près de sa sœur, et le repas apparaît comme par magie. Ou plutôt grâce à la magie.

— Ness n'est pas avec vous ?

Draco me fusille du regard, mais je m'en fiche. C'est tout ce qui m'importe. Où est-elle ?

— Elle est occupée, répond Bellatrix, un sourire glacial aux lèvres. Elle deviendra la femme parfaite pour vous. Parfaite pour le Seigneur des Ténèbres.

— Elle me convient ainsi.

Draco en lâche sa fourchette.

— Malheureusement, elle ne convient pas ainsi au Maître.

Je serre les poings si fort que mes ongles mordent ma peau.

— Où est-elle ? Je souhaite la voir.

— Impossible. Elle ne doit pas être distraite.

Je me lève brusquement.

— Où est-elle ?

Bellatrix éclate de rire, un son aigu et dément. Narcissa me regarde, navrée. Lucius, lui, semble transi de peur. Quel lâche.

— Je vais vous la montrer, dit Bellatrix, un sourire cruel étirant ses lèvres. Finissons d'abord de manger.