𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 : 89

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"Après un mensonge , n'importe quelle vérité devient douteuse ."










Il soupire longuement, comme si remuer ce passé lui coûtait.

-On était gamins... commence-t-il, le regard perdu dans le vide.

-Armando et Damon se battaient souvent, tout le temps pour des conneries. Moi, je n'avais pas le droit de traîner avec eux.

Je fronce légèrement les sourcils, sans vraiment comprendre.

Il voit mon incompréhension et laisse échapper un second soupir, plus las.

-Mon père me l'interdisait. Selon lui, j'étais trop bien pour eux. Il voulait que je reste à ma place.
Mais malgré ça, je les ai toujours considérés comme mes frères. On vivait tous dans une sorte d'immense résidence. Moi, dans la maison principale. Eux, dans les appartements de service, à l'arrière.

Il marque une pause, un sourire lointain se dessinant au coin de ses lèvres.

-J'avais formellement interdiction d'aller dans leur partie.Mais juste derrière, y'avait un vieux jardin. C'était un endroit à l'abandon, envahi par les feuilles mortes . Et comme je sortais rarement, j'y allais parfois en cachette. Pour respirer.

-Lorenzo... le rebelle ? lancé-je, moqueuse, en arquant un sourcil.

Il tourne lentement la tête vers moi, l'air menaçant.

-Continue comme ça et je m'arrête, c'est clair, trésor ?

Je lève les mains, faussement innocente, un petit sourire en coin.

-D'accord, d'accord... je t'écoute.

Il reprend, sa voix plus basse, plus sombre.

-Il y avait Akira, toujours un peu à l'écart. Damon et Armando, eux, jouaient au ballon, comme d'habitude.

Je comptais retourner discrètement chez moi, mais ce jour-là, un homme est arrivé. Grand, massif, les yeux verts, presque phosphorescents.

Je l'avais déjà vu. Il traînait parfois dans le quartier. Il m'inspirait rien de bon.

-Et comme un abruti, j'ai décidé de m'interposer. J'lui ai dit de s'éloigner de mes frères.

-Lorenzo le héros, wow. J'ai toujours su que tu avais une âme charitable.

Il me fusille du regard. Je lève les yeux au ciel et me tais.

-En réalité , cet homme venait souvent. Il jouait avec eux. Leur ramenait des ballons, des biscuits. Ils l'aimaient bien. Trop, même. Ces idiots n'ont jamais compris qu'on n'accepte pas à manger d'un inconnu.

Il passe une main dans ses cheveux , visiblement troublé par le souvenir.

-Ils ne voulaient pas que je traîne là. Ils m'ont menacé de tout dire à mon père.Mais je continuais. Je venais en cachette, je me cachais derrière les buissons, et je les regardais jouer. J'avais besoin de ça. De les voir rire , de voir des gamins de mon âge .

Son regard se perd à nouveau, plus lointain encore.

-Et un jour, il est venu vers moi. Cet homme. Il m'a trouvé caché.Il m'a demandé pourquoi je ne venais pas jouer avec eux. J'ai pas répondu. J'le regardais à peine, mais j'écoutais. Il parlait beaucoup, il racontait sa vie, ses regrets, ses rêves... je faisais semblant de rien, mais tout ce qu'il disait, je le gardais en moi. Chaque mot..

Un silence.

-Et puis, un jour, il est arrivé blessé.

Trempé par la pluie, la chemise déchirée, du sang sur le flanc.

𝐑𝐎𝐒𝐄 𝐄𝐍 𝐅𝐄𝐔 (TOME 1 & 2 ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant