L'oubliée

17. Ness

Le plus gros souci de Dumbledore, c'est qu'il veut sauver tout le monde. Surtout Potter. Si Potter est en danger, il n'hésitera pas à se sacrifier pour lui. C'est sa faiblesse. C'est ça, le plan.

Je remonte à la tour d'astronomie. Prendre de la hauteur m'aide à réfléchir. Ici, à cette heure, personne ne viendra m'emmerder. Le silence s'étend comme une couverture pesante, mais rassurante. Juste moi, le vent froid et la vue qui écrase tout.

Je me penche contre la rambarde et regarde la cour du château en contrebas. De cette hauteur, tout semble plus petit, presque insignifiant. Les problèmes disparaissent, les gens aussi. Ils deviennent des points, des poussières. Comme j'aimerais redevenir poussière moi aussi, me dissoudre, être emportée par le vent.

Cette vie m'a tout pris. Tout. Et pourtant, elle continue de m'enlever. Cedric. Ça a été l'étincelle qui a tout consumé. Je ne pensais pas pouvoir sombrer plus bas, mais je me suis trompée. Ce n'est pas l'amour qui m'a brisée, c'est l'espoir. L'espoir que, peut-être, les choses pourraient être différentes. Il m'a été arraché. Encore une chose que le Seigneur des Ténèbres m'a prise. Et il m'a laissée vivante, à ramasser les morceaux.

Draco m'en veut. Je le vois. Ça le tue que je le tienne à l'écart. Mais je fais ça pour lui. Pour le protéger. Il ne le comprend pas. Et à vrai dire, je ne veux pas qu'il comprenne. Il n'a pas à porter ça. C'est mon fardeau. Je le supporte depuis des années, je peux continuer. C'est mon rôle. Le sien, c'est de rester en vie.

Et maintenant, il y a Mathéo. Encore un problème dans une équation déjà impossible. Je ne sais pas ce qu'il a fait pour être mêlé à tout ça, mais je ne voulais pas de lui ici. Il n'appartient pas à ce monde. Il aurait dû fuir, loin, avant que tout ne l'engloutisse. Mais le Maître en a décidé autrement. Et moi, je n'ai plus de choix.

Je ne veux pas le connaître. C'est une très mauvaise idée. Plus je m'attache à quelqu'un, plus j'ai à perdre. Et je n'ai plus rien à offrir. La dernière fois que j'ai baissé ma garde, c'est avec Cedric. On me l'a fait payer. Je n'ai pas oublié. Et je ne pardonnerai jamais.

La voix de Dumbledore me tire brusquement de mes pensées.

— Belle nuit, n'est-ce pas ?

Je me retourne, surprise de le voir ici.

— Professeur. Je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un.

Il me regarde avec ce regard qui m'énerve au plus haut point. Celui qui dit « je sais tout, mais je te pardonne ». Comme si son pardon m'intéressait. Comme si j'en avais besoin.

— Miss Lestrange, n'est-il pas trop tard pour être ici ?

— Peut-être trop tôt ?

Il hoche la tête, légèrement amusé.

— Peut-être oui. Je vous comprends. J'ai toujours aimé cette tour. Y contempler les étoiles. Mais toujours faire attention à ne pas tomber en bas.

— Ce n'est pas mon but, professeur.

— J'espère bien. L'école, et surtout la maison Serpentard, est fière d'avoir parmi nous une élève aussi brillante.

— Je vous remercie.

Il me sourit, ce sourire bienveillant qui me donne envie de hurler.

— Je vous laisse, Miss Lestrange. Mais n'oubliez pas : à Poudlard, une aide sera toujours apportée à ceux qui en ont besoin.

— Mais je n'en ai pas besoin.

— Peut-être bien.

Et il s'en va, après un petit signe de la main.

Je le regarde s'éloigner, les poings serrés. Il sait. Peut-être pas tout, mais il sait. Il devine que je penche du côté de la magie noire. Mais il ne sait pas à quel point je suis embourbée dedans. Il ne sait pas que c'est de ma main qu'il mourra.