Hollywood Suicide

Forteen

La journée bientôt happée par le crépuscule, Melinda rentra chez elle. Le cœur noué, comme si elle s'apprêtait à se confronter de nouveau auprès de Rebecca et de sa vipère de cousine.

La boite aux lettres, toujours bombée de prospectus en tout genre. Maybe Cosmetics; flop and top; part life... Des slogans évoquant la vivacité de la jeunesse de votre peau retrouvée; ou ce sweat détrônant la jupe parme devenu désormais le style "in" de Los Angeles. Ou encore une de ces maudites infos qui annonçait encore le retour de Fendi Hopes dans la série après un arrêt de quelques semaines, suite à un accident survenu sur le tournage.
Une pareille nouvelle aurait suffit à effondrer la jeune Rebecca sur place si elle tombait dessus. Or, Melinda ne savait pas si la jeune femme s'était remise à suivre la vie de David comme les épisodes de son feuilleton. Ceux qu'elle se repassait en boucle, comme si elle répétait indéfiniment les scènes qui s'étaient jouées.

En posant le tas sur la table, quelques enveloppes colorées dépassèrent des revues. Rien que la  vue lui fila la nausée.
Encore des foutues anciennes gamines qui n'eurent rien d'autre à faire qu'à tenter coûte que coûte de créer un lien avec leur star d'antan. Rebecca Eldman.
"Je m'en occuperai plus tard."se dit-elle.

La vue panoramique sur le balcon lui donna la meilleure des expositions. Bien que le loyer n'étant pas encore trop élevé, la vue du paysage était un luxe dont elle ne pouvait se passer depuis sa première visite. De son haut balcon, situé au treizième étage d'un immeuble de cinquante, Melinda pouvait nettement apprécier la colline la plus célèbre du monde, baptisée de neuf lettres : Hollywood.

À chaque fois qu'elle prenait le temps de se poser, avec un bon verre de martini blanc, la jeune femme se remémora le chemin qu'elle parcourut pour en arriver là.
Elle en était fière. Partir de rien et devenir l'agent d'une des stars les plus prisées de la ville était loin d'être un destin anodin reconnut-elle. Pourtant, en débarquant dans la ville des anges, Melinda se souvint de son tout premier objectif : celui d'avoir une vie indépendante, quelle qu'elle soit. Elle aurait pu rester la secrétaire du docteur Swan comme l'assistante en assurance qu'elle êta pendant deux années auprès de Tchef's company.
Mais son destin en fût autrement.

Un jour, alors qu'elle arpentait sereinement les rues de Carlsen street, un homme au costume légèrement déboutonné l'interpella gentiment.
Lorsqu'elle se retourna, il tendit une carte jaunâtre où sa photo apparaissait dans l'encadrement du haut.

- Vous avez fait tomber ceci, mademoiselle Sherves ? Fit-il en guettant par sûreté le nom.

Elle se souvint qu'il était plutôt grand, très svelte, assez expressif et enjoué dans ses mouvements. Tel un Charlie Chaplin des temps modernes.
Un grand sourire aux dents parfaitement alignées, les yeux noirs charbon. Il n'était certes, pas le plus séduisant mais il possédait un charme qui n'était point négligeable. D'ailleurs, avant même qu'elle finisse par accepter de boire un délicieux café en sa compagnie, elle décela la primaire de ses qualités quand il se présenta en ôtant son chapeau : la galanterie.

Malgré la timidité et la crainte qui la gagnaient intérieurement, Melinda ne laissa rien transparaître. Il était le seul homme à l'avoir abordé avec autant d'élégance, même si sa manière parût plutôt désuète. Depuis sa venue, c'est à peine si elle trouva deux ou trois connaissances aussi aisément.

- Alors, d'où venez-vous ma chère Melinda ? (Le chapeau posé sur la chaise à ses côtés.)

- Je viens du Kansas. Mentit-elle.

- Hum. Vous feriez une splendide comédienne, vous le savez ? (L'air mi-songeur).

- Eh bien. Je n'ai jamais envisagé d'exercer un jour ce métier, mais pourquoi pas ! Répondit-elle sur le ton de la légèreté, alors qu'elle cernait bien là où il voulait en venir. (Une façon bien farouche de détourner avec humour la discussion reconnût-elle.)

- Je ne vous crois pas. Rit-il. (En replaçant sa mèche grise vers l'arrière, l'or de sa bague scintillant à travers les cheveux.)

- On ne peut rien vous cacher à vous. Sourit-elle.

S'il y a bien une chose que Melinda retint de sa mère, malgré des rapports quasi fantomatiques, c'est qu'il fallait préserver un certain sourire dans les circonstances qu'elle pressentirait instinctivement. Car, le sourire était la meilleure des armes quand on était guère une altruiste à la violence. Cet allure lui ouvrirait bien des portes lui soufflait-elle. C'est le moment, Melinda. Montre que tu es capable de te montrer adorable.

- Sérieusement, d'où venez-vous ? Insista-t-il.

- Disons que l'on va se contenter de cette réponse pour l'instant. (S'adossa la jeune femme contre sa chaise, les mains croisées.)

- Hum. Mystérieuse à ce que je vois ?

Le sourire argumenta sa réponse.

- Et vous ? Qui êtes-vous ?

- Appelez-moi Jensio. Tendit-il une main.