forty-eight

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Les questions se bousculaient savamment dans sa tête. Les mots voulaient s'échapper d'eux-mêmes, mais Cory empêcha aussitôt cette inadvertance de se produire car il commençait apprécier l'agréable moment qui se déroulait.

Cheryl, toujours souriante et avenante, le genre de miss à débiner tout un tas de choses parfois incohérentes entre elles mais qu'elle parvenait toutefois à glisser comme un gant. C'était le timbre de sa voix que Cory se mettait drôlement à épouser sympathiquement.
Le sentiment martelant d'être trompé s'effaça lentement de son esprit.

Cory revenait à l'état de confiance où il connût la belle Cheryl au Make's café. Ce fameux jour où tous deux lisaient le même numéro de magazine. Un hasard aussi chanceux que interpellant.
L'extase avait engendré une certaine harmonie complémentaire depuis ce jour. Une osmose qui le rendait à la fois fébrile et dans une complaisance unique. Plus rien n'importait aux alentours. Juste les deux âmes tourterelles qu'ils étaient.

C'en était d'ailleurs un événement aussi inattendu qu'inespéré. D'une sérénité déployée que jamais le jeune prodige ne ressentit de sa vie. C'était ce qui lui manquait : l'amour. Un sentiment qu'il ne savait décrire tant il ne l'avait jamais anticipé.
Même les mots le perdaient, rien ne pouvait être plus descriptible que ce qu'il vivait à l'instant présent.

Pourtant, cette utopie allait connaître une fin à laquelle il ne se voyait guère envisager de si tôt. Il ne désirait y croire, ni même avancer plus loin tant l'ambiance lui plaisait grandement. Mais Cory se devait d'être honnête avec lui, et surtout avec elle.

Toutefois, ce fut invariablement le rôle de Cheryl. Après tout, le jeune homme lui avait livré une page de son cœur. Celle qui l'incitait à prendre cette confiance qui cheminait vers elle, tendue à bras ouverts.

Une anticipation qu'elle accepta une fois le couteau placé sous la gorge. Sinon, il aurait parié qu'elle ne lui aurait révélé un piètre mot. D'ailleurs, l'histoire de sa mère était-elle aussi véridique qu'elle osait le faire prétendre ? 
Dans son regard, il y avait une sorte de faiblesse qu'elle tentait aussitôt de feindre en adoptant une attitude plutôt déconcertée.

En effet, Cheryl ne savait comment amener le sujet ni comment le batifoler. Il y avait une sorte de "voilà je sais pas comment te dire mais..." qu'il cernait distinctement.
On eut dit qu'elle tentait de rapporter les faits d'une manière qui l'échappait vainement. Une histoire qu'on raconte mais dont on reste inapte dans la manie d'abréger les mots pour en conjuguer d'autres.

Cory ne savait plus réellement cerner la jeune fille, une minette beaucoup trop cachotière pour oser prétendre être une amie. Un voile sombre assénant sur un événement qu'elle semblait se torturer de garder pour elle. Ce qui ne relatait en rien à une amitié sereine.
Trop de mystères l'enrobaient. Et Cory pressentait une noirceur extrême derrière cette enveloppe.

Toutefois, il s'accorda le bénéfice du doute lorsque l'instant se reproduisit sous ses yeux, celui où elle se sentit mise à nue lorsqu'il évoqua le sujet douloureux de sa mère. Il y avait dans son expression une certaine fragilité, simulée avec tant de mal la profonde peine qui l'habitait. Or, pour s'en défendre, elle détournait sans cesse le regard. Fuyant par tous les saints l'once d'une pitié dans les yeux de ce dernier.

En rentrant dans sa chambre, Andy lui annonça la venue d'une invitée nocturne. Une charmante brune qui souhaitait passer un moment en sa compagnie car la solitude à Los Angeles lui parût un tantinet pesante.

- Coucou. Fit-elle d'une voix ténue.

- Salut... (Sourire de coin.)

- Je te dérange pas ? (Les mains enfouies dans les manches comme des lièvres grattant le fond d'un terrier.)

- Pas du tout, viens.

- J'avais besoin d'être avec toi. Car j'aime pas dormir seule la nuit...

Hollywood SuicideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant