61. Matheo

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Cela fait déjà vingt minutes que nous attendons le retour de Ness, partie dans ce couloir sombre avec lui. Qu'est-ce qu'il peut bien encore lui vouloir ? Je n'aime pas ça. Chaque seconde qui passe amplifie mon malaise, comme un poison qui se répand lentement.

Pourquoi est-ce que rien ne peut jamais bien se passer ? Cette journée avait tout pour être parfaite, et maintenant, tout semble s'effondrer. Comment ? Pourquoi ?

Le claquement des talons sur le marbre brise enfin le silence pesant. C'est elle. Mais quelque chose ne va pas. Ness semble plus pâle que d'habitude, presque translucide, et son expression... elle est figée. Froidement neutre. Elle ne me regarde même pas. Ses yeux fixent Draco, comme si je n'existais pas, mais elle ne prononce pas un mot. Pas un seul. Sans un bruit, nous nous mettons en route vers la gare.

Tu as perdu ta langue, princesse ?

Nous sommes à présent tous les trois dans un wagon désert. Aucun de nous n'a parlé depuis que nous avons quitté ce fichu manoir. La tension dans l'air est insupportable, comme une corde prête à se rompre. Ça me rend dingue. Je veux hurler, fracasser quelque chose, n'importe quoi pour briser ce silence étouffant.

Je vais enfiler mon uniforme, annonce-t-elle d'une voix plate.

Et juste comme ça, elle disparaît dans l'un des compartiments.

Je lance un regard à Draco, espérant qu'il ait une réponse, une explication, quelque chose. Mais il semble aussi perdu que moi.

Il y a un problème, dis-je, même si c'est évident.

Sans blague, répond-il sèchement. J'avais pas remarqué.

— Tu la connais depuis bien plus longtemps que moi. Il se passe quoi ?

Il hausse les épaules, comme si ça n'avait aucune importance.

Elle est douée pour dissimuler, murmure-t-il. On ne saura que ce qu'elle est prête à nous dire. Et visiblement, elle n'est prête à rien nous dire.

Je jure entre mes dents. Une demi-heure passe, puis une autre. Toujours pas de Ness. Je sens mon sang bouillir. Finalement, je me lève, décidé à la chercher jusqu'au dernier boulon de ce foutu train.

Tu devrais savoir qu'il ne faut pas la brusquer, lâche Draco derrière moi.

Je me retourne, la rage au bord des lèvres.

À force de trop respecter ses demandes absurdes, comme la laisser seule, tu lui fais croire qu'elle ne mérite pas qu'on se batte pour elle !

Et je quitte le compartiment avant qu'il ne puisse répondre.

Bien sûr, je ne la trouve nulle part. Comme si elle avait disparu dans les airs. Je redescends du train, bredouille, et retrouve Draco, qui m'attend avec ce foutu sourire en coin. Ça m'énerve encore plus.

Nous montons dans une calèche qui s'apprête à démarrer, quand Ness finit par apparaître. Elle s'installe à côté de moi sans un mot, toujours avec ce même regard fermé. Je veux hurler, lui secouer les épaules, lui faire comprendre qu'elle ne peut pas me traiter comme ça. Mais non, ça ne servirait à rien.

Elle ne s'arrête même pas dans la Grande Salle. Elle continue sa route, comme si rien n'existait. Je lance un regard désespéré à Draco.

Débrouille-toi, je lâche avant de la suivre.

Elle finit par s'arrêter au sommet de la tour d'astronomie. Notre tour d'astronomie.

— Tu me suis maintenant ? demande-t-elle sans se retourner.

Seulement depuis que tu m'évites. Qu'est-ce qu'il se passe, Ness ?

— Rien du tout, Matheo.

Sa voix est glaciale, tranchante comme une lame. Ça me frappe, comme si toutes les fois où j'ai négligé des femmes dans le passé me revenaient en pleine face.

Il t'a dit quoi ?

Elle inspire profondément. Bingo. Il lui a dit quelque chose.

Draco va être celui qui achève Dumbledore, finit-elle par avouer. Je ne lui ai pas encore dit.

Mon estomac se noue.

Pourquoi lui ?

Elle semble chercher ses mots, comme si elle avait peur de dire la vérité.

Il doit prouver sa valeur.

— Et moi ?

Cette fois, elle tourne la tête vers moi. Son regard est indéchiffrable, un mélange de tristesse, de colère et de quelque chose d'autre que je ne parviens pas à comprendre.

Il ne te fait pas suffisamment confiance pour cette mission.

— Pourquoi ? J'ai utilisé l'occlumancie, il n'a pas pu lire en moi.

— Même un aveugle aurait vu tes réactions, Matheo. Sois heureux de ne devoir tuer personne.

Elle se détourne, prête à me laisser là. Mais je ne bouge pas. Il y a autre chose. Je le sens. Ce n'est pas seulement de l'inquiétude pour son cousin.

Ness... je murmure.

Elle ne répond pas. Et cette distance qu'elle impose entre nous, après ce que nous nous sommes avoué, me rend fou. Je l'aime. Elle me l'a dit aussi. Alors pourquoi est-ce que j'ai l'impression de la perdre ?

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant