𝐑𝐎𝐒𝐄 𝐄𝐍 𝐅𝐄𝐔 (TOME 1 & 2 )

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄: 86

"Il n'y a pas pire douleur que celle qui vient de ceux en qui l'on avait placé toute sa lumière."

Mes paupières s'entrouvrent lentement.

Il fait chaud... doux... réconfortant.

Et cette odeur... elle m'apaise. Quelque chose entre son parfum et celui des draps fraîchement lavés.

Je mets quelques secondes à comprendre où je suis. Ou plutôt, avec qui je suis.

Son torse sous ma joue, ses bras solidement enroulés autour de ma taille. Sa respiration lente, régulière. Lorenzo. Endormi. Profondément.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Je n'ai pas le courage de bouger. Ni même l'envie. Son étreinte est ferme, presque possessive. Comme s'il avait peur... peur que je m'échappe. Que je disparaisse. Que je le laisse.

-Lo... Lorenzo...

Je murmure son nom dans un souffle, à peine audible. Il ne réagit pas. Il dort comme un roc. Épuisé, sûrement. Il est toujours dehors, à gérer je ne sais quoi, à porter des poids que personne ne voit.

Je l'observe. Sa mâchoire dessinée, ses cils longs, ses traits si calmes... trop calmes pour un homme aussi tourmenté. Et malgré tout ce que je lui reproche, tout ce que je n'arrive pas à lui dire... je ne veux pas le perdre. Pas lui aussi.

Je veux qu'il reste. Là. Près de moi. Toujours.

Je lui en veux... oui. Mais au fond, c'est surtout à moi-même que j'en veux. Parce que pendant que mon frère luttait pour sa vie, j'étais ici... dans les bras d'un homme.

Ce paradoxe me ronge.

Je ferme les yeux un instant, le front contre sa peau chaude.

-Ne me quitte pas... jamais. Reste à mes côtés. Même si un jour je suis assez stupide pour te dire de partir... reste. J'ai besoin de toi, Lorenzo Hafiz...

Mes mots s'échappent dans un soupir brisé.

Et au lieu de m'éloigner, je me blottis encore plus contre lui, cherchant dans son corps une ancre. Une certitude.

Je retombe dans le sommeil, bercée par sa présence.

Dans un murmure, presque un vœu :

-Je veux être la seule que tu aimes, Lorenzo...

Et quelque part, juste au bord de mes rêves, une voix grave et tendre murmure, presque inaudible :

-Tu l'es déjà , trésor .

Une main caresse mes cheveux .Mais je dors. Et ces mots, que j'aurais tant voulu entendre, se fondent dans mon inconscient, comme un rêve. Doux. Troublant. Inoubliable.

Ça me brûle.

Les rayons du soleil s'infiltrent à travers les rideaux et m'agressent les paupières à peine entrouvertes. J'ai mal à la tête, au cœur, à l'âme.

Et surtout... il n'est plus là.

Lorenzo.

Le réel revient toujours plus vite qu'on ne le voudrait, avec sa brutalité sans filtre.

Son absence laisse un vide glacial à mes côtés.

Pourtant, son odeur flotte encore sur les draps musquée, rassurante.

Comme une idiote, je m'y attarde une dernière fois, inspirant profondément.

J'aurais voulu qu'il reste. Juste un peu plus.