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Il fait un froid sidérant ce matin. Le réveil a été difficile. Il faut dire que la soirée dernière a été dingue : mon voisin a fait une fête d'anthologie comme si tout New York s'était donné rendez-vous devant notre immeuble. J'ai encore la gueule de bois et l'air frais me fait plutôt du bien.
Depuis mon arrivée dans cette ville, je m'éclate vraiment, j'avais peur de me sentir seule et de ne pas supporter l'éloignement de ma famille mais finalement c'est une expérience incroyable.
J'espère que j'aurai le temps de boire un café bien serré avant d'aller en cours sinon je ne finirai pas la journée vivante.
Mon téléphone sonne quand je rentre au Starbucks :

- devine la bonne nouvelle?
- ils ont trouvé un remède miracle à la gerbe post biture?
- quoi? Qu'est ce que tu racontes? Le prof de litterature est absent ce matin, on n'a pas cours avant 11h. Trop cool non?
- carrément génial ouais. Je vais pouvoir prendre mon café tranquille et là franchement ça le fait bien.
- t'as fais la teuf hier on dirait!
- Javier a invité des potes chez lui, oui, on a fini à 6h du matin. Je suis morte.
- ah je vois, je suis jamais là quand il faut putain. Je me suis fait chier chez les clarkson. Jte jure, garder des mômes toute la nuit pour que dalle, c'est la loose. Enfin bref, on se voit tout à l'heure alors?
- yes, Je te bip avant d'arriver sur le campus.
- ok bisous.
- bisous ma poule.

Amy est ma meilleure amie. Elle est arrivée à New York presqu'en même temps que moi il y a 4 mois et on a tout de suite sympathisé. Elle fait du baby sitting autant qu'elle peut pour se faire un peu d'argent de poche. Ses parents ne l'appellent jamais, je me demande d'ailleurs si elle leur a parlé depuis son départ de Paignton. Parfois je la regarde, ses yeux bleus tristes et sa bouche serrée. Elle est comme ma soeur et je ne peux pas m'empêcher de sentir un pincement au coeur quand je la sens si perdue. Sa famille l'a éloignée d'eux après le remariage de son père avec une pėtasse décolorée. Sa mère n'étant clairement pas suffisamment stable pour s'occuper d'elle, ils ont sauté sur l'occasion quand elle leur a parlé de son désir de percer dans la danse et de venir ici, aux États Unis.
Le Starbucks est presque vide, je commande un café bien fort et vais m'assoir en terrasse. Malgré le froid j'aime bien me poser ici. On peut observer les gens qui vont et viennent sans se soucier de rien d'autre que de leur emploi du temps. On entend aussi les bruits de la ville au loin et étrangement on perçoit toujours le piaillement d'un oiseau invisible quelque part guettant probablement la miette perdue. Parfois je me pose là avec un bon livre et je me laisse dériver, doucement, enveloppée dans le cocon protecteur de la ville.
Autour de moi, il n'y a pas beaucoup de courageux. La plupart des gens préfère rester à l'intérieur, en temps normal je l'aurais fait aussi mais là le froid glacial fait du bien à ma migraine. Il y a cependant un homme seul avec une tonne de papier devant lui, il fixe la rue presque déserte. Il a l'air concentré sur un point précis mais il n'y a rien dans la direction de son regard. Il a l'air aussi stone que moi.
Soudain le serveur du comptoir déboule dehors, une cigarette au coin des lèvres.

- putain ça caille aujourd'hui!

Il me jette un petit regard malicieux, il est plutôt mignon et visiblement il le sait.

- pourquoi rester dehors par ce froid?
- besoin de me geler les neurones sans doute.
- ah! Les teufs des étudiants hein? Ça laisse des traces le lendemain. Tu n'as pas cours aujourd'hui?
- si j'ai cours un peu plus tard.

Je baisse le regard, je n'aime pas les mecs trop sûrs d'eux. Ils n'offrent aucune surprise, aucun mystère. Ils te font des tas de promesses qu'ils ne tiennent pas.

- tu veux que je t'offre un café à l'intérieur?
- non merci, j'en ai déjà un et je préfère rester au frais. Mais la prochaine fois peut être.
- ok tu sais où me trouver.

Il me lance un regard entendu avec un large sourire. Tout à fait le genre de garçon qui croit pouvoir faire trembler de désir toutes les filles autour de lui. Mais il est vraiment mignon, et je ne le connais pas alors autant lui laisser le bénéfice du doute et ne pas le remballer trop vite.

- oui je sais.

Je lui souris et son visage s'éclaire un peu plus. Il rentre franchement satisfait.
Je sors une cigarette de mon paquet et en porte une à la bouche. La fumée pénètre dans ma gorge et je réfrène une remontée acide. Je tousse un peu fort.

- Ah l'âge d'or de la vie! Vous en êtes au meilleur, profitez en bien jeune fille.

Je sursaute brusquement et croise les yeux perçants du vieil homme à côté de moi. Il doit avoir une quarantaine d'année mais son visage est marqué. Il me regarde avec insistance et ça me met mal à l'aise. Je réétudie la proposition du serveur quand il reprend :

- je ne voulais pas vous effrayer, excusez moi.
- vous ne m'avez pas fait peur, j'étais perdue dans mes pensée c'est tout. Mais vous avez raison il faut profiter de la vie chaque jour qui passe, c'est mon credo.

J'ai parlé vite et fort comme pour me donner confiance en moi et il a l'air surpris. Je lui souris franchement sans réfléchir. Je ne sais pas pourquoi mais je n'ai vraiment pas peur, il a un côté familier, presque paternel, son regard franc me plaît. Je sens que cet homme est sincère, bizarre et curieux mais sincère.

- jeune fille vous êtes absolument adorable. Depuis que je travaille je rencontre énormément de monde, croyez moi, mais vous avez un truc que je n'ai pas encore vu ailleurs. Un truc en plus. C'est très intéressant! Qui l'aurait cru de ce temps de chien.hein?

OK! Je me suis plantée, c'est un pervers pédophile qui me balance un argumentaire de merde pour draguer une fille clairement trop jeune pour lui. Ma cigarette est presque finie dans 2 minutes je me barre. Il éclate de rire devant mon air sidérée.

- je sais de quoi ça a l'air, dit il amusé, mais vous vous trompez. J'ai passé l'âge de flirter au bar du coin.
- ok alors vous faites quoi en fait? Vous chercher une oreille compréhensive à votre nostalgie matinale c'est ça?
- fabuleux! Fabuleux!

Il me toise de plus belle.

- vous n'allez probablement pas le croire mais je travaille dans le cinéma et je caste des gens pour tenir des rôles. Des grands ou des petits rôles ça dépend mais..
- vous avez raison je ne vous crois pas! C'est pourri comme approche, vous devriez changer de technique, je le coupe volontairement car il commence à m'agacer.

Mon mal de crâne est toujours là et je n'ai pas envie de perdre mon temps à écouter des conneries à 9h du matin.

- je comprend, on ne me croit jamais,dit-il soudain très sérieux, pourtant c'est la vérité. Je m'appelle Walter Scott Ericsson, googelisez-moi vous verrez.

Le doute s'installe en moi, et instinctivement je me promet de le faire dès qu'il sera parti.

- je vous laisse ma carte, reprend - il.
Il me tend une carte de visite, appelez moi quand vous voudrez. Je dois trouver une fille de votre style pour un film. C'est un vrai rôle et vous me semblez coller parfaitement. Vraiment appelez moi. Renseignez-vous et appelez moi. Vous verrez je vais peut être changer votre vie.

When Stars Are ShiningOù les histoires vivent. Découvrez maintenant