63. Matheo

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Au petit-déjeuner, pas de trace de Ness. Pas même une mèche de ses cheveux noirs en bataille. Je passe mon temps à jeter des coups d'œil autour de moi, mais rien. C'est comme si elle avait disparu.

Puis, je croise le regard de Dumbledore. Ses yeux bleus me scrutent, pleins de cette foutue sagesse ou de je-ne-sais-quoi. Ça me met mal à l'aise. J'ai l'impression qu'il sait. Qu'il sait tout. Heureusement que ce n'est pas Draco qu'il fixe ainsi. Lui serait déjà plié en deux sous le poids de la culpabilité.

Je serre les dents et quitte la Grande Salle, une boule dans la gorge.

Premier cours : Histoire de la magie. Toujours aucune trace de Ness. Ça n'a pas de sens. Elle adore ce cours. Elle connaît presque les dates mieux que le vieux fantôme Binns. Elle m'évite. Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai fait ?

Merde, on a même fait l'amour ! Ce n'était pas qu'un truc physique, pas pour moi. Je lui ai dit des trucs que je n'ai jamais confiés à personne. Pas une seule fille. Et il faut que ce soit avec elle, celle qui me fuit comme si j'avais la Dragoncelle.

Mon poing frappe le bois de la porte en passant, mais ça ne change rien.

Je la croise enfin dans les couloirs, près de la salle de Défense contre les forces du Mal. Elle marche tête baissée, son visage pâle et fatigué. Mais quelque chose chez elle semble différent, moins dur qu'hier.

Alors, princesse, on sèche les cours dès la rentrée ?

Je m'efforce de sourire, mais à l'intérieur, c'est un chaos total. Elle me regarde, et je vois dans ses yeux qu'elle est ailleurs. Pas froide comme hier, mais absente.

Je règle certains détails, murmure-t-elle.

Des détails. La mission. Toujours cette foutue mission. Tout tourne autour de ça.

Je peux t'y aider ?

Elle hésite, je le vois. Une partie d'elle veut hurler "non". Mais quelque chose la retient, et elle finit par soupirer.

— Peux-tu parler à Draco, à l'abri des oreilles ? Il ne sait pas. Et je ne peux pas aller le voir maintenant.

Je hoche la tête, même si ça me ronge de devoir être son messager.

Je m'en occupe.

— Merci.

Sa main presse doucement mon bras, et c'est comme si une décharge traversait tout mon corps. Je deviens un ado ridicule, incapable de réfléchir correctement. Mais je n'en ai rien à foutre. Ce simple contact fait exploser un milliard de trucs en moi. Je ne peux pas la laisser partir sur ça.

Alors je l'enlace.

Je la serre contre moi, respirant son odeur, gravant ce moment dans ma mémoire comme un désespéré.

Mon cœur, il faut que tu arrêtes de m'éviter. Tu vas me rendre dingue.

Elle ne répond rien, et j'ai peur qu'elle se détache. Mais au lieu de ça, elle me rend mon étreinte.

Je suis désolée, murmure-t-elle. J'ai beaucoup de choses à gérer. Dans une semaine, tout ira mieux, et tu y verras plus clair.

Ses mots me hantent. Une semaine ? Pourquoi une semaine ? Pourquoi attendre que ce soit le chaos ?

Elle s'écarte doucement, m'embrasse à la commissure des lèvres, et disparaît dans la salle du professeur Rogue, me laissant avec un gouffre béant dans la poitrine.

Plus tard, je croise Draco dans la Salle commune. Je lui fais signe de me suivre dans ma chambre. Une fois la porte fermée, je lance les sortilèges de protection sonore qu'ils m'ont appris. Mon cœur bat à tout rompre.

Tu veux quoi, Jedusor ? T'as parlé à ma cousine ?

Je prends une inspiration. Comment lui dire ça sans qu'il ne pète un câble ?

Oui. Elle m'a avoué ce qui la préoccupait.

— Et ?

— C'est toi.

Il fronce les sourcils, son teint déjà pâle devenant livide.

Comment ça, moi ?

Je ferme les yeux une seconde avant de lâcher la vérité.

Le Seigneur des Ténèbres... il veut que tu prouves ta valeur.

Il recule d'un pas, sa respiration s'accélère.

C'est-à-dire ?

— C'est toi qui tueras Dumbledore.

Le choc est visible. Il devient blanc comme un linge. Ses lèvres bougent sans qu'aucun son ne sorte, et puis il explose.

Il jure, frappe le mur avec une rage désespérée, encore et encore, jusqu'à ce que ses poings soient couverts de sang.

Draco, arrête !

Je m'avance pour le maîtriser, mais il me repousse violemment. Ses yeux sont remplis de terreur.

Et vous, alors ? hurle-t-il.

Comment ça, nous ?

— Si je suis celui qui ouvre aux Mangemorts et tue Dumbledore, vous servez à quoi, vous ?

Excellente question.

Moi, il semblerait qu'il n'ait pas assez confiance en moi pour ça. Et Ness... je ne sais pas.

Son visage blêmit encore plus, si c'est possible.

Ness a forcément quelque chose à faire. C'est impossible autrement. Il ne la mettra jamais à l'écart.

Ses mots résonnent en moi. Il a raison. Et c'est ce qui me terrifie. Je n'arrive pas à comprendre. Qu'est-ce qu'on est censés faire, nous ? Regarder ? Assister au spectacle ?

Un mauvais pressentiment s'installe en moi, comme un poison.

Et pour la première fois, je ressens cette peur brute, celle qui vous paralyse. On est dans la même merde. Ness, Draco et moi. Et on n'a aucune idée de ce qui nous attend.

L'oubliéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant