Un long voyage en autobus

74 3 0
                                    

Stéphanie avait tout juste trouvé la paix lorsqu'elle a senti une main sur son épaule. Elle s'est retournée et à été surprise de le voir debout dans l'allée. Marc-Olivier Champagne était devant elle en chair et en os. Elle a retiré ses écouteurs lorsqu'elle a constaté qu'il s'adressait à elle.

-Je peux m'asseoir avec toi?

Stéphanie a observé l'autobus et elle a constaté qu'il était presque plein. Elle ne s'en était pas rendue compte. Elle n'a pas répondu, mais elle a enlevé le sac qu'elle avait mis sur le banc à côté d'elle. Marc-Olivier l'a remercié et il s'est assis. Elle se posait des questions. Que faisait-il à Montréal? Ne devait-il pas déjà être à Rouyn-Noranda? Voyant que Stéphanie ne parlait toujours pas, Marc-Olivier a pris les devants.

- Mon grand-père a été très malade au jour de l'An et il y est presque resté. C'est pour ça que je suis dans le coin.
- Je suis désolée.
- C'est correct, il va mieux. J'ai vu que tu te demandais pourquoi je n'étais pas avec l'équipe.

Stéphanie lui a souri tristement. Elle ne s'était pas admirée dans un miroir de la journée, mais elle aurait constaté que ses traits étaient tirés et qu'elle avait des poches sous les yeux. Tout indiquait son manque de sommeil et beaucoup de soucis.

- Tu n'as pas l'air en forme, a osé Marc-Olivier.
- Si on veut.
- Tu as trop fêté avec tes amis?
- Ouais, c'est ça, a répondu sèchement Stéphanie.
- Tu reviens d'où?
- Sherbrooke.
- Tu es allé voir ton chum?

Stéphanie a froncé les sourcils. Comment se faisait-il que Marc-Olivier savait que Nicolas habitait à Sherbrooke? Elle était sur le point de lui poser la question lorsqu'il a répondu: "Je l'ai vu sur Facebook." Qu'avait-il vu sur Facebook? Avait-il l'habitude d'analyser son compte? Tout cela était étrange.

- Ça ne s'est pas bien terminé?

Comment pouvait-il lui dire cela? Est-ce que c'était écrit dans son visage qu'elle n'allait pas bien ou qu'elle avait été trompée? Elle ne voulait pas lui dire, pas à lui.

- Pas du tout, a tenté de mentir Stéphanie.
- OK, mais tu ressembles à quelqu'un qui n'a pas dormi depuis deux jours.
- On a fait la fête avec des amis, c'est tout.
- Si tu le dis.

L'autobus a quitté la gare de Montréal et Stéphanie angoissait un peu au fait d'être obligé de passer les neuf prochaines heures à côté de Marc-Olivier. Il était si curieux qu'il était évident qu'il lui poserait à nouveau des questions sur son état. Elle maudissait le ciel de l'avoir placé dans le même autobus.

- Je ne risque de ne pas être de bonne compagnie, a soudainement dit Stéphanie.
- Pourquoi?
- Je suis tellement fatiguée que je risque de dormir une bonne partie du voyage.
- Tu peux t'appuyer sur moi si tu veux, a répliqué Marc-Olivier en souriant.
- Ça va aller, merci quand même.

Le cellulaire de Stéphanie s'est mis à vibrer pour indiquer qu'elle avait reçu un message texte. Elle a regardé de qui il provenait. Lorsqu'elle a constaté qu'il venait de Nicolas, elle n'a pas pris la peine d'y répondre. Elle a placé son téléphone sur elle lorsqu'il a vibré de nouveau. Nicolas se faisait insistant et exigeait une réponse. Elle l'a ignoré une fois de plus. Marc-Olivier a observé le tout sans poser de questions. Las de ne pas obtenir de réponses, Nicolas a téléphoné à Stéphanie. Elle ne voulait pas lui parler et elle a laissé son appareil sonner. Elle a eu la paix pendant une dizaine de minutes. Nicolas a appelé de nouveau par la suite. Cette fois, Marc-Olivier lui a demandé si elle allait répondre.

- J'imagine qu'il s'ennuie de toi.

Stéphanie a haussé les épaules et a pris l'appel.

- Steph, t'es où, à dit Nicolas en hurlant. J'ai appelé tout le monde à Sherby et ils ne t'ont pas vu.
- Je suis dans l'autobus.
- Tu es déjà partie? On n'a même pas eu le temps de se parler.
- Il n'y a rien à dire.
- Steph, je ne voulais pas que ça se finisse comme ça.
- Il est trop tard Nicolas. Je ne peux pas te parler, je suis dans l'autobus et ce n'est pas le moment.
- Tu sais que je tiens à toi et que je n'ai pas voulu te faire de mal.
- Je te répète que ce n'est pas le moment. Je raccroche et je vais te faire signe quand je vais être prête.
- Attends Steph...

