Au-revoir, Grand-Maman

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Cinq ans. 1850 jours, dans cette petite pièce à attendre. Attendre que tu le rejoignes. J'ai du mal à exprimer toutes ces pensées qui me viennent à l'esprit. Certaines sont là, depuis maintenant des mois à me trotter dans la tête. Mais je n'arrivais pas à les sortir. Les mots s'étranglent dans ma gorge et n'arrivent pas à aller plus loin.

Pourtant, il y a tellement de choses que j'aurais voulu te dire. Ce lundi, lorsque je suis venu te dire au revoir. Mais à nouveau, les mots s'évanouirent. Je voulais te dire merci. Pour toutes ces années, ces doux moments passés ensemble. J'y repensais encore, il y a quelques jours : chaque fois que je venais passer la nuit chez toi, dès le réveil, tu étais là à m'attendre, avec une faluche bien fraîche et ce chocolat chaud que tu fais toi-même. Ces petits moments, sont à jamais gravés dans mon cœur, et je les chérirai encore et toujours.

Chaque fois que je venais te voir, dans ce qui pour moi n'était rien d'autre qu'un mouroir, j'étais tout retourné. Te voir, là à attendre Grand-Pa, seule dans cette petite pièce me faisait tellement mal, me rendait tellement triste. À chaque fois, mes mots s'étranglaient de plus en plus. Ma joie, mes peines, me semblaient bien dérisoires face à la détresse qui t'habitait.

Chaque fois, des tas de réflexions me venaient en tête, mais aussi de la colère. Je me demande comment on en est arrivé là. On passe plus de temps à rêver de réussite sociale, à réaliser ses propres désirs, à courir pour gagner quelques sous. On passe tellement de temps à courir pour satisfaire ces besoins éphémères qu'on en oublie le plus important. On délaisse nos proches, on les oublie, on les parque dans ces mouroirs. Pourtant, alors que petits nous étions souffrants, ils passaient leurs nuits avec nous, ils nous ont nourris lorsque nous étions incapables de porter une nourriture à notre bouche. Ils étaient là, disponibles pour nous quoiqu'il arrive. Et nous trop égoïstes, nous ne leur avons même pas rendu la pareille.

J'ai moi aussi été égoïste. Te voir dans cette chambre seule, te voir dépérir de plus en plus m'était insupportable. Je voulais garder au fond de moi cette image de cette grand-maman qui me souriait dès que j'approchais d'elle, de cette grand-maman qui me racontait des histoires avant de dormir. De cette grand-maman qui se coupait en quatre pour ses petits-enfants lors de nos traditionnels Saint-Nicolas dans ta grande maison. Et même ce petit mot, si petit mais si important, je n'ai pas réussi à te le dire. Merci.

Au-revoir, grand-maman. Je t'aime.

Ze rantbook d'un vieux croûtonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant