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Le noir absolu autour de moi et ce bruit incessant, atroce. L'odeur du chêne veilli pourri par l'humidité. Accroupie comme un enfant meurtri, me couvrant les oreilles pour ne plus entendre les voix, les voix dans ma tête, les voix dehors. Je voudrais crier mais je ne peux pas, j'ai trop peur que la porte ne s'ouvre sur l'inimaginable, sur le monstre en train de se répendre. Rétrécir pour disparaitre.

Ma tête bourdonne lourdement quand j'ouvre les yeux. La lumière à déclinée dehors, laissant une belle couleur bleutée rafraîchir les voilages accrochés aux fenêtres de ma chambre. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi mais mon sommeil a été agité. Piégé par ce cauchemar que je ne faisais plus depuis des mois et des mois.
Je me réveille abattue mais combative, prête à affronter ce monde de menteurs et de voleurs d'âme, prête à redresser le menton. Comme cette inscription sur ma cheville "ne jamais regarder vers le bas", philosophie simpliste que je me suis auto suggéré des heures durant après ma longue et douloureuse déchéance.

J'attrape un jogging gris qui traîne sur la chaise et descends rejoindre mes amis, les seuls sur qui je peux compter, en qui avoir confiance.
Mais à peine j'arrive en haut de l'escalier, j'entends la voix de Jordan résonner dans le hall.
Je m'arrête, pétrifiée, il ne faut pas qu'il me voit. Je ne veux pas le voir non plus mais sa voix raisonne dans ma tête, sa voix paniquée et douce, veloutée. J'aimerais juste voir son visage, son expression. Mais ça serait trop dangereux, trop frais.

-je veux la voir, dis moi où elle est, man.
-je ne sais pas où elle est partie et je ne sais pas non plus, quand elle va rentrer. Tu sais quoi? tu devrais la laisser tranquille, tu en a assez fait comme ça, tu crois pas?

La voix de Javier est étonnamment posée et calme. Je ne lui connaissais pas ce flegme là. Je me demande ce qu'il pense de tout ça.

-j'ai rien fait du tout moi, c'est cette connasse qui a fait n'importe quoi. Je suis dégoûté mec. Je dois lui expliquer, on devrait toujours pouvoir s'expliquer merde.

Il a raison, on devrait toujours pouvoir s'expliquer mais pas que quand on l'a décidé. Trop facile.

-écoute, je sais pas moi, elle n'est pas là alors voilà. Qu'est ce que tu veux que je te dise? Tu as merdé, point final. Estime toi heureux de ne pas avoir eu ta gueule à la porte déjà. Laisse lui le temps d'avaler la pilule, tu lui expliqueras plus tard. Pas tout de suite, ca vaut mieux.
-laisse tomber mec, je ne lâcherai pas l'affaire comme ça. Je vais l'attendre ici, elle finira bien par revenir.
-comme tu veux mec, moi je retourne bosser.
-fait chier, merde.

J'entends la porte claquer, le bruit d'un moteur puissant qui s'emballe et qui s'éloigne dans le déclin du jour.
Je retourne chercher mon téléphone que j'avais volontairement laissé dans ma chambre. Après l'avoir allumé, je reçois des dizaines de notifications, des dizaines d'appels manqués, des dizaines! Trente quatre putain d'appels! OK! j'avoue que ça me fait plaisir, au moins il s'accroche et mon ego se relève un peu plus.
Je reçois en rafale quelques messages implorants, quelques mots perdus, quelques peines abandonnées sur le papier virtuel. Les lire me tire encore des larmes mais ravive aussi ma colère frustrée d'avoir été prise pour une conne. Au moins notre début de relation n'a été connu de personne hormis de mon groupe.

Alors pour combattre ce sentiment de désoeuvrement qui m'assaille je m'habille complètement. Un jean moulant, un top noir et des chaussures ouvertes, je me maquille, je me coiffe. Mon rouge à lèvres comme rempart aux attaques.
En arrivant dans le salon, Javier me regarde surpris :

-ça va Lyla? Tu sors?
-oui j'ai besoin de prendre l'air. Tu viens avec moi?
-où ça?

Je lui montre mon sac magique, il contient les élixirs de guérison, dernière armes contre la frustration.

When Stars Are ShiningOù les histoires vivent. Découvrez maintenant