Elle a raccroché et n'a pas attendu la fin de la phrase de Nicolas. Marc-Olivier a fait comme s'il n'avait pas entendu la conversation. Nicolas a envoyé un autre message. Stéphanie lui a répondu: "Fiche-moi la paix." Cela lui avait pris toutes ses forces. Elle a tourné sa tête vers la fenêtre et a tenté de dissimuler la larme qui roulait le long de sa joue. Marc-Olivier lui a pris la main. Stéphanie a sursauté et lui a demandé à voix basse ce qu'il faisait.

- Je voulais te consoler, c'est tout.

Stéphanie a retiré sa main rapidement et a murmuré.

- On est dans un lieu public. Tout le monde peut nous voir et je te signale que je suis ta prof.
- Tu étais ma prof, a-t-il précisé. C'est correct, je ne te tiendrai pas la main, j'ai compris.

Et il a fait la moue. Quelle réaction de gamin s'est dit Stéphanie. En pensant à cela, un frisson lui a parcouru son corps en entier. Elle avait soudainement très froid. Elle a demandé à Marc-Olivier s'il pouvait lui donner son manteau qui était dans le compartiment. Marc-Olivier lui a tendu son propre manteau. Elle l'a remercié. Elle a ressenti aussitôt la chaleur. De plus, le manteau était imprégné de son parfum. L'odeur a enivré Stéphanie et les paupières de celle-ci étaient de plus en plus lourdes, elle s'est endormie rapidement. Marc-Olivier avait sorti sa tablette électronique et il a texté son ami Vince.

- Tu ne devinera jamais avec qui je suis?
- Je ne sais pas.
- Steph est à côté de moi et elle dort.
- Pour vrai? Tu es où?
- Dans l'autobus pour Rouyn.
- Des preuves?

Marc-Olivier lui a envoyé la photo qu'il venait tout juste de prendre.

- Chanceux ☺
- Je sais.
- Bonne route!
- On se voit bientôt.
- A+

Stéphanie a dormi jusqu'à Mont-Laurier. Lorsque le chauffeur a fait un arrêt pour le souper, elle n'avait pas encore ouvert les yeux. Marc-Olivier a posé doucement sa main sur l'épaule de Stéphanie en murmurant son nom. Elle a grommelé et a ouvert les yeux.

- On est où?
- Mont-Laurier. C'est l'heure du souper.
- Je n'ai pas faim.
- Tu vas au moins manger une soupe. Viens.

Elle s'est étirée et a donné le manteau de Marc-Olivier à son propriétaire. Elle a pris le sien et l'a suivi à l'extérieur de l'autobus. Au restaurant, elle a commandé une soupe aux légumes et une bouteille d'eau. Marc-Olivier a pris un repas beaucoup plus copieux. Stéphanie s'est forcée à manger sa soupe et à prendre quelques bouchées du petit pain qui l'accompagnait. Pendant le repas, il a tenté de faire la conversation.

- Nicolas était insistant quand on était à Montréal.
- Si on veut.
- Ça ne s'est pas bien fini avec lui à Sherbrooke.

Stéphanie l'a regardé droit dans les yeux avant d'observer à nouveau sa soupe. Elle n'avait pas envie d'aller sur ce terrain avec lui. Qui était-il pour connaître sa vie privée?

- Je n'ai pas envie d'en parler Marc-Olivier et ça ne te regarde pas.
- Je voulais juste que tu saches que si tu veux en parler, je vais t'écouter. Je suis capable, tu sais.

Elle sentait les reproches dans la voix de Marc-Olivier et elle se sentait mal de l'avoir rabroué de la sorte.

- Je m'excuse, a commencé Stéphanie. Tu as raison, ma visite à Sherbrooke s'est mal terminée et je suis fâchée.
- Pourquoi? Qu'est-ce qui s'est passé?
- Ça ne regarde que Nicolas et moi.
- En tout cas, ça doit être assez grave pour que tu te sentes comme ça.

Stéphanie ne savait pas quoi lui répondre. Elle ne voulait pas lui en dire. Elle avait peur qu'il s'imagine toute sorte de chose et elle n'avait pas envie de ça. Ce n'est pas parce qu'elle n'était plus avec Nicolas qu'elle allait automatiquement lui tomber dans les bras. Au contraire, elle savait trop bien qu'elle deviendrait une proie facile pour Marc-Olivier.

- Je vais m'en remettre.
- Si j'étais à sa place, je n'aurais jamais voulu te faire de la peine à ce point-là.

La tentationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant