Cela fait maintenant une heure que nous roulons. Je regarde le paysage, la tête posée contre la vitre. Je suis plongée dans mes pensées, silencieuse. Seule la radio brise le silence dans l'habitacle. Shanaëlle baisse le son et s'adresse à moi :
- T'es sûre que ça va ?
C'est déjà la troisième fois qu'elle me pose cette question depuis que l'on est parties de chez nous. Et je lui réponds toujours le même et simple mot :
- Oui.
J'ai répondu sèchement, machinalement. Evidemment, c'est un mensonge.
Je n'ai pas bougé. Ma tête est toujours appuyée contre ma vitre, et je regarde le paysage sans vraiment le voir.
- T'as pas dit un seul mot depuis qu'on est parties.
- Je vais bien, dis-je avec un peu plus de gentillesse cette fois.
Elle me regarde du coin de l'œil mais ne rajoute rien. Je me redresse sur mon siège et lâche, finalement :
- Je voudrais juste avancer. Ne plus y penser, et oublier ce qu'il s'est passé. Pourquoi j'ai l'impression que c'est trop demandé et que je n'y arriverais jamais ? Ça fait si mal...
Ma voix se brise. Je ne rajoute rien, sentant que j'ai atteint ma limite, et que je peux craquer à un moment ou à un autre. Mais je ne pleure pas. J'ai déjà trop pleuré. Et maintenant, c'est fini. Je ne pleurerais plus.
Ma sœur me regarde, l'air peiné.
- Arrête de me regarder de cette façon. On dirait que je suis un pauvre chiot dont la mère vient de l'abandonner au bord de la route.
Shanaëlle sourit. Je continue :
- Tout le monde me regarde ainsi maintenant...
- Ecoute, je ne sais pas trop quoi te dire...
- Alors ne dis rien. S'il-te-plaît. On m'a déjà trop regardée de cette manière. Comme si j'étais une pauvre petite chose. On m'a déjà assez dit qu'on était désolés pour moi, et que ça allait passer avec le temps... Mais ce n'est pas vraiment le cas.
- Je te dirais seulement que ça va être dur, que tu as déjà sûrement passé le plus dur, mais que ça va s'arranger. Même si tu n'y crois pas pour le moment, je suis sûre que ça arrivera.
Je la fixe quelques secondes, tournant et retournant ce qu'elle vient de me dire dans mon esprit. Je ne réponds rien cependant, et je retourne le visage vers ma vitre.
- Tu penses qu'on va arriver dans combien de temps ? demandé-je quelques minutes plus tard, changeant de sujet.
- Dans encore beaucoup trop d'heures à mon goût. Tu as largement le temps de dormir, petite veinarde. Je te rappelle que l'on doit traverser toute la France, et en comptant les heures de repos que je dois prendre... On arrivera là-bas sûrement vers sept heures du mat'.
- OK ! Effectivement, j'ai largement le temps de dormir alors, m'exclamé-je avec un ton enjoué. Tu me réveilles au prochain arrêt ?
J'entends la réponse affirmative de Shanaëlle. Je tente de trouver une position la plus confortable possible, avant de me retourner de nouveau vers la fenêtre. Le soleil se couche progressivement à l'horizon, tandis que mes paupières se ferment de plus en plus et que les bras de Morphée m'enveloppent peu à peu...
***
- Capucine, réveille-toi ! On est arrivées.
Shanaëlle me secoue pour me réveiller. J'ouvre progressivement les yeux et bougonne à cause du réveil peu agréable de ma sœur.
- Aller ! Bouge-toi ! Viens m'aider à sortir nos affaires.
- C'est bon, c'est bon ! J'arrive. Calme-toi, marmonné-je d'une voix rendue rocailleuse par le réveil.
Quelques minutes plus tard, Shanaëlle et moi sommes en train de sortir les valises du coffre de la voiture, lorsque l'on aperçoit un homme d'une cinquantaine d'années, les cheveux grisonnants et les yeux marron, se dirigeant dans notre direction, un grand sourire aux lèvres. Vêtu d'une chemise à fleurs hawaïennes orange, d'un long short blanc et d'une paire de tongs noires, l'homme me fait penser à un vrai vacancier. Tout bas, je dis à ma sœur, en pouffant de rire :
- Imagine si c'était le supérieur de papa !
Elle rigole également en secouant la tête de gauche à droite et en continuant de sortir nos affaires de la voiture. L'homme arrive à notre hauteur :
- Bonjour ! Vous devez être Shanaëlle et Capucine, les filles de Pierrick et Sabine, je suppose. Je suis vraiment désolé, je suis un peu en retard, rigole-t-il en se grattant le haut du crâne, l'air un peu gêné.
- Nous sommes Shanaëlle et Capucine, en effet. En chair et en os, affirmé-je à l'homme, sans vraiment réfléchir.
Ma sœur me lance un regard mauvais, puis, à son tour dit :
- Oui, nous sommes leurs filles. Et vous êtes ?
- Je suis Armand, le directeur de ce camping !
- Oh ! Vous êtes le supérieur de notre père alors ! comprend ma sœur, surprise.
Je dois avouer que je suis autant surprise qu'elle car jamais je n'aurais imaginé le supérieur de notre père ainsi, habillé de cette façon. Je chuchote, en rigolant, à Shanaëlle :
- Il est carrément décontracté son supérieur !
Ma sœur me donne un petit coup de coude dans le flan, mais sourit tout de même.
- Je sais que dans ces habits, je ne dois pas vraiment ressembler à l'image que vous aviez dû vous faire de moi, rigole Armand.
- Non, pas vraiment, en effet, ricané-je.
Armand me sourit. Puis, semblant se souvenir de quelque chose soudainement, il nous serre à chacune la main, et ajoute :
- Au fait, je suis heureux que vous soyez bien arrivées, et je vous souhaite à toutes les deux la bienvenue au Camping l'Orangé !
VOUS LISEZ
Imprévus
RomanceCapucine Roger a 17 ans et s'apprête à passer ses grandes vacances, avant son année de terminale, à travailler dans un camping. Et pas n'importe lequel. Non, c'est celui du père du riche, arrogant et provocateur Danael Poquelin qui étudie dans le mê...