Four

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"De toute façon...elle n'y arrivera pas. Elle est seule, comme toujours. Comme depuis ce jour où il l'a quitté pour cette autre actrice. Elle est seule, elle est seule elle est seule. Et je veux pas qu'on lui donne n'importe quoi comme rôle. Sinon elle se retrouvera toujours seule."

La cafetière sifflante, Melinda s'empressa de descendre, au cas où le téléphone sonnerait à tout instant. Il suffirait d'un appel manqué de son employeuse pour qu'elle se voit déchue de son statut. Surtout si cette ravissante Rebecca Eldman se mettait à lui réclamer des services du genre "Ramenez-moi des muffins aux prunes" qu'on ne trouve que chez Paul Mature à une dizaine de kilomètres ou encore cette autre chose indignement bizarre : "retrouvez-moi Criton".

Criton. Cette petite peluche qui avait dû la quitter depuis ses six ans. Elle en reparlait comme si elle n'était rien sans ça. De toute manière, elle n'était rien. Surtout depuis qu'elle tournait la série Ashes and Carlton. "Une merde sans précédent" selon Melinda. La fille du Visconti.
Là où le grand air verdoyant s'étendait sur une centaine d'hectares, possédé par grand-père Artus. Celui qui la quitta trop tôt avant d'avoir eu le temps de s'apercevoir que c'était un homme formidable. Bien qu'autour de cet homme de bonne foi résidait une famille de salauds invétérés qui la dégoûtait. Tous autant qu'ils furent. De Marie-Ann à Paul, en passant par Gisèle et Morty. Tous la répugnaient au plus haut point.

Là, ici, à Hollywood personne ne viendrait lui casser du sucre pour lui réclamer quoi que ce soit, ni même pour lui causer d'innombrables problèmes comme cette soit-disant maladie qu'on lui collait généreusement à la peau depuis son plus jeune âge. Une folle, une vraie folle dit-on là-bas.

Il en était assurément fini avec ces chimailles de grande insignifiance. Enfin, elle en avait terminé une bonne fois pour toute avec son passé. En revanche, pour ce qui était de son emploi d'agent, Melinda eut toujours l'impression qu'elle n'en faisait jamais assez ou qu'elle n'arriverait jamais à la cheville de ce Josh Wilde. Celui qui traversa le nom et l'image de cette icône à travers les océans : Rebecca Eldman. Pourtant, rien que le nom lui fichait de temps à autre la pression. Autant que ses mésaventures avec ce fouineur pouvaient être plus que rasoir. Archi comme il en existe beaucoup. Une fois l'avait-elle surpris entrain de créer un raffut dans les affaires personnelles de la jeune femme. Il retournait tout ce qu'il y avait dans les tiroirs de chambre. Une culotte en dentelle rose traînait même sur le sol près du lit se souvint-elle. Quel ingrat.

Aussitôt venu, aussitôt expédié le serait-il. Passons.
Quoiqu'elle essaie de faire, rien n'arrangerait suffisamment les affaires de Miss Eldman. Rien. Il arrivait même durant les périodes de ses débuts qu'elle envisage une autre voie. Ce fût d'ailleurs un heureux hasard qu'elle accepta ce poste. Un coup de chance visait-elle. Mais la réalité la gagnait trop peu pour qu'elle s'aperçoive que la vie à Hollywood était difficilement méritée. Même après un bon travail, la récompense ne vous attendait pas toujours du coin de l'œil.

Quel en sera-t-il lorsqu'elle commencera à se définir comme une véritable actrice ? À chaque instant furtif qui œuvrait dans ses paisibles pensées, il y avait toujours cette idée renversante qui lui portait le sourire.
Des jets de lumière se projetaient sur elle, à l'affût de son meilleur profil pour la saisir en image. Tous envoyés comme des projectiles.
Tous n'avaient d'yeux que pour elle : Melinda Riley.

Hollywood SuicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant